L'oeuvre photographique de Jacques-Henri Lartigue est désormais bien connue. Des photos de John Fitzgerald Kennedy à celles du mariage de Grace Kelly et du prince Rainier, en passant par Picasso... Mais c'est un autre Lartigue que Martine d'Astier, Michel Frizot et Shelley Rice ont décidé de revisiter à travers le livre « Jacques Henri Lartigue. D'air et d'eau ! », paru aux éditions Hazan. Bien avant l'exposition au MoMa ou l'article du magazine Life qui lui ont été consacrés en 1963. Avant même qu'il ne photographie le président Valéry Giscard d'Estaing. Car si c'est à 69 ans que le photographe est devenu connu, dès ses 9 ans le petit Lartigue a commencé à prendre des photos.
1902, Jacques-Henri Lartigue se voit offrir une chambre 13x18 en bois par son père. « Je vais pouvoir tout photographier. Tout, tout... Avant je disais à Papa : photographie ça, et ça... Moi, maintenant, je vais le faire » écrit-il alors dans son journal, dont de nombreuses citations ont été reprises afin de compléter le livre. Et effectivement, le photographe en herbe immortalise chaque événement, les expériences de son frère, les après-midi avec sa famille, ses amis...
Golo et Simone, Forêt de Marly, 1er mai 1913 Photographie Jacques Henri Lartigue © Ministère de la Culture - France / AAJHL
Ces photos, en noir et blanc, ont été prises entre 1904 et 1930, et révèlent toute une époque. Une France en paix, une économie prospère accompagnée de progrès techniques formidables et d'un optimisme aujourd'hui jalousé, c'est la Belle Epoque. Ce livre se parcourt comme un trésor historique. Car ce que Lartigue aime photographier par-dessus tout, ce sont justement les loisirs en plein air dont le développement a rythmé cette société française. Aviation, bateau, plage, piscine ou tennis. Il est le témoin des mutations de la société, de ces inventions qui ont modifié le mode de vie des Français. « Lartigue évoque longuement les débuts de son obsession photographique, née de son sentiment d'être un spectateur, un observateur des événements qui se déroulaient près de lui,» précise Shelley Rice, historienne de la photographie et professeur de l'histoire de l'art à New York University.
Vers les Iles. Pierre, Vera et Arlette, Cannes, mai 1927 Photographie Jacques Henri Lartigue © Ministère de la Culture - France / AAJHL
Jacques-Henri Lartigue est passionné par la vitesse et le mouvement, deux éléments pourtant insaisissables, comme le souligne Martine d'Astier, directrice de la Donation J.H. Lartigue. Un défi que le photographe est prêt à relever. L'expansion de l'automobile au début du XXe siècle lui permet donc de réaliser de nombreux clichés tels que celui présenté ci-dessous. Une pratique qui devient presque un sport pour le photographe qui confie, « Je tourne la manivelle. Je prends des photos. Je retourne la manivelle. »
Bugatti type 37 Grand Prix de Super Cannes, mai 1929 Photographie Jacques Henri Lartigue © Ministère de la Culture - France / AAJHL
Historique, ce livre soulève également une dimension sociale. Ce que Lartigue a le plus photographié est sans doute sa famille, une famille de la bourgeoisie parisienne. Son père, Henri Lartigue, aurait été un temps à la tête de la huitième fortune de France. Le jeune photographe invite alors à découvrir le train de vie de cette classe sociale. Du style vestimentaire qui en dit long sur le début de la mode, aux loisirs pratiqués, il en découle une sorte d'hédonisme et un sentiment d'oisiveté.
Zissou, Rouzat, 1911 Photographie Jacques Henri Lartigue © Ministère de la Culture - France / AAJHL
Mais avant d'être le témoin de son époque, Jacques-Henri Lartigue est avant-tout le témoin de sa propre vie. Il s'agit en fait d'un livre sur sa jeunesse photographique où il partage ses expériences liées à la découverte d'appareils photo. Petit, il découvre la surimpression. Une technique qui lui permet de réaliser des photos de « fantômes ». D'ailleurs, les visages et leurs expressions sur ses clichés sont révélateurs du caractère expérimentale des situations et des photographies. Il ne faut pas oublier que le XXe siècle est aussi le temps du progrès photographique. La technique de Lartigue évolue donc au rythme des nouveaux appareils.
Et si à ses débuts Jacques-Henri Lartigue n'a pas le choix des photos en noir et blanc, il découvre la photographie couleur à 17 ans. Il s'extasie dans un premier temps devant ce procédé, qui ne le satisfait finalement pas vraiment. La couleur, dit-il, n'est pas compatible avec l'effet de mouvement recherché. Le photographe abandonne ce procédé en 1927.
Charly, Rico et Sim, Rouzat, septembre 1913 Photographie Jacques Henri Lartigue © Ministère de la Culture - France / AAJHL
Tempête à Nice, 12 mars 1934 Photographie Jacques Henri Lartigue © Ministère de la Culture - France / AAJHL
La photographie comme souvenir prend tout son sens avec « Jacques Henri Lartigue. D'air et d'eau ! ». Ce livre est une promenade dans le temps, une promenade dans ce XXe siècle qui ne faisait que commencer. Un livre qui fait presque regretter de ne pas avoir vécu à cette belle époque !
Photographies et vignette Jacques Henri Lartigue © Ministère de la Culture - France / AAJHL
Jacques-Henri Lartigue. D'air et d'eau ! / Editions Hazan
Martine d'Astier, Michel Frizot, Shelley Rice
25,5x28 cm / 264 pages
39 euros
Clémentine Mazoyer