Tar & Feathers, Selfportrait, 2012 / Chromogenic Print Courtesy Galerie Rabouan Moussion © Erwin Olaf
Lorsque l'on rencontre Erwin Olaf, l'éclair d'impétuosité qui brille au fond de ses yeux déstabilise. Il est impressionnant de génie créatif, et sa passion déborde sans limites sur son auditoire, immédiatement séduit par son univers artistique.
Né en 1959 aux Pays-Bas, il étudie le journalisme puis se lance dans la photographie de mode et la publicité.
En 1988, il remporte le premier prix du concours Young European Photographer pour sa série Chessmen, véritable tournant dans sa carrière. L'univers d'Erwin Olaf prend forme, et avec lui son imaginaire s'exprime enfin.
Souvent terrifiantes, dérangeantes ou provocantes, ses photographies interrogent avant tout un public captivé par un monde désillusionné. Bien loin de son petit confort intellectuel, il le pousse dans ses retranchements et l'entraîne dans les méandres d'une autre vie.
Dans Berlin, Erwin Olaf s'est imprégné de l'histoire de cette ville chargée d'émotions et de vie, et a réalisé des images en dehors de son studio. Une nouvelle façon de photographier, avec toujours cette marque qui le caractérise tant.
Rencontre avec l'artiste, qui s'explique.
Freimaurer Loge Dahlem, 22 avril 2012 / Fuji Crystal Archive Digital Paper
Courtesy Galerie Rabouan Moussion © Erwin Olaf
Pourquoi la photographie ? Qu'est-ce qu'elle représente pour vous ?
La photographie, c'est rapide. Lorsque j'ai commencé le journalisme dans les années 1977-78, écrire pouvait prendre un temps considérable, mais à l'école de journalisme j'utilisais également un appareil photo, j'appuyais, je développais, c'était un processus beaucoup plus immédiat.
Grâce à la photographie également, vous savez rapidement si vous êtes bon ou mauvais. Vous pouvez créer votre propre monde rapidement.
La photographie représente tout pour moi, c'est ma vie.
D'une manière plus générale, elle va au-delà de l'écriture, c'est le plus grand moyen de communication que nous avons. Nous sommes entourés par la photographie. Ces dernières années, j'ai beaucoup réfléchi à la photographie comme un art.
Quels sont les artistes qui vous ont inspirés ?
Quand j'ai commencé, j'ai été inspiré par beaucoup de photographes. Joel Peter Witkin, Robert Mapplethorpe, mais aussi Patrick Sarfati, Pierre & Gilles, Newton... Ces dix dernières années, j'ai été plus inspiré par des artistes peintres, surtout la peinture moderne, comme Mondrian, et les œuvres picturales plus anciennes, particulièrement en ce qui concerne la lumière, la composition.
Pouvez-vous expliquer vos inspirations pour cette série Berlin ?
La ville m'a inspiré, ainsi que son histoire. Bien sûr, celle de la seconde guerre mondiale, mais je suis plus intéressé par la période entre la première et la seconde guerre mondiale. La grande créativité des années 20 à Berlin, mais aussi la mentalité de la vie, une ouverture d'esprit importante, l'arrivée progressive des droits des femmes, la mode, tout a très vite évolué. C'est une époque très inspirante.
Stadtbad Neuköln, 23 avril 2012 / Fuji Crystal Archive Digital Paper
Courtesy Galerie Rabouan Moussion © Erwin Olaf
Lorsque j'ai visité Berlin ces dix dernières années, la ville avait beaucoup changé après la guerre, avec la chute du mur, et elle est devenue une très grande métropole. Donc j'ai voulu faire quelque chose avec cela, en combinant le passé et le futur. C'est pour cela que j'ai choisi des enfants, car j'ai voulu imaginer ce qui pouvait arriver lorsque les enfants deviennent de plus en plus puissants, et les personnes âgées moins puissantes.
Aujourd’hui, dans nos sociétés, être jeune est la meilleure chose qu'il puisse être. Pour moi, c'est un sujet intéressant car beaucoup de photographes traitent de la pureté de la jeunesse, des adolescents, mais l'âge qui précède, de 7 à 10 ans, n'est pas beaucoup montré en photographie. C'est passionnant, car ils sont si intelligents, si sages, je me demande parfois comment j’étais à cet âge !
Le thème est donc « allez-vous en, nous contrôlons le monde ». C'est mon imaginaire, je photographie mon propre monde, je ne suis pas un photographe de la réalité, d'ailleurs je n'aime pas la réalité !
