En juin 2012 la maison d'édition Idras Publishing et le photographe Sebastian Sardi publient Cirkusz, qu'ils éditent en 1000 exemplaires. Ils ont fait le choix d'un petit format (138 x 144 x 20mm) « to suit the accompany of any travelling circus group » ( pour pouvoir accompagner n'importe quel cirque itinérant dans ses voyages), explique l'artiste. La publication de ce livre a été rendu possible grâce aux subventions de diverses organisations culturelles suédoises. La couverture de l'ouvrage est presque vierge : elle comporte juste un titre, A CIRKUSZ ( « Un cirque » en Hongrois) et un nom, celui de l'auteur. Cette présentation épurée se retrouve au fil de l'ouvrage, dans lequel aucune photographie ne sera légendée. L'artiste dédie son livre-photos « as anyukamnak », à sa mère. Les quelques écrits qui figurent dans l'ouvrage seront traduits en trois langues différentes : le hongrois (langue maternelle de l'auteur), le suédois (langue du pays où il réside) et l'anglais, langage universelle. Le noir et blanc domine l'intégralité des clichés, conférant à l'oeuvre une certaine uniformité. En revanche, les images de Sebastian Sardi revêtent des formats variés : parfois elles occupent une double page ou une page et demie, parfois deux images sont placées côte à côte mais parfois, aussi, une image fait face à une page blanche.
Les clichés du photographes sont précédés d'un court texte intitulé « The art of being part of... » soit « l'art d'appartenir à … », dans lequel le photographe partage quelques instants de sa vie. Ses parents sont hongrois. Les autorités hongroises décident un jour qu'ayant quitté leur pays pendant une trop longue période, ils seront considérés comme des criminels et n'auront plus accès à leur terre natale. Après un bref passage au Danemark, ils s'installent à Tyresö en Suède, ville où Sebastian Sardi va naître et grandir. Le photographe évoque également dans cet écrit, le sentiment de « déracinement » auquel il a été confronté en tant que fils d'immigrants. Il dit ne se sentir réellement appartenir ni au peuple Suédois ni au peuple Hongrois. « Here in Sweden people have difficulties pronouncing my last name, and my grandmother in Hungary thinks i speak Hungarian with an immigrant's accent...» (Ici en Suède, les gens ont des difficultés à prononcer mon nom de famille, et ma grand mère en Hongrie pense que je parle hongrois avec un accent d'immigrant).
© Sebastian Sardi
C'est en 2007 que naît la genèse de Cirkusz. Sebastian Sardi se promène dans un cirque itinérant, arrêté en banlieue de Stockholm, lorsqu'il surprend un groupe de jeunes s'évertuant à détruire le matériel. L'un des employés tentait de faire fuir les voyous, vociférant quelques mots d'hongrois. Suite à cette péripétie, Sebastian Sardi aborde l'artiste et se voit rapidement invité à rejoindre les coulisses. « I took some pictures and from that point I fell right into the world of the circus » (J'ai pris quelques photos et à partir de là je me suis senti à ma place dans l'univers du cirque), explique le photographe. Il retournera souvent dans ce cirque. Il assistera à tous ses spectacles, photographiera ses coulisses, et plus tard il voyagera à ses côtés, vivra parmi ses membres et capturera leur quotidien. « I became part of the circus, eating there and sleeping there » ( Je suis devenu membre du cirque, j'y mangeai, j'y dormais) raconte Sebastian Sardi. Les quatre années suivantes, l'artiste renouvelle l’expérience auprès de cinq autres cirques itinérants.
L'ouvrage de Sardi, condensé de ces quatre années de voyage, se regarde comme un réel documentaire : il y saisit les membres de ces cirques et leurs bêtes sous toutes les coutures. Il illustre l'arrivée du cirque en de nouveaux endroits : le montage du chapiteau, l'installation du matériel ainsi que les roulottes qui serviront de foyer aux artistes. Il immortalise les spectacles, les saltimbanques dans leurs accoutrements de scène, mais surtout la vie de ces derniers après l'extinction des projecteurs. « The focus is not the actual performance or the shows ... With my pictures I want to show you what you do not get to see as a visitor. The warmth, friendship, community, rivalry, atmosphere, hard work, freedom and all other things I feel and associate with the circus.» ( L'objectif premier n'est pas de montrer les performances ou les spectacles … Avec mes photographies je veux vous montrer ce à quoi vous n'assistez pas en tant que visiteurs. La chaleur, l'amitié, la communauté, la rivalité, l'atmosphère, le dur labeur, la liberté et toutes les autres choses que je ressens et associe au cirque).
© Sebastian Sardi
Après s'être senti « déraciné », après avoir eu le sentiment de n'être attaché à aucune « terre », le photographe a fait la connaissance de peuples qui se déracinaient par choix et ont su tirer une force de cette « errance » qui domine leur quotidien : « At the circle rootlessness is something, which creates a feeling of community, a sense of a big family » (Au cirque, le déracinement est quelque chose qui créé un sentiment de communauté, une sorte de grande famille). Ces cirques itinérants semblent incarner, aux yeux de Sebastian Sardi, des familles où chaque orphelin trouverait sa place, des communautés que pourront rejoindre tous ceux qui sont sans « terre ».
Ismène Bouatouch
Sebastian Sardi, Cirkusz
192 Pages
94 Duotone photographs
Format: 138 x 144 x 20mm
Publication Date: June 2012
Edition: 1000