© André Mérian
Tel un architecte arpentant son terrain de jeu, André Mérian met à l'oeuvre dans Waterfront la photographie urbaine et ses possibilités. Au fil des pages, le lecteur découvre un paysage méditerranéen, fait d'immeubles de routes et de bitume. Des zones portuaires, de primes abords identiques, présentent sept villes emblématiques et légendaires que sont Marseille, Valence, Alexandrie, Gênes, Izmir, Beyrouth et Tanger.
André Merian sème le lecteur en l’entraînant dans les dédales de ces forteresses mimétiques. La légende accompagnant ces photographies, discrètement ajoutée en petits caractères, pourrait presque être perçue comme une intention de dissimuler des indices. Comprendre l’œuvre dans sa globalité, et non image par image.
Alexandrie, Egypte, 2011 © André Mérian
Valence, Espagne, 2011 © André Mérian
Né en Bretagne en 1950, André Mérian vit désormais à Marseille, actuelle capitale européenne de la culture. Ville portuaire en perpétuelle évolution, les images de Marseille présentées dans cet ouvrage sont pourtant bien loin de l’idée du sable fin et du front de mer paradisiaque qu’il est aisé de se faire de la Méditerranée.
Dans sa préface, François Cheval, Conservateur en chef du musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône, ne mâche pas ses mots « Dans la convention tacite passée entre les hommes et la société, il semble entendu que le rivage ne soit plus qu’une somme d’intérêts privés, une ligne ininterrompue d’objets dépourvus de tout éclat. Le tête-à-tête avec la mer, avec les éléments, s’est retiré au profit exclusif d’une consommation de paysage. Promoteurs, « architectes » et politiciens aménagent des zones qui dévisagent la mer avec cette indifférence presque amorale ; une caractéristique de leurs maîtres. Le photographe, parfois, peut s’amuser à chercher quelques différences. Dans la limite éblouissante du bord de mer, posé sur un promontoire, se sachant ignoré, fasciné par ce qu’il voit, par le vulgaire et la répétition du même, profitant de ce point de vue, il rencontre ce qu’il cherche. C’est cette chose qu’il saisit, le geste de possession de cet infini, qui gouverne la quête imbécile du rivage. »
Alexandrie, Egypte, 2011 © André Mérian
Alexandrie, Egypte, 2011 © André Mérian
L’atmosphère agréable et conviviale du cadre méditerranéen est ici absente et oubliée. Que les images représentent Valence, Alexandrie ou encore Beyrouth, le lecteur ne ressent aucune chaleur, exotisme ou douceur. Seule perdure l’urbanisation dévastatrice et dévorante d’un environnement, à l’origine propice à l’enchantement.
Constat indéniable du changement progressif de décor de cette côte méditerranéenne, les photographies d’André Mérian dévoilent un univers façonné par l’homme à son image. Présentées en pleine page, le format comme les couleurs et le cadrage, confèrent à ces photographies le rôle de témoin objectif. La main de l’homme est omniprésente, pourtant chacun a envie de l’oublier.
Gênes, Italie, 2011 © André Mérian
Marseille, France, 2012 © André Mérian
« Ce que la mer a d’impénétrable et de sublime a disparu, quand les flots se ruent le long des rochers ou s’abandonnent paresseux sur les plages, pour ne plus exposer qu’un enfer aux chimères monotones de lieux ordinaires engendrés par le laid. » François Cheval.
Ainsi, Waterfront est une preuve incontestable de cette inéluctable et lente descente aux enfers des fronts de mer méditerranéens, dont la beauté disparaît peu à peu laissant place à la rentabilité et la modernité.
Waterfront d'André Mérian
Arnaud Bizalion Editeur
Format fermé 27 x 22 cm, 96 pages
Couverture rigide, 43 photographies
30 euros
Claire Mayer
Merci à Thomas Girault pour sa collaboration