Trent Parke est un photographe australien membre de l'agence magnum et fondateur de l'agence Oculi.
Fasciné par l'Australie, il parcourt le pays deux années durant, afin de livrer un ouvrage sur son pays qui a beaucoup changé pendant son enfance. Il obtient différentes récompenses dans le monde de la photographie, tel que le prestigieux prix W. Eugene Smith en 2003.
Les éditions Steidl publient en cette fin d'année son ouvrage intitulé The Christmas Tree Bucket, un conte de noël déstructuré.
A première vue, la couverture rouge de cet opus plonge le lecteur directement dans l'Univers de noël, grâce à sa teinte pourpre puis par son touché doux et épais.
Tel un ouvrage précieux, cette reliure est ornée d'une illustration d'un sapin presque sans épines et d'un titre gravé aux lettres d'or rappelant la calligraphie d'un ouvrage rare.
Il est composé de 128 pages au format agréable de 28,2 x 28,2.
A l'ouverture du livre, le conte de noël s'évanouit. Le lecteur découvre un album au format paysage, où une famille australienne vivant aux abords de la ville se prépare au réveillon de noël. La première photographie du livre, immortalisant la porte principale de la maison familiale, donne le ton. Un climat de pauvreté s'installe et interroge sur la suite de cette invitation photographique.
L'ouvrage est construit autour d'une famille, où les enfants tiennent une place importante dans l'histoire. Ils sont dans l'excitation de la veille de noël, et malgré leur statut populaire, les parents jouent le jeu des cadeaux afin de leur offrir un "joyeux noël" à leur façon.
Malgré ce sentiment de plaisir, les adultes semblent fatigués, désemparés, à bout de nerfs. Les enfants prennent le dessus et dirigent la maison, tel de vrais diablotins. Comme livrés à eux même, le public les retrouve en train de jouer, se disputer et surtout dominer. Sur certaines photographies, ils sont parfois seuls, immobiles et désorientés. Un esprit destructeur se réveille en eux, ils sont comme possédés. En parallèle à ce chaos, une douceur émane de l'ouvrage à travers des images des membres de la famille endormie.
Comme un arrêt sur image, une certaine sagesse surgit et redonne à ce conte noir une douceur et un retour à l'esprit de noël.
La traditionnelle table de noël n'est jamais présentée, au contraire, une photographie de poisson entamé, et une casserole de carottes sur le feu remplacent les garnitures riches d'un plat de fin d'année. En dehors des traditionnels paquets cadeaux, ce réveillon montre aux lecteurs le quotidien de cette famille de banlieue : de simples repas et des scènes de la vie quotidienne.
Les membres de la famille sont souvent seuls, et l'esprit d'une famille unie n'est jamais présente : chacun vaque à ses occupations.
Ce récit est sans paroles. Le lecteur est perdu à travers des moments absurdes. Le spectateur est abandonné dans un conte tordu où surgissent des hots dogs et une maison en pain d'épice qui brûle pendant une veillée de noël. Le lecteur se demande ou est la limite entre réalité et fiction.
© Trent Parke / Magnum Photos
La symbolique du sapin de noël est récurrente à travers ce livre. C'est l'un des seuls témoins qui rappelle cette tradition. Comme l'image le prouve, le côté féérique est bien représenté. Elle marque un véritable contraste avec le reste de ce conte photographique.
La photographie ci-dessous donne une fois de plus un sentiment de solitude avec cet enfant abandonné, comme délaissé. Les cadeaux sont bien présents au pied du sapin, mais le manque d'affection se fait sentir, tout comme la présence familiale qui donnent vie à la magie de noël.
© Trent Parke / Magnum Photos
Les dernières photos représentées par un paquet déchiré et un père noël démembré rappellent la noirceur du conte. Malgré la présence de nombreux jouets dans cette maison, les enfants sont dans l'attente d'un rapport avec leurs parents. Cette destruction du père noël est un véritable appel de détresse.
© Trent Parke / Magnum Photos
© Trent Parke / Magnum Photos
La phrase de la première page résume bien cet ouvrage : « Twas the night before christmas, when all throught the house, Not a creature was stirring, not even a mouse… » (Durant cette veille de noël, quand tout est calme dans la maison, aucune créature, aucun bruit même une souris...) . La traduction de cette citation de l'auteur engage le fait que rien ne pourrait distraire les parents, même la pagaille permanente des enfants ne surprend la famille. Comme une mise à l'écart, chacun mène sa propre existence et reste livré à lui même. Seuls les enfants et les animaux présents se rebellent à travers des images fortes de destruction. Rien ne pourrait perturber les adultes qui ont littéralement baissés les bras.
Ce conte familiale résume le quotidien d'une famille démunie, plus rien ne semble les affecter, même la folie devient silence.
Tout autant choquant et émouvant, il est représentatif du quotidien de certaines familles. Noel évoque la fête, la joie et l'amour mais, peut être subi et surtout vécu différemment.
Les enfants sont rois et l'espoir réside en eux. Ils apparaissent comme des héros. La couverture précieuse du livre représente le souhait d'un véritable noël pour l'auteur.
En contrepartie, il avertit son lecteur dès le départ que le contenu en sera bouleversé : L'arbre doré présent sur la reliure est bel et bien fané.
Romain Amy
The Christmas tree Bucket de Trent Parke
Editions Steidl
128 pages / Format 28,2 x 22,8
38 €