© Bill Brandt
Bill Brandt fait partie de ces grands noms de la photographie moderne. C'est une figure fondatrice qui, pendant cinquante ans, a su décrire son époque. Né a Hambourg, il grandira à Vienne. Sa double nationalité anglaise et allemande lui permet de vivre en Angleterre. Néanmoins, il fera le choix de renier ses origines allemandes, au vu des massacres causés par la seconde guerre mondiale. Pendant son enfance, il contracte la tuberculose, ce qui lui vaudra une santé fragile tout au long de sa vie. Le poète Ezra Pound, impressionné par son travail, décide de le présenter à Man Ray. Il découvre le surréalisme lors de son arrivée à paris. Bill Brandt n’apprécie pas lorsque l'on parle de lui : « je pense qu'il serait plus original et beaucoup plus intéressant de se concentrer sur la photographie et de laisser ma vie de coté. »
© Bill Brandt, East End Morning
Ombre et lumière est un livre prestigieux, épais au papier glacé. Le format carré est à l'image des clichés de Bill Brandt. La couverture en tissu bleu est recouverte par une photographie de jambes nues, prises à partir du ventre de la femme. Le titre apparaît en filigrane et nous dévoile le sujet de l'oeuvre. Il fait écho au clair obscur utilisé par les peintres. Cet ouvrage respecte le choix de classification du photographe, qui avait organisé son œuvre thématiquement. Le livre s'ouvre donc sur « Londres dans les années 1930 ». Il photographie les femmes de ménage, les cuisinières travaillant dans les quartiers de la bourgeoisie londonienne. Les photographies sont sombres, le blanc des apparats des gouvernantes ressort. Il capte les scènes de la vie, dans les bars, les travailleurs à la fin de la journée qui se rassemblent autour d'un verre. Il représente toutes les classes sociales. Il s’intéresse aux ouvriers, à leur milieu et mode de vie. Au milieu de ces clichés d'hommes, marqués, abimés, des couples s’embrassent dans les champs. Il manie un Rolleiflex, format carré. « Je réfléchis a deux fois avant de prendre une photo, et souvent je ne la prends pas ».
© Bill Brandt, Edith and Osbert
La réputation de Bill Brandt est établie bien avant la seconde guerre mondiale. Le grain de ses photographies est reconnaissable. Il explore la société anglaise, les différentes classes sociales. Ce livre retrace la fascination photographique de Bill Brandt pour le monde ouvrier et la guerre. L'entassement des hommes pour se protéger dans les métros. A l'image de cette photographie d'un foyer d'accueil près d'Elephant and Castle en 1937.
La seconde partie de l'ouvrage évoque le nord de l'Angleterre, Halifax, les mineurs. Les usines, la fumée, la noirceur brouillent la photographie. Le noir et blanc accentue ces faciès de mineurs, brunis par le charbon, seul leur regard semble pouvoir s'échapper de cette obscurité. L'horreur de la guerre marque profondément Bill Brandt, il fait le choix de saisir les instants de vie et non de mort, comme ces juifs orthodoxes priant dans une cave, afin de se protéger des bombardements.
© Bill Brandt, Liverpool Street
Il observe le monde qui l'entoure et le capte. Il publie avant la seconde guerre mondiale « The English at Home » en 1936 et « A night in London » en 1938. On ressent son profond attachement pour l’Angleterre à travers ses photographies malgré son origine allemande.
Il s’intéresse au peuple, mais les figures de l'Angleterre le captivent. Il portraitise Norman Douglas, Reg Butler, Barbara Hepworth. Il saisit les regards d'Alberto Giacommetti, Max Erns, Georges Braque. Seul leur œil est sélectionné et les représente. Son style photographique ne cesse de se renouveler. En 50 ans, il sera passé du portrait aux paysages et des ouvriers au nu.
© Bill Brandt, Jean Dubuffet
Les paysages lunaires de Bill Brandt sont chimériques. Un arbre mort contre une battisse, des moutons passant auprès de pierres colossales. On peut sentir l'aquilon. Le ciel est ténébreux, les formes sont carrés, des tombes alignés, un champ tracé. La paille jaune est transformé en colline noire. Il travaille sur les lignes, les courbes. Les photographies de Bill Brandt font ressentir l'atmosphère de l'Angleterre.
Il mélange tous les genres, la photo prise sur le vif ou celle préparée, mise en scène. « Vers la fin de la guerre, mon style a complètement changé. On m'a souvent demandé pourquoi je pense que j'ai progressivement perdu mon enthousiasme pour le reportage. La photographie documentaire est devenue une mode, tout le monde en faisait. » Entre 1945 et 1961 il se penche sur le nu. Après la seconde guerre mondiale ce genre de photographie semble faire oublier l'abomination de la guerre. Le livre se conclut sur le nu, le corps de la femme. Il détaille les courbes féminines, les genoux, les oreilles, les fesses, la poitrine, les mains.
© Bill Brandt, Seaford
Le travail de nu de Bill Brandt a été le plus imprévisible. Il mêle sexualité et nu artistique. Dés la première photographie, on contemple une femme assise dans une chambre tapissée, elle pose devant le boitier, main sous le menton. Certaines sont couchées, endormies. Il adopte des angles différents, dévoile des parties intimes. Le sable glisse sur leur peau, la pierre heurte la chair. Ses clichés se distinguent de ceux de Man Ray, Henri-Cartier-Bresson ou André Kertész. Bill Brandt a su créer une forme d' esthétisme et cet ouvrage photographique permet au lecteur d'accéder à son art.
© Bill Brandt, Nude
Vignette et Photographies © Bill Brandt
« Ombres et Lumières » par Bill Brandt
Editions Hazan
27,4 x 23,2 / 208 pages
39 euros
Louise Leclerc