© Brassaï - couverture
Brassaï, pour l’amour de Paris, s’ancre dans la lignée des grandes expositions qu’offre gracieusement et depuis quelques années, la mairie de Paris au sein de l'Hôtel de Ville. Ainsi du 8 novembre 2013 au 8 mars 2014, petits et grands, amoureux confirmés ou simple curieux, peuvent se délecter et revoir avec émoi les clichés tant réputés du hongrois jadis tombé sous le charme de Paris. Sous le regard minutieux et la plume bienveillante de son exécutrice testamentaire et commissaire de l'exposition Agnès de Gouvion Saint-Cyr, l'oeuvre de Brassaï y est présentée en 5 chapitres, détaillés selon les grandes étapes de sa vie et de sa relation avec la ville. Accompagnant l’exposition, un catalogue de 254 pages retranscrit l’exposition avec exactitude, des clichés exposés aux textes de présentation.
Une première partie introductive raconte comment, dés l'âge de 4 ans, le jeune Gyula Halasz de son vrai nom, est tombé sous le charme de la « ville lumière ». Venu avec sa famille pour retrouver son père alors enseignant à la Sorbonne, il fut contraint de rentrer en Hongrie où, après de brèves études aux Beaux Arts de Budapest, il regagna la cavalerie Austro-Hongroise en 1914. De ces quelques années passées à jouer et s’imprégner des charmes de la vie parisienne, il nourrit un amour sans conditions qui l'accompagna toute sa jeunesse. Cependant, entre réalité et possibilité, il ne revint à Paris qu'en 1924, avec ses souvenirs d'enfant comme seuls repères. Alors formé au dessin et très vite entouré d’acolytes audacieux tel que le cinéaste Henri Miller, il se mit à arpenter les différentes rues et quartiers comme un labyrinthe mystérieux dont il essaya d'en percer les secrets.
© Brassaï / Le premier bateau, 1929-1930
Au fil des pages du catalogue s'exhibe l’amour inconditionnel de Brassaï pour ce Paris si bucolique et mystique qui l'avait saisit alors tout jeune garçon. Il semblerait qu'il eu collectionné durant ces années passées loin de la capitale française, une grande quantité d'images du Paris 1900. C’était sa madeleine de Proust, qu’il avait choyé et gardé précieusement en mémoire, si bien qu'à son retour, ses premiers clichés en furent imprégnés. De vraies reprographies à un détail près ; leur composition parfaite associée à une harmonie des teintes et des nuances de lumières. Une finesse et une précision qu'il devait à son regard aiguisé au cours d'études suivies aux Beaux-Arts de Berlin dans les années 20.
Arpenteur de la nuit et des ruelles esquichées, il porta rapidement son intérêt vers les graffitis qu’il photographia et répertoria consciencieusement jusqu’à établir une vraie typologie de ces expressions laissées à la va-vite sur les murs. Privilégiant toutefois les graffitis taillés dans la pierre, qu’il associa rapidement aux premières peintures rupestres, il attira l'attention des peintres avant-gardistes tel que Picasso qui utilisa rapidement les clichés de Brassaï comme canevas d’inspiration. En 1933, il publia « Du mur des cavernes au mur d’usine » et même si l’ouvrage ne rencontra pas de grand succès à l’époque, il constitue aujourd’hui une vraie bible pour les graffeurs contemporains.
« Tout est une question d’optique. Des analogies vivantes établissent des rapprochements vertigineux à travers les âges par simple élimination du facteur temps ».
La redondance et le manque d’originalité des volets « Années folles », « Le Paris de Marcel Proust » et « Celui du flâneur » font un peu trop « vitrine commerciale ». Outre marquer davantage la nostalgie d'un Paris qui n'existe plus, revoir ces images tant connues de l'artiste, n'offre pas nécessairement l’engouement espéré. Les qualités d’impressions n’arrivent pas à faire la différence et malheureusement la mise en valeur des œuvres non plus.
© Brassaï / Montmartre, 1932
En revanche, le chapitre porté sur la relation, personnelle comme professionnelle, de Brassaï et Picasso est des plus intéressant. Il y apparaît une relation auto-nourrie au travers d'un récit dans lequel Brassaï raconte son ami Picasso avec tendresse tout en dévoilant leurs procédés de création. Il devient évident que la relation de confiance entre ces deux illustres du Paris des années 30 est née d'une collaboration vitale, où si Picasso confiait la capture de ces sculptures à Brassaï, ce sont justement ces images qui lui permettaient de progresser et de trouver de nouvelles inspirations.
De manière générale, la mise en page très graphique demeure trop conventionnelle et réduit l'objet au rang de simple portefolio expliqué. Sur fond blanc ou noir, le jeu des tailles d'impressions et des contrastes avec ses clichés en noir & blanc manque cruellement de charme. Les légendes peuvent par moment se faire trop discrètes, et il arrive que certaines des photographies se perdent avec le fond, ne permettant pas d'en déceler les contours. A regrets, car il y aurait eu certainement de plus pertinente mise en valeur possible, là où l'ouvrage se contente de compiler des clichés déjà trop connus.
© Brassaï / Dans son labo, 1932
Sylvia Ceccato
Brassaï, pour l'amour de Paris, textes d'Agnès de Gouvoin Saint-Cyr
Mairie de Paris
254 pages
28 x 23,6 x 2 cm
35,00 €