L'exposition Objectif Vietnam : Photographies de l'Ecole française d'Extrême-Orient ouvrira ses portes dans quelques jours. Elle proposera à son public de découvrir les images des travaux réalisé par l'Ecole française d'Extrême-Orient, de sa fondation en 1898, à sa fin -temporaire – en 1954, suite aux accords de Genève.
Une exposition complète, de grande ampleur, qui promet à son public, de découvrir – ou de redécouvrir pour les initiés – non seulement le travail ardu de cette ecole au Vietnam, mais la cutlture du pays à cette période de son histoire.
Rencontre avec Christine Shimizu directrice du Musée Cernuschi et commissaire de l'exposition
Pêcheur au carrelet. 1925 © Ecole française d’Extrême-Orient/ Jean Manikus
En quelques mots, pouvez-vous nous expliquer l'exposition ?
L'exposition est centrée autour de la présence de l'Ecole française d'Extrême-Orient au Vietnam. Celle-ci est une institution qui a été crée à la fin du XIXe siècle, afin d'étudier les cultures de l'Indochine française de l'époque : Cambodge, Laos, Vietnam.
Elle avait différentes missions, ce sont donc ces missions que l'on explique, et qui sont montrées dans cette exposition. L'Ecole française d'Extrême-Orient couvrait les trois pays de l'Indochine, mais était basée au Vietnam, à Hanoi. C'est à partir de là qu'elle organisait les missions aussi bien au Cambodge qu'au Vietnam ou au Laos.
Il y a eu une lettre d'Auguste Barth (l'un des fondateurs de l'École française d'Extrême-Orient ndlr) qui a décidé des missions de l'Ecole française d'Extrême-Orient, et qui a défini ce que serait sa politique à l'avenir jusqu'à nos jours. Aujourd'hui, cette Ecole a essaimé, a des bureaux en Inde, au Japon, mais à l'origine, il s'agit du Vietnam. Parmi les missions, ce sont celles détaillées dans l'exposition, comme dans le catalogue qui l'accompagne. Nous avons fait un chapitre par mission : au début de chaque chapitre, vous avez la mission telle qu'elle était définie, qui sert de base à une présentation de photographies illustrant cette mission.
Il s'agit du fonds photographique de l'Ecole française d'Extrême-Orient, celui-ci était à l'origine au Vietnam, puis il a été rapatrié en France. L'Ecole a quitté le Vietnam au moment des guerres du Vietnam, à partir des accords de Genève en 1954. Les vietnamiens ont demandé à l'Ecole française, il y a une vingtaine d'années, de revenir travailler sur le Vietnam. Cette exposition ne présente pas cette partie plus récente, car ce sont des recherches très pointues. Nous avons demandé à des chercheurs de faire état de ce qu'ils font au Vietnam, mais l'exposition porte véritablement sur le travail qui a été fait lorsque la France a quitté le Vietnam.
Ce sont des photographies qui ont été réalisées par des chercheurs, sur place, dans le cadre de leurs recherches et de leur travail. A ces photographies, nous avons également ajouté quelques aquarelles, puisque certains chercheurs étaient également des artistes.
Sur l’esplanade du Nam Giao, Porteurs de tambours Cṍ, de gong Chinh, d’étendards, de parasols. 1939 © Ecole française d’Extrême-Orient/Jean Manikus
Combat du Dragon et du Tigre à Quy Nhơn.1887 © Ecole française d’Extrême-Orient/photographe inconnu
L'exposition débute par une présentation des chercheurs dans leurs éléments, puis les différentes parties : la première traite des fouilles archéologiques et des découvertes faites par ces équipes au Vietnam. D'abord par la civilisation Cham, c'est à dire qui occupait le centre du Vietnam, avec la mise au jour d'un certain nombre de sanctuaires, temples et parmi eux, beaucoup ont disparu puisqu'ils ont été bombardés dans les guerres plus récentes du Vietnam.
Il y a également eu des fouilles conduites par un archéologue d'origine suédoise qui travaillait pour l'EFEO, et qui a mené une partie des fouilles archéologiques qui ont été découvertes, car il a été subventionné à la fois par l'Etat et la ville de Paris.
