© Germaine Krull
Marseille fait partie de ces villes photogéniques, faite de secrets à dévoiler, d'endroits à explorer. Beaucoup se sont essayés à l'immortaliser, tant ses courbes architecturales ont inspiré les photographes. Aujourd'hui encore, la vie marseillaise bouillonne, et les images de la ville des Bouches-du-Rhône reflètent un univers bien à elle.
Marseille, publié aux éditions Jeanne Laffitte, au format idéal 22 x 29,5, est une ballade visuelle dans le Marseille des années 30. Son port bien sûr, et ses nombreuses activités, mais aussi le dédale de ses rues inégales, de ses marchés, de la vie, partout. L'ouvrage présente quarante-neuf photographies en noir et blanc de Germaine Krull, accompagnées de textes d'André Suarès, poète et écrivain français. Ces images, réalisées dans les années 30', sont celles publiées en 1935 dans un ouvrage intitulé lui-même Marseille, qui avait alors la charge documentaire d'une ville en plein essor. Dans l'ouvrage publié en 2013, les images témoignent non seulement du fourmillement de l'époque, mais aussi des techniques photographiques employées par la photographe. En effet, elle s'inscrit dans une nouvelle forme d'expression artistique qui mêle importance documentaire et pratiques photographiques nouvelles.
© Germaine Krull
© Germaine Krull
L'impression est de qualité, et retranscrit avec justesse l'époque, dans laquelle s'inscrit Germaine Krull. Peu d'informations sont données, pourtant, au lecteur, qui déambule dans les rues de Marseille, parfois désorienté. Aucuns repères temporels ou de légendes n'aiguillent son cheminement, seuls les mots d'André Suarès ponctuent les images. Une poésie agréable, qui a le mérite de coller comme une ombre aux images. Ainsi, à une image d'un chantier sur le port s'accompagne ces mots « Qu'elles sont maigres, les grues de fer. Elles ont perdu toute chair. Leur bras n'est plus qu'un os décharné, leur main qu'un doigt crochu. »
Ce mystère qui plane sur l'ouvrage quant aux indices qu'il manque au lecteur, est à l'image du parcours de Germaine Krull.
© Germaine Krull
© Germaine Krull
Née en 1897 en Pologne, morte en 1985 en Allemagne, sa vie est en effet celle d'une artiste bohème qui fréquentera les milieux artistiques de l'époque. Amie de Jean Cocteau et d'André Malraux, elle sera également militante anticolonialiste, contre-révolutionnaire et féministe. Elle dirigera le service de propagande de la France Libre à Brazzaville en 1940, et sera correspondante de guerre en 1946 en Indochine. Elle réalisera également des milliers de photos sur l'art bouddhique et vivra en Inde dans un ashram. Une vie remplie, mais sur laquelle elle restera toutefois discrète, ne laissant derrière elle aucun recueil de souvenirs.
Marseille est donc l'oeil averti d'une photographe révolutionnaire et artiste accomplie sur une ville chargée d'histoire, qui à l'époque déjà faisait parler d'elle et de ses merveilles.
© Germaine Krull
© Germaine Krull
« Marseille est la plus vieille cité de l'Occident. Elle a l'âge de Rome, à cent ans près ; et toute grecque à l'origine, dès son second siècle, elle passait Rome de loin en sagesse, en richesse et renommée. N'est-il pas bien beau de penser qu'une telle métropole, en son grand âge, a toujours cent fois vingt ans ? Et qu'après tant de vicissitudes, tant de triomphes et de misères, de pestes et de prospérités, elle est le lieu le plus gai, le plus rieur,et le plus railleur de la terre ? (…) Voilà pourquoi Marseille est si vive et qu'elle semble heureuse dans le malheur même. Cette ville ne dit jamais non à la vie. » André Suarès
© Germaine Krull
© Germaine Krull
Claire Mayer
Marseille, photographies de Germaine Krull, textes d'André Suarès
Réimpression de l'édition de Paris, 1935
Editions Jeanne Laffitte
64 pages / format 22 x 29,5
49 photographies en noir et blanc, broché
29 euros