Jan Banning © Ben Kuhlmann
Au départ, Jan Banning étudiait l'histoire. Il voulait écrire, faire des enquêtes à la manière des journalistes.
En 1981, il commence à combiner photographie et écriture, car il aimait la façon dont la photographie permettait de documenter le monde. Rapidement, il se rend compte des nombreuses possibilités offertes par la photographie, de ses différents types de langage. « La photographie fournit aux gens les moyens de trouver des réponses, j'aime pousser les gens à se questionner, confronter les gens à penser à travers cela. »
Entretien avec le photographe, qui explique sa série Down and Out in the South, projet commencé en 2010, sur les sans-abris de la Caroline du Sud, Atlanta (Georgie) et de petites villes du Delta du Mississippi.
© Jan Banning
© Jan Banning
Expliquez-nous cette série Down and Out in the South
J'étais invité comme artiste à Columbia, où j'exposais également ma série Bureaucratics. L'on m'a demandé de documenter la région. Je devais donc trouver le moyen de le faire. Je ne voulais pas traiter des sans-abri comme il est habituel de les voir, en noir et blanc, avec leurs caddies,leurs sacs de couchage ect.. Ce qui m'a stimulé, c'est de discuter avec eux, j'ai alors commencé à y songer. Je devais trouver une façon de traiter le sujet en dehors des stéréotypes existants.
J'ai choisi de montrer leur visage humain, rien d'autre. Pour moi, c'est ce qui donnait sens à ces images. Je ne cherchais pas pour autant à faire de la propagande, mais de faire une réelle enquête sur les sans-abris.
Est-ce la première fois que vous traitiez ce sujet ?
Il y a dix ans de cela, j'avais fait une petite série sur le sujet, qui avait été publiée dans un journal hollandais. Le projet Down and Out in the South peut également se rapprocher, dans la démarche, de ce que j'ai pu faire sur les portraits des victimes de conflits.
© Jan Banning
© Jan Banning
Qu'est-ce qui a été le plus difficile à réaliser ?
Tout d'abord, l'organisation, car, comme vous avez pu le constater, j'ai réalisé ces portraits en studio. La difficulté résidait dans le choix de l'endroit, il fallait que ce soit un endroit où ils se sentent à l'aise, qu'ils soient en confiance. L'on m'a alors trouvé un endroit où organiser mon studio.
L'autre difficulté était également d'ouvrir le débat sur ce qu'est être sans-abris, pousser les gens à se questionner, loin des clichés, et sans leur porter préjudice. Ce n'a pas été facile à réaliser.
Qu'est-ce qui vous a le plus surpris ?
La plupart des gens ont en tête énormément de clichés à propos des sans-abris : leur alcoolisme, certains disent qu'ils sont faignants, que c'est pour cette raison qu'ils sont dans la rue, que ce sont des gens en marge de la société etc...
Avant même de photographier ces sans-abris, je les ai interviewés (http://www.janbanning.com/gallery/down-and-out-in-the-south/#interviews">voir). C'était important pour moi d'éclaircir la façon dont je les ai appréhendés et photographiés, de retranscrire ce que j'avais vu, la façon dont ils sont vraiment.
© Jan Banning
© Jan Banning
Quels sont vos souvenirs les plus marquants ?
Lorsque j'ai réalisé ces interviews, j'ai vécu des moments très forts avec ces gens. Le témoignage qui m'a le plus marqué est celui de Gloria. Elle vivait dans une maison avec son fiancé, et un jour il s'est électrocuté chez lui. Elle a essayé par tous les moyens de le ranimer, mais sans succès. Cela l'a complètement traumatisée, elle n'arrivait plus à vivre dans cette maison, et en s'en éloignant, faute de moyens seule, elle s'est retrouvé dans la rue. J'ai écouté de nombreuses fois ce témoignage pour en réaliser le montage, et encore aujourd'hui, lorsque je l'écoute, je suis aux bords des larmes. (http://www.janbanning.com/gallery/down-and-out-in-the-south/#interviews">voir).
Cette histoire est si proche de ce que peuvent vivre beaucoup de gens, il est important que tous ceux qui ont des aprioris sur les sans-abris réfléchissent à tout cela, à eux aussi cela pourrait arriver.
La façon dont j'ai photographié ces sans-abris, dont ils sont représentés, c'est réellement la façon dont ils sont. Il est important de savoir que lors des shootings, ils ne changeaient pas leur façon de s'habiller, ils venaient comme ils étaient. Ces portraits sont véritablement ce que sont ces gens.
© Jan Banning
© Jan Banning
Avez-vous des projets à venir ?
Je continue mon projet Law and order (« loi et ordre »), sur ce que la société fait avec la notion de criminalité. J'enquête sur la Cour, la police, les criminels. J'ai terminé le chapitre sur l'Ouganda, les Etats-Unis, plus ou moins celui sur Columbia, et il me reste celui sur la France, je tente d'avoir des accès en France, mais c'est très difficile...
Livres disponibles : éditions Ipso Facto, Utrecht, The Netherlands.Hardcover,235 mm x 320 mm (9.25” x 12.6”) + ‘Giveaway Edition’, 8 pages,320 mm x 470 mm (12.6” x 18.5”) 42 photographs. Language: English. Price: USD 53 (EUR 40)
et iBook (Pour Ipad) Editions Ipso Facto, Utrecht, The Netherlands. Photos + Introduction by James Swift + Artist’s Statement (Jan Banning) + 12 interview fragments (sound) + 3 fragments from video documentary. Language: English. Price: USD 12 (EUR 9.50)
Propos recueillis par Claire Mayer