Il y a eu aussi des fouilles sous-marines, la rénovation d'un certain nombre de temples, restaurés, préservés, puis bombardés ou brûlés pendant les guerres, et qui ont aujourd'hui disparus.
La deuxième partie de l'exposition porte sur la création des musées puisque le gouvernement français avait donné mission à l'EFEO de créer des musées au Vietnam, à partir des fouilles archéologiques et des découvertes qu'ils avaient fait. Les œuvres n'ont pas été rapportées en France, elles étaient destinées à être conservées dans ces musées, et elles le sont toujours aujourd'hui. Il y a trois musées principaux, surtout Hanoi, Đà Nẵng et Saigon. Ces édifices ont, au fil de l'histoire du Vietnam changés de nom, et quelques fois évolués du point de vue du contenu.
Une autre des missions a été le relevé des inscriptions : à la fois des inscriptions en chinois mais aussi en Cham. Pour faire ces relevés, le procédé de l'estampage a été utilisé, ils sont conservés à l'EFEO, et l'un d'eux sera montré à titre d'exemple de l'écriture Cham lors de l'exposition.
Nous n'avons pas voulu présenter les minorités ethniques, car c'est un sujet en soit tellement elles sont nombreuses. Mais, il y a l'ethnographie de « ville », aussi bien dans les coutumes autour de la fête du Têt, les médiums qui ont pratiquement disparus, les processions en hommage à des divinités, cultes locaux ou des enterrements.
Les textes qui sont indiqués dans le catalogue sont pour la plupart des citations de membres de l'EFEO de rapports de recherches.
Moine en prière à la pagode bouddhique de Hong Phuc (dite de Hòa giai) 19 rue Hang Than (rue du Charbon) Hanoi. 1936 © Ecole française d’Extrême-Orient/photographe inconnu
Cérémonie du Nam Giao
la foule suivant le cortège, 1939 © Ecole française d’Extrême-Orient/ Jean Manikus
Quel a été votre rôle de commissaire dans l'exposition ?
Nous sommes deux commissaires, la responsable de la photothèque de l'Ecole française d'Extrême-Orient, Isabelle Poujol, et moi-même. Nous avons fait un choix dans les archives qui sont énormes. Un choix qui correspondait à ces missions, nous avons vraiment voulu mettre en exergue les missions de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Cela correspondait aux actes et actions faits par l'Ecole au Vietnam, et la contribution qu'avait fait la France vis à vis du Vietnam.
Que pensez-vous de cet événement de l'année de la France au Vietnam ?
Nous avons régulièrement ce genre d'évènements, il y a eu l'Afrique du sud l'année dernière, l'année prochaine c'est la Corée et nous seront là aussi aux premières loges. Nous nous inscrivons dans ce réseau de liens avec le pays, pour faire connaître le pays, comme le Vietnam reçoit des expositions ou des pièces françaises.
Fonte d'une statue monumentale de bouddha, 1952. © Ecole française d’Extrême-Orient/Jean Manikus et Nguy n
Médiums devineresses dans une des cours du
temple Den Ghen, 1953 © Ecole française d’Extrême-Orient/photographe inconnu
Quelles retombées de l'exposition espérez-vous ?
Nous avons déjà fait une exposition sur le Vietnam il y a un an et demi, nous avons eu beaucoup de succès auprès de la communauté vietnamienne. Ce sont des gens extrêmement attentifs à ce que l'on fait sur leur culture, ils aiment leur pays, même s'ils en sont partis par la force des choses. C'est un public très réceptif, et j'espère que nous aurons non seulement ce public mais également les amateurs et de la culture vietnamienne, sans compter les voyageurs qui sont de plus en plus nombreux.
Pourquoi ce titre ?
Objectif Vietnam est à double sens, c'est l'objectif photographique, mais également les objectifs qu'avaient les missions de l'EFEO. Au travers de cette lentille de l'appareil photo, il y a aussi tous les voyageurs au Vietnam, qui eux prennent leurs photos de nos jours avec leurs objectifs.
Quel regard portez sur la photographie vietnamienne ?
Je connais peu la photographie vietnamienne contemporaine, mais je pense que les photographes vietnamiens sont souvent dans le cliché : la baie d'Halong et autres magnifiques décors de chez eux. Ils entrent difficilement dans la contemporanéité, peut-être en raison de leur environnement politique.