© Mario Pu?i?
Mario Pućić est un jeune photographe d'origine croate résidant à Rijeka. Il remporta récemment le prix du festival Photodays 2013 de Rovinj dans la catégorie « Paysage ». A l'aube de son entrée au sein de l'Union européenne, Actuphoto s'est intéressé à cette jeune génération de photographes croates, encore inconnus pour le moment en Europe.
Pouvez-vous vous présenter ? (études, parcours, expériences professionnelles)
Je m'appelle Mario Pućić, et je suis né en novembre 1984 à Rijeka en Croatie. Actuellement, je suis étudiant à l'Académie d'Arts Dramatiques de Zagreb, où j'étudie la photographie et le cinéma.
Bien que j'ai toujours eu besoin d'expression visuelle, j'ai commencé à prendre des photos très tard, à l'âge de 24 ans. Au départ, j'ai été attiré par l'esthétique de la laideur et de la photographie conceptuelle, mais pendant ce temps, j'ai commencé lentement à changer mon regard, et mon attention photographique s'est orientée vers les motifs simples en apparence, les surfaces propres et les lignes simples.
Cependant, d'une certaine manière, mon intérêt réel n'a pas changé. Je suis intéressé par les motifs de tous les jours, que certains pourraient qualifier de banal, et d'autres, de laid. Ce qui m'inspire le plus, ce sont les lieux de visite où je n'ai jamais été auparavant, et observer les gens pendant qu'ils travaillent. Je pense que toute forme d'art peut fournir des lignes directrices et des idées. Même si ce n'est pas un très bon art, il sert d'exemple pour ce qu'il ne faut pas faire ou essayer. J'aime jouer avec la lumière et l'expérimentation dans tous les domaines. Plus j'ai des équipements avec moi, plus je pense au matériel et moins je pense à la photo, donc la majorité des photos de cette série ont été prises avec un appareil compact, qui est très pratique à transporter, je l'ai toujours avec moi.
© Mario Pućić
Vous avez fait partie des finalistes du festival Photodays 2013 de Rovinj dans les catégories « Paysage » et « Architecture ». Avez-vous choisi ces catégories ? Si oui, qu'est-ce qui vous a motivé à choisir celles-ci ?
Quand le Festival Photodays 2013 de Rovinj a annoncé son concours annuel, ils proposaient 9 catégories dont "Paysage" et "Architecture". Il était possible de choisir dans quelle catégorie envoyer des photos, et mon choix s'est dirigé vers ces deux catégories car depuis l'année dernière j'ai été principalement intéressé par la photographie dans ce genre de domaines.
Pourquoi avez-vous choisi d'exposer ces photographies en particulier ? Pouvez-vous nous donner plus d'informations au sujet des paysages que vous avez photographié ?
J'ai commencé à prendre des photos en été 2012, et, après quelques mois, j'ai réalisé que j'avais spontanément fait une série qui partageait les mêmes motifs esthétiques.
Les photographies montrent le contraire des photos touristiques typiques, et remettent en question la situation, lorsque les images d'un voyage n'offrent pas les informations auxquelles nous sommes habitués : pas de visages souriants, de monuments ou de toponymes clairs. Elles ne disent rien au sujet de notre état, ou de nous-mêmes.
J'essaye d'atteindre une atmosphère épurée, propre, avec très peu de détails, et en évitant de prendre des photos de personnes. Bien que le thème soit le voyage, il n'y a aucun mouvement perceptible dans les images, et leur nature statique est également soulignée par le format carré, le sujet est très central. Les photos devaient être prises rapidement, car les scènes pouvaient changer tout aussi rapidement, le plus souvent à cause des personnes qui y apparaissaient.
© Mario Pućić
D'après vous, quelle place occupe la photographie en Croatie ?
Je suis définitivement convaincu que la photographie gagne de plus en plus d'importance et de terrain en Croatie. Il y a beaucoup plus de personnes qui s'intéressent à cette discipline, qu'ils soient amateurs ou professionnels. En outre, il y a quelques années, l'Académie d'Arts Dramatiques a mis en place une Maîtrise en photographie. A mon avis, en instaurant ce programme, l'Académie a accompli des avancées dans ce domaine en inculquant les lignes directrices spécifiques à la photographie, et en produisant un grand nombre de nouveaux photographes de qualité.
Il y a également des concours annuels de photographie qui ont eu lieu sur plusieurs années. L'un d'entre eux étant Rovinj Photodays, qui est le plus grand et sûrement même le plus important. Toutefois, la situation pourrait et devrait s'améliorer. Les gens continuent de se focaliser sur les équipements et moins sur la partie créative de la photographie. Récemment, par exemple, la présentation du nouveau modèle d'appareil photo a attiré un grand nombre de visiteurs pendant que la conférence d'un galeriste célèbre et conservateur n'a, elle, attirée pas moins de 10 personnes.
