
© Frédéric Lecloux
L'ouvrage Brumes à venir, évoque la chanson de Jacques Brel Le plat pays. « Et qui ont à jamais le cœur à marée basse, Avec infiniment de brumes à venir, Avec le vent de l´est écoutez-le tenir, Le plat pays qui est le mien. » Frédéric Lecloux dévoile une couverture sobre, une voiture noire en attente devant des maison alignés, un ciel brumeux, à l'image de sa Belgique. Le premier cliché un tas de macadam abandonné, « c'est une manière de dire au lecteur dans quel pays je vais l’emmener ».
La brume, thème principal de cet ouvrage a pour caractéristique d'apparaitre et disparaître aussi vite. Elle enveloppe pendant un temps la ville. En Belgique, elle semble être un habitant comme un autre et fait partie du paysage. Le photographe a cherché à comprendre ou en était la Belgique du pont de vue social et politique. « La chanson de Brel c'était le point de départ. Depuis dix ans j'étais en France et j’avais un souvenir de brume lorsque je pensais à la Belgique et un besoin d'y repartir pour comprendre ce qui se passait là-bas, est ce que ce pays va vers la brume ? Ou y est-il déjà ? J'avais l'idée d'une métaphore, est ce que le pays existe encore ou n’intéresse plus personne ? En mars 2009 j'ai effectué mes premiers voyages, il y a avait du soleil tout le temps, comment raconter la belgique sans brouillard ? Mais il est venu. »
© Frédéric Lecloux, Terril et maisons ouvrières, rue de Montigny, Châtelet, province du Hainaut, Belgique
Les photographies de Frédéric Lecloux dévoile les habitants et paysages Belges sous un nouvel angle. La flore est omniprésente. La maquette d'une navette spatiale entourée d'arbres, un cabanon de chasseur au milieu de la forêt, une voie de chemin de fer abandonné s'enfuit dans la végétation. « La verdure est un rapport à l’enfance, tous les weekend on était en foret, au quatre coins de la Wallonie, je courais dans les bois. J'ai recherché ces bois là, des feuillages qui envahissent, ce crachin qui m'enveloppe, le ciel, je suis dans ma belgique. »
Les couleurs sont vives, le vert des bois rend l'humidité perceptible. Du gris, émane le jaune vif de la station de métro Botanique ou du bus friterie « chez Solange ». Il articule ses images en diptyque. Elle sont face à face, comme la chevelure topaze d'une femme à bord du Crocodile Rouge et le cliché d'une rue de Saint-Josse-Ten-Noode repeinte. L'orange de la tenue de travail des ouvriers du port d'Anvers, résonne avec les plumes et froufrous carmins des costumes de Gille Blinche.
© Frédéric Lecloux, Carnaval de Stavelot, Province de Liège
Ce livre est saisonnier. Il célèbre sur quatre ans les cycles. L'automne dans la première partie. La pluie, les feuilles vieillies. L'été avec ses fêtes, ses pistes de ski vides, la plage. L'hiver recouvre de neige le sol et enveloppe d'une brume plus épaisse la Belgique. Le printemps est pluvieux, un tracteur avec un parasol, un cheval ne pouvant rentrer dans son box. Peu importe la période de l'année, les lieux semblent vides, abandonnés à l'image de ces tasses et assiettes de la faïencerie Royal Boch, détruites et entassées sur des cartons, de cette roue de vélo attachée à un poteau.
© Frédéric Lecloux, Cheval et abri, près de Marche-en-Famenne, Province de namur
Les paysages ne sont pas accueillants. La terre, noire, est imprégnée d'eau. Le ciel écrase la nature, les habitations. « On subit fort le ciel, la couleur du ciel influe énormément, c'est un ciel qui rend humble » affirmait Jacques Brel. Des usines en brique, de la fumée émane et se fond dans le firmament. Le photographe révèle une Belgique stéréotypé. Ses carnavals, sa pluie, son brouillard. Des routes vides et grises.
Les hommes sont absents de cette série. On perçoit des silhouettes, les jambes entourées de bas résilles d'une femme, des corps de dos, une main tenant un sandwich. Les êtres sont de passage en Belgique, ils sont dans l'attente. Une mariée de dos, une femme au loin avec un caddie. Frédéric Lecloux dévoile sa vison de son pays dans la préface : « Le Belge se console de tout par l'excès, en particulier de cette nostalgie sans objet, sans soubassement, de ce drame héréditaire d'avoir été abandonné le jour de sa naissance dans un territoire qui n'existe pas, projeté dans une singularité spatio-temporelle que personne n'a résolument souhaitée, où il ne pourra jamais rêver ni croire à rien. Contre le Hollandais, pas pour inventer un avenir commun au Flamand et au Wallon. Née contre, elle mourra contre. Elle est en train. Hélas. »
Les objets prennent un espace plus important mais ne sont pas dans leur élément. Un toboggan délaissé recouvert par les plantes, une tondeuse devant une gare détruite. L'univers est quelque peu étrange, fantasmagorique. Des légos flottent dans une eau ténébreuse et souillée. La couleur fait cependant son apparition dans la seconde partie du livre comme un dernier espoir. Le carnaval de Stavelot et ses personnages, des confettis, des fleurs et un poussin géant dans un port. Un enfant jouant à la plage, la vie semble reprendre ses droits.
© Frédéric Lecloux, Carnaval de Stavelot, Province de Liège
Les photographies de Frédéric Lecloux exposent une Belgique mélancolique, en lutte permanente. Le temps est en suspend, la dernière image est une statue d'enfant passant à travers un mur, tentant de fuir. Il conclut son ouvrage par « La belgique n'avait pas plus de chance de survie qu'une veuve népalaise. »
Photographies © Frédéric Lecloux
Brumes à Venir par Frédéric Lecloux
23,6 x 17,2 / 144 pages
Editions Le Bec en l'air
32 euros
Louise Leclerc