Portait 05, 9 juillet 2012 / Fuji Chrystal ARchive Digital Paper
Courtesy Galerie Rabouan Moussion © Erwin Olaf
Portait 08, 10 juillet 2012 / Fuji Crystal Archive Digital Paper
Courtesy Galerie Rabouan Moussion © Erwin Olaf
Je pense que la photographie me correspond car je peux créer ma propre réalité. J'aime rêver. Ou cauchemarder !
Cette série est différente des précédentes, pouvez-vous l'expliquer ?
C'est plus une exploration différente. Si vous regardez mon travail, il s'agit plus d'une exploration de la lumière, de la mise en scène. Mon studio est limité et lorsque vous photographiez en dehors d'un studio, vous devez réfléchir à la lumière, l'obscurité, car c'est complètement différent d'un studio. C'est davantage une exploration qu'un changement.
Pouvez-vous expliquer comment vous avez réalisé ces images à Berlin ?
Nous avons davantage traité ce sujet comme un film, car il s'agissait d'endroits immenses, donc nous avions besoin de beaucoup de lumières. Pour moi, c'était un challenge par rapport aux images que je réalise en studio. J'ai été quelque peu ennuyé par cela, ces espaces et cette lumière.
Olympia Stadion Westend, Auto portrait, 25 avril 2012 / Fuji Crystal Archive Digital Paper
Courtesy Galerie Rabouan Moussion © Erwin Olaf
Ayant pensé cela comme un film, j'ai du aussi créer une atmosphère de film. Si vous regardez la lumière, elle ne vient pas face à l'appareil, mais de derrière, ou de côté. Ce qui est amusant, c'est que cela crée aussi des images différentes. La lumière rend une scène plus sombre, et cela a été surprenant pour moi, car je ne pensais pas que la lumière pouvait donner autant de choses.
Quelque chose se passe avec la lumière. Cela m'a donné beaucoup d'inspiration, l'endroit, la lumière. J'ai dû jouer avec la technique photographique.
Quelles réactions cherchez vous à susciter sur votre public ?
Je veux le faire réfléchir, créer sa propre histoire. Je ne veux pas juste qu'il réagisse en se disant « c'est beau » ou « c'est choquant », mais qu'il réfléchisse.
Mettre les protagonistes dans une certaine position peut changer toute une photo et toute l'histoire que l'on peut vouloir se raconter. Cela est beaucoup plus intéressant que le dialogue entre deux personnes.
J'ai toujours été jaloux par la musique et les films, car ils permettent aux gens de se faire leur propre interprétation, leur propre histoire, tandis qu'avec la photographie c'est beaucoup plus difficile, beaucoup plus orienté. Bien sûr, c'est encore différent lorsqu'il s'agit de photoreportages, de photographies journalistiques.
Tar & Feathers, Selfportrait, 2012 / Chromogenic Print
Courtesy Galerie Rabouan Moussion © Erwin Olaf
J'ai ma façon de commencer un dialogue entre le public et mes images qui l'emmènent dans sa propre histoire.
Etes-vous inspiré par l'univers burtonien ?
Non, mais je pense que nous appartenons à la même école.
Lorsque nous sommes jeunes, nous nous inspirons beaucoup, mais quand nous grandissons, nous nous fermons davantage aux choses existantes pour réaliser notre propre idée.
Par exemple, dans Big Fish de Tim Burton, il célèbre l'imagination, et j'ai vraiment été en accord avec ce film, car la plupart du temps, tout tourne autour de concepts, la pureté, ou autre, mais jamais l'imagination.
J'ai plus été inspiré par Terry Gilliam, par ses films comme Monty Python ou The Adventures of Baron Munchausen.
Il y a peu je regardais un documentaire sur les années Bowie. Je me rappelle, en 1973, être assis sur le canapé à côté de ma mère, le regardant à la télévision. J'ai réalisé à quel point il créait son propre monde. Ces 10 ans de Bowie ont vraiment donné énormément d'inspirations aux gens afin qu'ils ouvrent leurs esprits.
Quel est votre rêve de photographe ?
Aujourd'hui ce ne serait pas un rêve mais plutôt un cauchemar (rires) : j'aimerai désormais réaliser un film. J'ai déjà réalisé des courts-métrages, mais cette fois j'aimerai en réaliser un long, avec un début, une fin... C'est un nouveau challenge.
Propos recueillis par Claire Mayer
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