Broken Fall (Géometric) West-Kapelle, Holland 1971 © Bas Jan Ader, Courtesy Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam
Le Bal présente jusqu'en août « Ready (to be) Made ». Une exposition qui regroupe les œuvres de Bas Jan Ader, et des photographes suisses Taiyo Onorato et Nico Krebs, qui « mêle romantisme et performances conceptuelles, » précise Diane Dufour, directrice et cofondatrice du Bal. Les trois artistes provoquent « l'accidentellement vrai » avancé par l'artiste hollandais, et mettent en avant le concept du « readymade ».
TAIYO ONORATO ET NICO KREBS
A l'heure du numérique et du recours presque instantané à Photoshop, les photographes suisses Taiyo Onorato et Nico Krebs en prennent le contre pied et présentent au Bal des photos argentiques sur lesquelles tous les montages sont réalisés artisanalement. Prise de vue. Découpage, collage, recollage. Nouvelle prise de vue. De ce fait, les photographes vont par exemple photographier une voiture criblée de balles, et à leur tour trouer ce cliché et le reprendre en photo. Taiyo Onorato et Nico Krebs « activent la substance 'readymade' d'un objet ou d'un corps placé devant la caméra ou l'objectif, » explique Diane Dufour. Ils « posent dans l'espace des trucs qui créent une illusion par le biais de l'appareil photo. » Leurs photos deviennent alors visuellement très parlantes. Ils reconstituent des routes, des scènes, des images et finalement créent leur propre monde tels des enfants. Si l'Amérique du « roadtrip » est déjà bien connue - Grand Canyon, Motels... - Taiyo Onorato et Nico Krebs refondent la leur.
View 1, 2008 © Taiyo Onorato et Nico Krebs FNAC 2011-0530 Centre National des arts plastiques
View 2, 2008 © Taiyo Onorato et Nico Krebs FNAC 2011-0530 Centre National des arts plastiques
Une démarche que l'on retrouve dans leur série «Constructions». Pour comprendre leur démarche, il faut d'abord savoir qu'en Belgique, tous les travaux d'extension nécessitent la mise en place d'une structure permettant de rendre compte de l'espace utilisé. Ainsi Taiyo Onorato et Nico Krebs reprennent ce principe en rajoutant des poutres métalliques aux bâtiments qu'ils affectionnent ou souhaiteraient voir s'agrandir.
Paradoxalement, malgré des montages réels et manuels, il devient difficile de distinguer le vrai du faux. Les photographes créent une illusion parfaite qui donne envie de s'approcher et d'inspecter le cliché à la recherche du moindre détail. Parfois même, leurs montages soulèvent une soudaine envie de traverser le cadre dans cette mise en scène pas si réelle que cela. Le visiteur en perd la notion d'espace et d'échelle, s'interrogeant sur la taille réelle de cette route circulaire.
Happy Ending, 2005 © Taiyo Onorato et Nico Krebs, Courtesy RaebervonStenglin, Zurich
Pour réaliser la série «The Great Unreal», il leur a fallu se rendre trois fois aux Etats-Unis, en 2005, 2006 et 2007. D'un voyage à l'autre Taiyo Onorato et Nico Krebs ont réutilisé certaines de leur photos pour de nouvelles prises de vue. Du coup, les clichés exposés au Bal se répondent parfois, se font écho. Tout comme l'installation vidéo et sonore, ingénieuse. D'un côté une vidéo, de l'autre un atelier de bricolage sur lequel différent marteaux viennent taper et produire la bande son de la vidéo. Une parfaite synchronisation et beaucoup d'humour la caractérise.
BAS JAN ADER
La vidéo constitue également le travail de l'artiste hollandais Bas Jan Ader. C'est à travers son corps qu'il fait le choix de s'exprimer. A l’image de l'artiste Serbe Marina Abramovic, qui utilise sa nudité et ses sentiments pour évoquer sa vision de l'art. Dans « I'm too sad to tell you » le visiteur le contemple pleurant pendant près de trois minutes. Il expérimente sa vision du tragique, en donnant de l'âme à l'art. Ce n'est plus un concept, mais une action.
Fall I, Los Angeles 1970 © Bas Jan Ader, Courtesy Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam
L'exposition du Bal regroupe quatre vidéos en noir et blanc, toutes axées sur le même sujet : la chute. Bas Jan Ader se confronte à l'air, au vent, à l'eau finalement à la matière et à la gravité. En se plaçant dans des situations incongrues et dangereuses, il étudie le phénomène physique des lois de l'attraction. Dans « Fall II » filmé à Amsterdam, Bas Jan Ader à vélo, prend de la vitesse pour se jeter dans le fleuve. L'instinct, qui protège habituellement l'humain, semble être absent chez Bas Jan Ader. « Fall 1 » dévoile sa faculté à ne pas craindre la douleur. Assis sur une chaise du haut d'un toit, il va se laisser tomber jusqu'au sol. Ce film de 24 secondes, expose les différentes étapes de la chute au ralenti, on le voit tourner sur lui-même, perdre sa chaussure et atterrir avec violence sur le sol. Les films « Broken Fall geometric» et « organic » développent sa lutte contre le vent et la gravité. Accroché à un arbre, il tient 1 minute et 44 secondes avant de chuter dans une rivière.
Broken Fall (Organic) Amsterdamse Bos, Holland 1971 © Bas Jan Ader, Courtesy Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam
Ses performances artistiques ne dénoncent pas, elles montrent les capacités du corps humain. Son art a longtemps été surnommé « romantisme de l'exploit inutile ». Bas Jan Ader devient cascadeur et utilise avec dérision son corps « se condamnant à la chute et affrontant la catastrophe ordinaire, il n'envisage que l'exploit en pure perte » commente René Viau. Sa vision de l'art poussée à l’extrême le condamnera en 1975. Il trouvera la mort en mer à l'âge de 33 ans, lors de la réalisation de « In search of the miraculous » parti en voilier rejoindre le Royaume Uni.
Louise Leclerc
Clémentine Mazoyer