Fondation Cartier pour l'Art Contemporain 261, Boulevard Raspail 75014 Paris France
Du 19 novembre 2013 au 6 avril 2014, la Fondation Cartier pour l’art contemporain présente América Latina 1960-2013, en coproduction avec le Museo Amparo de Puebla (Mexique). L’exposition offre une perspective nouvelle sur la photographie latino-américaine de 1960 à nos jours, à travers le prisme de la relation entre texte et image photographique.
Rassemblant plus de soixante-dix artistes de onze pays différents, elle révèle la grande diversité des pratiques photographiques en présentant aussi bien le travail de photographes que des œuvres d’artistes contemporains.
Cette exposition, véritable plongée dans l’histoire du sous-continent latino-américain, nous invite à (re-)découvrir des artistes majeurs rarement présentés en Europe.
Paolo Gasparini (Venezuela, né en 1934)
El habitat de les hombres..., Caracas, Bello Monte, 1968
© Paolo Gasparini
Amerique latine : un territoire fascinant
Ancien « Nouveau Monde » associé à un certain exotisme, l’Amérique latine a toujours fasciné les observateurs autant qu’elle les a mystifiés. Aujourd’hui encore, la culture latino-américaine contemporaine suscite un intérêt grandissant, alors même que le contexte historique de sa pro- duction demeure souvent méconnu. La période allant de 1960 – au lendemain de la révolution cubaine – à nos jours, marquée par l’instabilité politique et économique, a vu se succéder les mouvements révolutionnaires et les régimes militaires répressifs, l’émergence des guérillas et les transitions démocratiques. En explorant l’interaction entre texte et photographies dans l’art latino-américain au cours des cinquante dernières années, l’exposition América Latina choisit de mettre en perspective cette époque tumultueuse de l’histoire à travers le regard des artistes.
Adriana Lestido, Sin título, série Mujeres Presas, 1991-1993
Photographie noir et blanc, 16,2 x 24,4 cm
© Adriana Lestido Collection Fondation Cartier pour l’art contemporain
Entre texte et photographies, un espace de liberte
Mus par un sentiment d’urgence face aux gouvernements autoritaires et aux bouleversements successifs, nombre d’artistes latino-américains ont tenté, dès les années 1960, d’échapper à la spécificité d’un médium unique en juxtaposant dans leur œuvre texte et photographies. En effet, cette nouvelle approche visuelle répond efficace- ment à la nécessité de s’exprimer et de communiquer, la photographie enregistrant rapidement et fidèlement la réalité, tandis que le texte per- met d’étendre ou de modifier le sens de l’image. À travers ces inventions formelles, les artistes ont cherché à rendre compte de la complexité et de la violence du monde qui les entourait, et, dans certains cas, de déjouer la censure. Ainsi, l’ar- tiste chilien Eugenio Dittborn crée dans les années 1980 des « peintures aéropostales », qui pliées et envoyées à travers le monde, s’affranchissent de l’enfermement culturel du Chili de Pinochet. Figure de proue de la photographie brésilienne, Miguel Rio Branco, quant à lui, donne à voir avec une grande poésie les laissés-pour-compte d’une société à deux vitesses.
Marcelo Montecino, Managua, 1979
© Marcelo Montecino
Collection privée, courtesy Toluca, Paris
Une diversite d’artistes et de pratiques
L’espace de liberté entre texte et image se fait le creuset d’une extrême diversité de modes d’ex- pression et de reproduction, qui interroge la notion même d’Amérique latine. En quatre sections thé- matiques – Territoires, Villes, Informer/Dénoncer, Mémoire et Identité –, América Latina explore ainsi les multiples façons dont les artistes latino-américains, dépassant les techniques photographiques traditionnelles pour explorer leur monde, s’em- parent d’une large gamme de médias tels que l’impression photo-offset, la sérigraphie et les collages, la performance, la vidéo et l’installation. L’artiste brésilienne Regina Silveira fait par exemple intervenir les stéréotypes communément accolés à l’Amérique latine dans To Be Continued... (Latin American Puzzle), œuvre murale en forme de grand puzzle créée à partir d’images récupérées dans des magazines et des guides touristiques. Suivant une approche plus traditionnelle, le Vénézuélien Paolo Gasparini capture la cacophonie visuelle engen- drée par la rapidité du développement urbain. Reproduisant de son côté des images issues de la presse populaire au moyen de l’impression, l’artiste argentin Juan Carlos Romero dénonce la violence frontale de la société argentine dans son œuvre Violencia. Citons enfin une vidéo intitulée Bocas de ceniza (« Bouches de cendre »), du Colombien Juan Manuel Echavarría, portrait filmé de ces hommes qui ont choisi de raconter en poésie et en chanson leur expérience personnelle de la violence de la guérilla.
Miguel Calderón, sans titre (Rings), 2006
Tirage jet d’encre, 97 x 130 cm
Courtesy de l’artiste et kurimanzutto, Mexico © Miguel Calderón
La découverte de voix singulières
Afin de donner la parole à ces artistes exception- nels, le photographe et réalisateur paraguayen Fredi Casco a voyagé à travers toute l’Amérique latine pour réaliser un film à valeur de document historique. Réalisés à l’initiative de la Fondation Cartier, ces quelque trente entretiens exclusifs offrent des portraits approfondis et personnels, proposant au visiteur de pénétrer dans l’univers créatif de chaque artiste.
América Latina permet ainsi de souligner les affinités entre les artistes à travers les pays et les générations tout en reflétant la diversité des langages visuels propre au sous-continent latino-américain. Avec plus de 400 œuvres, elle témoigne de la vitalité de l’art latino-américain et de l’héritage significatif que nous laissent ses artistes, montrant leur influence au-delà de leur territoire culturel ou géographique. Plus particulièrement, la présence importante d’œuvres venues du Pérou, de Colombie, du Venezuela ou encore du Paraguay, permet de découvrir des scènes artistiques situées en marge des trajectoires habituelles du monde de l’art contemporain.
L’exposition América Latina 1960-2013 est conçue par la Fondation Cartier pour l’art contemporain (Paris) et le Museo Amparo (Puebla, Mexique), avec la collaboration d’Angeles Alonso Espinosa et d’Alexis Fabry et en partenariat avec l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine (IHEAL).
Marcos López, Plaza de Mayo, Buenos Aires, série Pop Latino, 1996
Tirage chromogène, 22 x 30 cm
Collection privée, Buenos Aires © Marcos López
Le catalogue de l’exposition
Un catalogue de 400 pages est publié à l’occasion de l’exposition. Richement illustré par plus de 400 reproductions couleur et noir et blanc, il permet d’explorer la richesse des pratiques photographiques tout en explicitant les contextes historiques et artistiques dans lesquels elles ont vu le jour. Des textes ana- lytiques de Luis Camnitzer, Olivier Compagnon et Alfonso Morales sont accompagnés de biographies d’artistes, de notices d’œuvres et d’une chronologie détaillée permettant d’approfondir la connaissance des langages visuels propres à l’Amérique latine.
Version française et version anglaise 400 reproductions couleur et noir et blanc Textes de Luis Camnitzer, Olivier Compagnon et Alfonso Morales • Parution : novembre 2013.
Anna Bella Geiger, História do Brasil: Little Boys & Girls, 1975
Photographie couleur, 30,5 x 24 cm
© Anna Bella Geiger Collection de l’artiste