© Charlotte Courtois
Intéressé au paysage en tant qu'espace indéfini, le photographe estonien Alexander Gronsky présente sa nouvelle série « Pastoral ».
Gronsky a travaillé longtemps pour la presse internationale et a obtenu plusieurs prix, parmi lesquels la troisième place pour « Daily Life Stories » du World Press Photo. Il est représenté par l'agence Photographer.Ru et en 2012 il est devenu membre dehttp://www.instituteartist.com/"
Enquêteur du rapport entre homme et paysage, Gronsky focalise son dernier travail sur des lieux marginaux, partagés entre l'habitat humain et naturel. Ses photographies, prises dans l'extrême périphérie de Moscou, sont des compositions qui rappellent la peinture romantique, et, comme le dit l'auteur, des métaphores qui dépeignent l'exploration humaine de l'espace.
A l'occasion de son exposition à la Galerie Polka, Alexander Gronsky revient sur son parcours dans la photographie et raconte l'origine du projet « Pastoral ».
Pourquoi photographiez-vous, comment tout a commencé ?
Tout a commencé assez tôt, je ne me souviens pas avoir fait quelque chose d'autre que photographier. Je crois avoir commencé vers quinze ans. En tant qu'adolescent ennuyé, je ne savais pas trop quoi faire, et la photographie me semblait une bonne occupation. Le choix de cette profession n'a pas été difficile. La photo m'amusait. Je crois qu'une grande qualité de l'art est que lorsque l'on grandit, elle se développe avec nous. Les valeurs changent, mais l'on peut témoigner cette mutation à travers la photographie.
Comment vous êtes-vous intéressé au paysage et à la relation entre l'homme et l'environnement ?
Cela a été plutôt intuitif. Je travaillais comme photographe professionnel pour la presse, je réalisais des documentaires, des histoires, des shoots pour les magazines, mais je me suis rendu compte que je voulais quelque chose de différent par rapport à la narration documentaire. Je souhaitais des images plus complexes, des combinaisons d'éléments divers.
C'est pourquoi j'ai choisi le paysage. Si on adopte une approche historique, on voit de quelle façon le paysage offre un portrait de la création, non pas un endroit précis de la terre, mais une manière de décrire la création entière dans un seul tableau. J'ai suivi la même logique.
© Alexander Gronsky
Votre nouvelle série « Pastoral » s'insère dans cet intérêt. Pourriez-vous l'expliquer ?
Encore une fois, c'était plutôt naturel. J'ai commencé pendant que je cherchais des paysages qui pouvaient m'intéresser. Je me suis aperçu que la périphérie de Moscou est une sorte de zone abandonnée en marge de la ville, où l'on ne peut pas dire s'il s'agit d'un habitat humain ou d'un espace déjà étranger au domaine humain. Ce qui m'intéressait, c'était le concept de zone-limite, et la façon dont les personnes se rapportent à ces espaces. Je voulais inclure les personnages dans les clichés pour peupler ces lieux. Les gens fréquentent vraiment ces espaces indéfinis, puisque cela leur donne la possibilité de les définir, selon ce qu'ils désirent.
Avez-vous remarqué une mutation dans les relations humaines et dans la relation des hommes avec la nature dans ces paysages ?
On ne peut pas partager les deux. Ce sont des paysages construits par l'homme, son influence est toujours présente. La seule lecture de mes séries que je n'aime pas est celle qui recherche une interprétation sarcastique ou une critique sociale de cette banlieue. Ce n'est pas le cas ici. Ces paysages sont plutôt la métaphore de l'exploration humaine de la nature. Je ne suis pas intéressé par les lieux qui n'ont pas de relation avec le monde humain.
Vue de l'exposition « Pastoral » d'Alexander Gronsky à la Galerie Polka © Charlotte Courtois
Il n'y a donc pas de critique sociale dans votre travail ?
Non. C'est une posture qui ne m'intéresse pas. Comme photographe, je ne suis qu'un spectateur. Je ne suis pas passionné de jugements, je crois que personne n'est dans la position de pouvoir juger. Aucun message social ou environnemental n'est ancré dans mon travail.
Il a une forte contribution de la lumière dans vos photographies...
Oui, j'aime que les images soient belles. Dans mon travail, je fais référence à des peintures romantiques. Nous avons la perception de la beauté, ainsi que des préférences esthétiques, selon les contextes qui nous influencent. Finalement, j'aime les belles photos. Je les place dans mon appartement et je m'amuse en les regardant.
Vue de l'exposition « Pastoral » d'Alexander Gronsky à la Galerie Polka © Charlotte Courtois
Pourriez-vous expliquer le grand format des photographies de la série « Pastoral » ?
C'était une décision difficile. Je les voulais les plus grandes possible, mais il faut aussi songer aux contraintes techniques, d'espaces et aux nécessités des collectionneurs. Cette fois nous avons donc opté pour un format optionnel en offrant trois dimensions différentes. J'aimerais les réaliser de quatre mètres, mais après il faudrait un monte-charge pour les déplacer... (rires)
© Alexander Gronsky
© Alexander Gronsky
Faites-vous des choix techniques particuliers dans vos travaux, outre le format ?
Non, je crois que la plupart des gens aujourd'hui utilisent le papier Inkjet. Je suis plutôt conforme en matière technique. J'ai utilisé des pellicules pour ce projet, mais il sera, sans doute, le dernier projet en argentique. Je n'ai commencé à utiliser le numérique que récemment, c'est une approche très différente.
Vue de l'exposition « Pastoral » d' Alexander Gronsky à la Galerie Polka © Charlotte Courtois
Est-ce qu'il y a une photo que vous préférez parmi la série « Pastoral » ?
Je ne crois pas, c'est quelque chose qui change avec le temps. Jusqu'à présent, peut-être « Pavshino II », car elle a une structure très complexe.
Comment l'avez-vous prise ?
En passant, avec mon appareil photo. Cette photographie me rappelle un fameux tableau russe du XIXe siècle, avec des chasseurs qui se racontent des histoires. La mise en scène est la même.
Propos recueillis par Anna Biazzi et Charlotte Courtois