Retour de la rizière au soleil couchant, Cambodge © Raymond Cauchetier
La 7ème édition du Salon de la Photographie, qui a commencé aujourd'hui, expose la première rétrospective du photographe Raymond Cauchetier.
Cette exposition présentée au Salon de la Photo est la première grande en France consacrée à l'oeuvre de Raymond Cauchetier. Il serait impossible de réunir dans un même espace tous ses clichés, au vu de l'ampleur de son œuvre. Néanmoins, la quantité et la diversité des photographies affichées sur le stand sont frappantes dès la première approche. Dans la mesure où il s'agit d'un stand, ayant plusieurs entrées possibles, il serait difficile d'établir un parcours défini pour la visite, d'autant plus que l'espace est morcelé de murs, afin d'exposer le plus d'images possible.
1954 - Pierre Schoendorffer à Dien Bien Phu © Raymond Cauchetier
1962 - LA BAIE DES ANGES (Jacques Demy). Jeanne Moreau et Claude Mann © Raymond Cauchetier
La géographie de l'espace est certes complexe, mais à aucun moment le spectateur n'a le sentiment d'être perdu. L'organisation même de l'exposition donne à voir la richesse et la diversité de l'oeuvre de l'artiste. Suivant une logique plutôt thématique que chronologique, le public distingue les moments forts de la carrière de Raymond Cauchetier ; les reportages de guerre, les photos prises en Afrique et dans l'ancienne Indochine, les images de plateau, et finalement quelques images de sa période archéologique ainsi que ses projets plus récents.
Parmi ses photographies prises dans l'ancienne Indochine le public découvre, certes, des photos de guerre, mais ce n'est pas l'aspect mis en avant dans cette rétrospective. Après avoir participé au mouvement de la résistance, Raymond Cauchetier intègre en 1944 l'Ecole des Cadres de la 1ère Armée et l'année d'après il est rappelé à l'Armée de l'Air « pour d'obscures raisons administratives ». C'est en 1951 que l'opportunité d'être muté à Saigon intervient. Son général lui incombe alors la mission de trouver un photographe afin de faire un album photo pour les unités aériennes. Raymond Cauchetier ne trouve personne pour la mission, et il décide alors de la prendre lui-même. C'est ainsi que commence sa carrière ; dans la guerre et sans de véritables notions du métier. Mais si la photographie de guerre a intimement marqué l'artiste, qui a failli perdre la vie plus d'une fois, ainsi que ses débuts dans le métier, elle n'occupe pas une place très importante dans l'exposition, en termes de quantité.
Le cyclo se hâte toujours lentement, Saigon © Raymond Cauchetier
En ce qui concerne les photos d'Indochine, la plupart s'intéressent en effet davantage à la vie de ses habitants plutôt qu'à la guerre. Raymond Cauchetier découvre « avec étonnement la richesse des aspects humains et culturels du Viêt-Nam, du Laos et du Cambodge ». Il se lie d'amitié avec les paysans des rizières d'une part, et des chefs d'Etat de l'autre. Dans ses photos, Raymond Cauchetier dépeint avec le même enthousiasme des cérémonies officielles, comme le couronnement du roi du Cambodge, ou des scènes de la vie quotidienne des paysans. La diversité des thématiques de ces images témoigne d'une véritable volonté de documenter la vie dans ces pays d'un regard toujours attentif. Ces pays passionnent l'artiste, dans ses aspects les plus divers et il essaie en effet de prendre des photos à toutes les opportunités qui se présentent. Après la guerre, en 1954, il quitte l'Armée et reste en Indochine pour entreprendre sa carrière de photographe et il connaît un grand succès, notamment auprès des Japonais.
C'est également par un hasard de la vie que l'artiste se retrouve dans l'épicentre du mouvement de la Nouvelle Vague. C'est en 1956, alors qu'il travaille au Cambodge, à Angkor, qu'on lui demandera de faire les photos pour le nouveau film de Marcel Camus, Mort en fraude, qui sera tourné en Indochine. Par un souci d'ordre économique, Raymond Cauchetier entre dans l'univers du cinéma, la production n'ayant pas les moyens de faire venir un photographe de France. Comme pour ses débuts dans la photographie, l'artiste se lance une fois de plus dans un monde où il ne connaît rien, ou très peu. Et tout comme aux débuts de sa carrière de reporter, il ne se doute pas que ses photographies prises sur et hors le plateau deviendront un jour des marques registrées de cette révolution cinématographique qu'est la Nouvelle Vague. Il travaille alors à côté de réalisateurs comme Godard, Truffaut, Demy, Jacques Rozier et Chabrol. Le spectateur a ainsi l'opportunité de redécouvrir les clichés de films célèbres comme A bout de souffle, Une femme est une femme, ou Jules et Jim dont beaucoup auraient ignoré jusqu'à ce jour l'auteur de ces images.
Piroguiers au retour de la pêche, Viet Nam © Raymond Cauchetier
Pour marquer sa 7ème édition, le Salon de la Photo rend hommage au 7ème art. Ces images de la Nouvelle Vague occupent donc une place essentielle non seulement dans l'oeuvre de Raymond Cauchetier, mais aussi dans le cadre de la thématique du salon. Outre les photos affichées dans le stand, la visite se prolonge dans une autre salle. De fait, entre les deux murs où sont accrochées les photographies de la Nouvelle Vague, une petite entrée révèle un deuxième espace. Au contraire du stand principal, assez ouvert, aux murs blancs, il s'agit ici d'une petite salle noire, couverte d'un toit, tel un cinéma. A l'intérieur, cinq grands écrans font défiler synchroniquement 70 photos supplémentaires de cette période de la Nouvelle Vague. Le tout est accompagné des musiques emblématiques de ces films.
1961 - Henri Serre (Jim) et Oskar Werner - film JULES ET JIM de François Truffaut © Raymond Cauchetier
La plupart des photos présentées dans l'exposition ayant été prises entre les années 1940 et 60, le noir et blanc prédomine, mais quelques photos en couleurs s'imposent. Ce sont notamment des photos issues de son projet sur l'Art Médiéval, concentré sur l'art romain, qu'il a commencé en 1973 et sur lequel il travaillera pendant 20 ans. Parmi ces images se trouve également le portrait de son épouse, Kaoru, qui a joué un rôle majeur dans son corpus sur la sculpture romane, qu'il souhaite un jour sortir de ses tiroirs. Sont exposées également quelques autres photos en couleurs, de monastères en Grèce, de paysages en Norvège et d'une exposition qui a eu lieu en 2005 à Ho Chi Minh Ville, qui juxtaposait ses clichés pris en 1955 et ceux pris plus récemment par l'armée aérienne vietnamienne. Une photo prise à l'occasion de ce voyage en 2005 y figure également, en réaction à la multitude des photos prises à Saigon dans le années 1950.
L'exposition du Salon de la Photo donne ainsi à voir le parcours de Raymond Cauchetier, un photographe qui n'a jamais prétendu en être un et pour qui, finalement, la photographie reste avant tout un plaisir.
Ana Santos