Que pensez-vous de l'entrée de la Croatie au sein de l'Union européenne ?
Tout d'abord, nous entrons dans l'Union européenne à un moment très délicat, la crise économique est toujours en plein essor et les gens sont en train de perdre confiance en leur gouvernement. En ces temps difficiles pour les citoyens de l'Union européenne, il est important de garder à l'esprit que l'UE présente une unification des pays et la libre circulation des capitaux mais également une circulation plus importante de personnes et d'informations. En outre, nous sommes le seul pays à entrer momentanément, ce qui nous rend intéressant pour les investissements futurs et peut-être plus attrayant pour d'autres Etats membres.
Quelles sont les attentes du peuple croate ? Quels sont les challenges selon vous ?
La Croatie a déjà connu de nombreux changements en tant que candidate pour devenir membre de l'Union européenne. La plupart des gens attendent beaucoup de nouvelles possibilités d'emploi, mais je pense que ces possibilités seront malheureusement réservées aux personnes très instruites. Le changement positif que j'attends sera celui concernant la corruption et le népotisme, qui sont en quelque sorte devenu socialement acceptable en Croatie. Personnellement, mes attentes incluront la possibilité d'effectuer des études moins chères, ainsi que de nouvelles possibilités facilitant la collaboration et les expositions.
© Mario Pućić
De quelle manière a été relayée l'adhésion de la Croatie à l'UE dans votre pays ?
Quand les négociations ont débuté, les gens étaient très enthousiastes. Mais après un certain temps, l'UE est devenue assez stricte en ce qui concerne la mise en oeuvre des différentes lois et réglementations, et de nombreuses personnes ont commencé à avoir des soupçons sur l'adhésion.
Il y a eu aussi beaucoup de surveillance dans les négociations en raison de politiciens incompétents. En outre, je pense que le gouvernement fournit un mauvais travail en expliquant les raisons et les avantages à intégrer l'UE à la population. A la fin, le premier ministre, qui avait commencé les négociations et qui est actuellement en prison pour corruption et en attente d'un verdict, sera glorifié dans l'Histoire comme l'homme ayant obtenu l'adhésion de la Croatie à l'UE. C'est une question politique avant toute chose.
Est-ce un sujet qui intéresse les Croates ?
Je pense que ça ne l'est plus. Beaucoup de gens ont perdu leur emploi, et les jeunes, qui ont effectué des études, sont dans l'incapacité de trouver du travail, donc ce sujet ne leur est pas d'un grand intérêt.
D'après vous, à quel point l'échange culturel a une importance en Europe ?
L'échange culturel en Europe est très important, compte tenu du fait que nous sommes très conservateurs dans un certain nombre de domaines. L'ouverture à d'autres cultures ne peut être que bénéfique aux croates.
C'est peut-être même le meilleur moment pour cet échange culturel en raison de la crise financière. Cette connexion culturelle et échanges d'idées peuvent être positifs sur la "foule" alphabétisée.
Pensez-vous qu'il serait bénéfique pour la Croatie de tirer profit de son adhésion à l'UE pour promouvoir davantage sa culture à travers l'Europe ?
Absolument. La Croatie est un tout petit pays (environ 4,5 millions d'habitants) mais n'a pas une scène culturelle très développée. Les jeunes artistes émergents devront être très réactifs et tirer profit au maximum de cette adhésion.
© Mario Pućić
Quels sont vos projets actuels et à venir ?
Actuellement, je travaille sur mes projets de fin d'études à l'université, donc mon principal objectif est de réussir mon année. J'ai une idée pour un projet futur qui inclura mes photographies de la série " No monument while travelling ".
J'ai l'intention de les installer dans un endroit "chaotique", en plein air, et d'observer leur désintégration naturelle au fil du temps.
Quelles sont les expositions actuelles ou à venir en Croatie que vous conseilleriez ?
Il y a une exposition à venir à Zagreb avec de nouveaux artistes émergents, en photographie croate, appelée à juste titre « New Names ». A Rijeka, se tient une exposition de photos de bâtiments abandonnés prises par un allemand et des photos de photographes croates. Cette collaboration est devenue possible grâce à l'association « Drugo Plus », mettant en relation des photographes professionnels et amateurs de Berlin et de Rijeka.
Photographies et vignette © Mario Pućić
Propos recueillis par Kenza Chaouni