Pascal Bastien, photographe à Strasbourg, présente dans ce petit ouvrage intitulé Comme neige au soleil, une série de photos en format 6x6, en noir et blanc, prises avec son boîtier Reflex. Ces photos, accompagnées de sous-titres, composent une sorte de roman photographique dans lequel son auteur cherche à raconter une histoire. Les photographies révèlent le quotidien, les souvenirs, les pensées de l'artiste, dans « un récit rétrospectif en images – et quelques mots – qui relie l'hier à l'aujourd'hui », comme le dit Anne-Claire Cieutat dans la préface de l'oeuvre.
Ce « récit rétrospectif » est découpé en huit parties et un intermède. La première, intitulée « Je me souviens » réunit une série d'images sans beaucoup de liens apparents, à part celui de la mémoire. Chaque phrase commence selon le même modèle, en reprenant l'expression « Je me souviens », créant ainsi un effet rythmique profondément poétique. Cet aspect est renforcé par les photographies elles-mêmes qui, en mettant en scène souvenirs d'enfance et du quotidien, témoignent d'une véritable sensibilité artistique.
© Pascal Bastien
Une visite à Clémentine, épouse de l'artiste, avec leurs enfants fait l'objet d'une autre partie, « Le Tanger des sardines ». Le voyage est raconté par des photos de paysages, des enfants, toujours suivant le modèle du sous-titrage, simple et efficace. En opposition au Tanger ensoleillé, il y a le « retour en Alsace ». Ici, quelques photos de paysages, cette fois couverts par la neige, et des personnages faisant partie de la vie de l'auteur. Dans l'une des légendes, beaucoup plus extensive que la plupart, Pascal Bastien explique comment l'idée de faire cet ouvrage est venue : « J'ai de nombreuses commandes et une expo à Saint-Dié. J'y montre des rencontres dans la ville. Les photos sont accompagnées de petits textes de mon carnet de notes. Ce travail me donne envie de faire ce livre pour continuer d'expérimenter la narration par la photographie. »
Le jeu d'opposition et de parallélisme entre le deuxième et le troisième chapitres caractérise également les deux parties qui suivent ; « Les vacances » et « La Rentrée ». L'une retrace les vacances d'été dans le Sud de la France et s'étend sur plusieurs pages. L'autre marque le retour à Strasbourg, la rentrée des petits à l'école et la rentrée des adultes avec les nombreux projets qui surgissent.
© Pascal Bastien
« Pensées » est l'une des rares parties qui compte avec un texte pour l'introduire. Pascal Bastien écrit : « Il m'arrive souvent de penser à des photographes que j'aime au détour d'une prise de vue ou dans des scènes du quotidien. Je me suis amusé à photographier ces moments, ces clés de ma mémoire. » Le photographe ouvre ici un espace d'intertextualité entre son travail et celui d'autres artistes, dans un jeu d'admiration et de reconnaissance.
« Un long hiver » réunit des images, bien entendu, d'hiver, mais parle aussi d'un autre hiver, celui du métier de photographe à l'heure actuelle. Les commentaires sur la crise financière se multiplient lors des conversations entre amis, les travaux diminuent, des connaissances ont du mal à rester dans le milieu. Le titre de l'ouvrage devient moins elliptique après la lecture de cette partie, où l'auteur écrit : « Dans la presse quotidienne régionale le nombre de photographes fond comme neige au soleil. »
Entre ce long hiver et le printemps qui n'est pas arrivé, dernière section de l'oeuvre, un interlude. Ici, il n'est pas question de légendes, de textes poétiques ; seulement des photos, des photos de merde - littéralement.
Ce printemps qui n'est pas arrivé, met en avant plusieurs sujets. La visite à la Cité du Cinéma éveille des souvenirs de jeunesse liés à la petite salle noire. Le photographe expose l'une de ces manies : « se remplir de théories à la con » qui cherchent à expliquer tel ou tel phénomène, mais qui finalement n'ont pas (toujours) beaucoup de sens. Pascal Bastien parle aussi d'une rage de dent qui le surprend, qui le fait penser à une intervention chirurgicale réalisée deux ans auparavant pour fixer une rotule cassée. Si l'opération lui valut un « été boiteux » d'une part, de l'autre il a été récompensé par son kiné avec des photos du mariage de ses parents.
© Pascal Bastien
Les derniers sous-titres de l'oeuvre forment une sorte de conclusion dans laquelle le photographe expose sa démarche : « J'ai commencé cette chronique il y a un an. Cela m'a permis d'ouvrir de nombreux classeurs de négatifs. Porte ouverte aux flashbacks. J'ai choisi des images réalisées uniquement au moyen format, pour une cohérence carrée et laissé le hasard choisir en mettant de côté de très nombreux souvenirs en format 24x36. »
Dans ce petit ouvrage, texte et image se réunissent pour raconter une trajectoire envahie par les mouvements de la mémoire. Ce sont des images qui ne montrent pas une réalité exotique et incongrue, mais des images de la vie de tous les jours, des essais photographiques. Dans ses photographies, Pascal Bastien arrive néanmoins à faire de ses clichés de véritables poésies visuelles. Le texte, lui aussi très simple, construit avec des phrases courtes, renforce la beauté présente dans les photographies. Dans ce projet à la fois mélancolique et amusant, Pascal Bastien raconte une histoire à la linéarité floue en unissant texte et image en parfaite harmonie.
© Pascal Bastien
© Pascal Bastien
Comme neige au soleil, Pascal Bastien
120 x 180 mm
176 pages
Médiapop éditions
15 €
Ana Santos