© Paolo Pellegrin
Le nouvel album de Rerporters sans frontières, toujours très attendu, pointe enfin le bout de son nez. Rarement déçus, les lecteurs pourront se réjouir cette fois de feuilleter l'un de ses plus beaux numéros. En effet, cette fois, c'est le reporter de l'agence Magnum Paolo Pellegrin qui s'affiche au fil des pages. La couverture, à elle seule, annonce ce qui va suivre : un cliché en noir et blanc, prenant, d'un homme peu rassuré ni rassurant.
© Paolo Pellegrin / Magnum Photos
© Paolo Pellegrin / Magnum Photos
Puis, très vite, une fois passé l'édito poignant de Christophe Deloire, secrétaire général de RSF, le sujet de l'album s'affiche clairement à travers les mots d'Ed Vulliamy, grand journaliste, plusieurs fois distingué en particulier par Amnesty International, pour son engagement en faveur des droits de l'homme : « La guerre du Mexique est notre guerre. Le carnage qui a coûté 60 000 vies depuis 2006 et entraîné quelque 10 000 disparitions n'est pas un conflit lointain, circonscrit à un pays connu pour sa beauté sauvage, son héritage historique et sa tequila. Au contraire. Ce conflit est directement relié à, et même induit par, nos vies quotidiennes au sein des prétendues démocraties de l'Europe et des Etats-Unis. Qui consomme les drogues à l'origine de toute cette violence, sinon nos propres populations ? Qui arme les gangs, sinon l'industrie américaine ? Qui blanchit les profits du massacre et de l'industrie de la cocaine, sinon nos propres banques ? On sait aujourd'hui que Wchovia aux Etats-Unis et HSBC, la première banque britannique, se sont abreuvés de cette monnaie du sang – pratiquement en toute impunité. » Voilà qui pose les bases de ce qui va suivre, et qui a surtout le mérite d'être clair.
© Paolo Pellegrin / Magnum Photos
© Paolo Pellegrin / Magnum Photos
Car l'album de RSF, dédié au travail de Paolo Pellegrin, présente un travail du photographe pour le moins inattendu. Les images, issues d'un projet intitulé « Postcards from America », ne proviennent pas d'une commande ou d'une idée individuelle. Elle s'inscrit dans une idée originale et indépendante d'un groupe de photographes de l'Agence Magnum (Jim Goldberg, Susan Meiselas, Alec Soth, Mikhael Subotzky et Paolo Pellegrin) qui ont sillonnés les Etats-Unis pour faire état de sa situation. D'Austin au Texas, jusqu'à Oakland en Californie, ils ont cherché à faire un panorama réaliste, journalistique, cohérent du pays censé être le plus démocratique de tous.
© Paolo Pellegrin / Magnum Photos
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Les images de Paolo Pellegrin présentées dans l'album RSF sont celles de la frontière des Etats-Unis et du Mexique, où les gangs, la drogue, la violence, les meurtres, sont le quotidien de beaucoup trop de ses ressortissants.
Des images en noir et blanc, poignantes, lourdes de sens, qui témoignent d'une réalité que beaucoup cherchent trop souvent à oublier ou dissimuler.
Un album incontournable, à se procurer sans hésiter, puisque au-delà de son aura, l'intégralité de ses bénéfices sont reversés à Reporters sans frontières afin de financer ses actions.
100 photos de Paolo Pellegrin pour la liberté de la presse
9,90 €
Sortie le 2 mai 2013
Claire Mayer
© Paolo Pellegrin / Magnum Photos
© Paolo Pellegrin / Magnum Photos
Après avoir travaillé pour les agences VU' et Grazia Neri, Paolo Pellegrin se fait remarquer en 1995 grâce à son reportage sur le sida en Ouganda obtenant un premier World Press Photo et le prix Kodak du Jeune photographe – Visa d'or à Perpignan, l'année suivante. Sa carrière est lancée et sera de nombreuses fois récompensée par des distinctions internationales parmi lesquelles – fait exceptionnel – dix prix au World Press Photo.
Son travail engagé et humaniste se situe à mi-chemin entre le reportage documentaire et la photographie d'art. Témoin de son époque, il couvre les grands évènements tels que les funérailles de Yasser Arafat ou encore le tsunami en Indonésie et se rend dans les zones de conflit ou de guerres civiles les plus rudes (Bosnie, Irak ect). Son soucis éthique constant de la forme et du fond mène à cet album qui témoigne de son travail aux Etats-Unis entre 2011 et 2012. Ces images rendent compte de la réalité du « rêve américain », souvent dures, rarement innocentes. De la frontière d'El Paso au Mexique où tous tentent d'accéder à ce mirage, au Miami réel et loin de l'idée dorée que tout un chacun peut s'en faire, Paolo Pellegrin donne à voir un voyage à travers les Etats-Unis d'aujourd'hui empreint d'une dualité, entre clichés, espoirs et réalité.
Il devient membre de l'agence Magnum Photos en 2005.
© Paolo Pellegrin / Magnum Photos
Photos et vignettes © Paolo Pellegrin / Magnum Photos