© Arthur Tress
Photographe américain de 72 ans, Arthur Tress n'a jamais vraiment quitté le monde de l'enfance. Ainsi, sans jamais nier la réalité, il a rempli ses photographies d'imaginaire et d'hallucination. Dans Transréalités, au titre évocateur, ce sont en particulier des images touchant à cet univers qui sont publiées. Tout en gardant le format de la street photographie, l'artiste propose une vision de scènes de rues qui lui est propre.
Arthur Tress commence la photographie dès l'adolescence et prit notamment ses premiers clichés à Coney Island, dans le parc d'attraction totalement vide, symbole d'une enfance déchue. Puis, c'est aussi assez jeune que l'artiste découvre une autre de ses inspirations photographique, en partant autour du monde. En effet, il part pendant 6 ans, et y développe un réel intérêt pour la photographie ethnographique et les portraits.
C'est un mélange de ces fascinations que l'on retrouve dans Transréalités : sa propre interprétation de ces rencontres, des paysages qui l'entourent. Le mélange dans les photographies se fait de manière très naturelle. Une certaine théâtralité découle des images du photographe, et pourtant la sincérité des mises en scène fait oublier cet aspect scénarisé. Le photographe explique ce ressenti dans son processus de fabrication : « La technique fondamentale de ma propre approche créative : quelque chose qui jaillit spontanément de rien d'autre que les plus petites circonstances fortuites, un saut à peine reconstitué sur les terres poétiques de la fantaisie pure. »
© Arthur Tress, Young Boy and Hooded Figure. New York, 1971
Arthur Tress se définit lui-même comme surréaliste. Dans sa démarche créative, le photographe sort son sujet de son contexte naturel pour l'intégrer dans un milieu étranger ou inattendu. C'est cette mise en scène qui créé l'univers si particulier à l'artiste, provoquant une sensation étranges.
« Je pense que la vie est très surréaliste, du fait qu'elle est toujours pleine de surprises et de juxtapositions inhabituelles qui sont constamment jetés au visage du photographe. Il doit alors être assez rapide pour les attraper avant qu'elles ne disparaissent. »
Transréalités communique toutes ces fascinations du photographe. Il présente plus de 90 clichés en noir et blanc, accompagnés, entre autres, de citations de l'auteur et d'un texte de présentation de Claude Nori. Ces quelques récits dispersés au fil des pages permettent de saisir les inspirations, les envies ou la vision d'Arthur Tress sur son travail, et ainsi au lecteur de mieux interpréter l'approche du photographe.
© Arthur Tress, Boy with Root Hands. New York, 1971
Au travers des pages, les images semblent se faire écho, recoupant des sensations semblables comme la solitude ou l'enfermement. Notamment avec les clichés touchant au thème de l'enfance. Les univers du rêve et des cauchemars sont très présents, Arthur Tress réussi à recréer une sensation d'oppression, d'isolement. Pourtant, âgé de 72 ans aujourd'hui, cette période révolue ne semble jamais avoir cessé de le toucher. En effet, depuis 50 ans, les enfants sont des sujets récurrents dans le travail du photographe. Il propose une vision différente de l'enfance, mais sans qu'elle ne soit jamais embarrassante ou mal venue.
© Arthur Tress, Girl Emerging From Playhouse. Bronx, New York, 1971
L'utilisation du noir et blanc fait partie intégrante de l'univers des photographies de Transréalités, Arthur Tress explique : « Le noir et blanc est très utile pour faire passer une ambiance de réflexion et de mystère qui est proche de l'imagination et de l'émerveillement. » Il utilise également cette technique qui lui permet de pouvoir se concentrer sur son sujet et la conception de l'image.
Enfin, un des traits principal de Transréalités est l'intemporalité du travail du photographe. Ces images et ces sujets traversent les années sans jamais paraître hors contexte, grâce, sans aucun doute, à cette évocation onirique omniprésente dans les œuvres du photographe.
© Arthur Tress, Flood Dream. Ocean City, Delaware, 1971
A l'occasion de la sortie de Transréalités, en mai dernier, le photographe revient sur son travail pour Actuphoto :
Où trouvez-vous habituellement l'inspiration lors du processus de création de vos images ?
Le thème principal de l'oeuvre de ma vie est de trouver l'archétype mythique dans notre quotidien. Dans les rituels des jeux et des rêves d'enfants, dans les fantaisies érotiques secrètes des hétérosexuels et homosexuels mais également dans l'architecture et les paysages.
Dans Transréalités, réalité et fiction se mélangent. Est-ce que cette influence vient du fait que vous projetez votre imaginaire dans la réalité qui vous entoure ou bien l'inverse ?
Lorsque je me promène dehors, j'ai en tête mes thèmes créatifs. Le monde extérieur semble les mettre en avant pour que je les photographie. Parfois, je les prévois à l'avance, d'autres fois je viens improviser avec ce qui est déjà là. Je travaille à partir de mes sentiments primaires et de mes idées, en les extériorisant comme si je les avais projeté.
© Arthur Tress, Boy with Giant Ball. New York, 1969
Une grande partie des photographies de Transréalités ont été prises aux Etats-Unis, voir souvent à New York : cette ville a-t-elle influencé votre inspiration ?
Oui, New York est la ville où je suis né et où j'ai vécu jusqu'à l'âge de 50 ans. La ville a énormément influencé mes photographies des années 1960 et 1970, avec ces multiples contrastes : richesse et pauvreté, stress et nature. Mais également avec cette incroyable nouvelle scène d'artistes qui explore les nouvelles formes d'art.
Quels sont vos futurs projets ?
Cela fait maintenant 20 ans que je vis à Big Sur en Californie car je souhaitais être plus proche de la nature. Mes nouveaux travaux portent autour des animaux, des plantes, des paysages, et de la nature qui m'entourent. De plus, j'organise actuellement les archives de mes 50 années de travaux.
© Arthur Tress, Bride and Groom. New York, 1970
Chloë Rebmann
Transréalités
Arthur Tress
Editions Contrejour
32,6 x 23,4 cm - 112 pages
28 euros