© Michel Lunardelli
A la fin des années 1980, Claude Lévêque travaille pour la mode. Il va alors rencontrer beaucoup d'artistes et de générations, et réaliser la base de son univers artistique. Au départ, la photographie est un médium privilégié pour lui, qu'il inclut dans ses dispositifs, sorte de rituel de l'image, comme dans sa première installation intitulée « Grand hôtel »en 1982 : « je me suis alors interrogé sur la question de comment gérer l'image, comment l'image, qui avait un sens de représentation du corps, des éléments, de la nature, avait toute une symbolique. J'ai vite abandonné cela, pour des dispositifs, des installations incluant la lumière, le son, comme je fais toujours aujourd'hui, avec évidemment l'évolution du parcours au cours de toutes ces années. »
Claude Lévêque ne se revendique pas photographe. Mais l'exposition « un instant de rêve » qu'il présente à la Maison européenne de la photographie jusqu'au 16 juin prochain, présente tout un travail d'utilisation de l'image, sous la forme de projections. Explication.
© Claude Lévêque
Expliquez-nous cette exposition à la MEP
Jean-Luc Monterrosso et Michel Nuridsany ont souhaité que je montre dans cette exposition toutes les photographies que je fais en permanence. En effet, dans mon travail de recherche, je photographie tout ce que je rencontre pour des repérages d'espaces et d'environnements lorsque l'on me propose des projets. J'ai beaucoup d'images sur la base de mes recherches, de mes mises en forme, de mes projets. Elles ont donc ce statut là.
Je n'ai pas l'habitude de montrer des photographies, et c'est vrai que l'image a été présente au début dans « Grand hôtel », première de mes installations, mais n'a plus jamais été un élément de mes autres dispositifs jusqu'à maintenant. C'est pour cela qu'ici, à la MEP, j'ai choisi de montrer ces images, qui sont comme des notes. L'idée était de montrer cela en projection, ce qui était plus juste pour pouvoir percevoir tout le déroulement de l'image, pour entrer de la sorte dans un espèce de voyage, composé de ces notes de préparation. Je me suis demandé ce que je pouvais faire de ces images, étant donné que je ne suis pas photographe, je ne voulais pas leur donner ce statut-là, au mur, encadrées, ce n'est pas ma détermination. Ainsi, lorsque j'ai vu que c'était extrêmement difficile de jouer avec ces images, je me suis décidé pour la projection.
© Claude Lévêque
Quel statut a l'image pour vous ?
Des images, j'en fait, l'image nourrit mon travail, elle est importante, j'y suis très attaché. Souvent, j'ai l'opportunité de les utiliser dans des portfolios, dans des magazines. J'ai même fait des livres avec des images, parce que mes clichés vont avec le format d'un livre, j'aime l'idée de feuilleter, comme dans cette exposition à la MEP, où c'est comme si l'on feuilletait, l'image est en déroulé.
Est-ce la première fois que vous utilisez vos images sous la forme de vidéos comme ici ?
Oui, mais il ne s'agit pas d'une installation. Nous avons déterminé huit projections, avec un choix d'images différentes pour chacune d'elles. Puis, nous devions les mettre dans l'espace, donc nous les avons mis, selon les choix d'images, en petit format ou en très grand format, toujours dans l'idée que l'on circule dans l'espace et qu'à chaque fois sur un mur, dans un coin, on trouve des images comme si l'on feuilletait un livre.
© Claude Lévêque
Comment avez-vous réalisé le choix des images projetées ?
Ca a été très long. Elles représentent une quantité astronomique d'images depuis les années 80, tout ce qui fait partie de mes observations. Je fais des images de manière complètement incontrôlée.
La cohérence dans le choix de ces images est dans l'idée du voyage aussi, des sujets, des objets, du paysage. Nous avons beaucoup travaillé sur le montage, sur l'association de l'image, aussi pour que le public n'ai pas non plus l'impression que chaque projection se ressemble, que les thématiques changent.
J'aime bien dire que je fais des photos comme tout le monde fait, car maintenant avec le numérique, et même l'iphone, on peut réaliser une profusion d'images. Avant, on pouvait hésiter face à l'instantanéité, à photographier tout et n'importe quoi, car entre la contrainte du tirage et de l'image, c'était beaucoup plus compliqué. Je suis assez content, car même s'il y a mon regard derrière, ce qui m'intéresse c'est de faire des photos qui, à un moment, ne me demandent pas forcément de réfléchir, ou d’induire une technique particulière. J'essaie de bien cadrer, bien évidemment, mais il n'y a pas un soucis de perfection, je ne réalise pas d'images sur pied ect..
© Claude Lévêque
C'est plus l'instantanéité, le moment qui se présente à moi. Il y a des éléments de photographie que je mets de côté d'une certaine manière, et qui vont être importants pour un projet, qui vont amener un récit dans un projet d'installation. Ces images, prises au hasard, ne sont donc pas dénuées de sens par rapport à mon travail.
Avez-vous des projets à venir ?
J'en ai plusieurs, oui. Des expositions collectives, mais surtout en mars 2014 je suis invité au Louvre, cela va être un projet important.
© Claude Lévêque
Propos recueillis par Claire Mayer