© Lars Tunbjörk
Parallèlement au soucis esthétique et visuel de la photographie de représenter la beauté des objets et sujets, le photographe ici s'attache à retranscrire ce qu'il voit au plus près de la vérité, sans ajouter de retouches ou d'artifices esthétiques à ses clichés. Il joue sur cette contradiction qui nous interpelle. Lars Tunbjörk utilise comme angle d'approche le reportage, et on remarque un air de déjà vu avec certains de ses travaux précédents.
© Lars Tunbjörk
© Lars Tunbjörk
Après s'être attardé à dresser un portrait acide et piquant de la société Suédoise, soit disant modèle économico-social qui s'est avéré avoir ses failles, il effectue désormais un reportage sur l'environnement de travail bureaucratique de Beauvais en Picardie. Lars Tunbjörk présente un univers froid et «aseptisé» de modes de vie en Picardie. Il montre avec cet ouvrage « Everyday », la vie quotidienne de travailleurs d'entreprise bureaucratique, administrative, d'usine...
Cette manière de retransmettre sa vision des choses relève davantage du documentaire ou du reportage que d'une vision artistique. Son travail renvoie au plus proche du réel, au plus proche d'une vie mondialisée et de ses effets sur les individus. Il n'y a aucune beauté ou esthétique dans les photos, aucun charme. Les clichés ne sont touchants d'aucune façon. Bien que les couleurs soient authentiques et lumineuses, les personnages ne sont pas magnifiés et leurs «imperfections» intimident un tant soit peu l'oeil du lecteur. Les portraits qu'il fait des individus sont fades, tristes, ces gens ont l'air fatigué. Comme si l'automatisme de la société avait pris la vie et la joie aux hommes, fatigués devant leur écran d'ordinateur, ou effectuant des opérations de manière « machinale », « automatique ».
Il montre à travers ses photos que la machine et l'automatique ont pris le pas sur l'humain. Il en résulte une déshumanisation du monde.
© Lars Tunbjörk
© Lars Tunbjörk
Au final, cette vision gêne, dérange car on ne veut pas s'imprégner de cet univers sans âme, dépourvu de sentiments. De plus, cette carcasse de volaille vient comme amplifier cette vision trop « vraie », trop répulsive de cet environnement aseptisé. L'image est étonnante, mais c'est justement le paradoxe de Lars Tunbjörk : on ne sait pas à quoi s'attendre à chaque fois que l'on tourne la page pour découvrir une nouvelle photo.
© Lars Tunbjörk
Il y a bien sûr une intention de la part de l'auteur de montrer un tel environnement, une telle vision des choses. Comme l'expose Christian Caujolle dans le texte de présentation du livre, Lars Tunbjörk montre cet univers mondialisé, industrialisé et pris d'assaut par le bureaucratique, l'administration et les machines. Christian Caujolle présente bien les choses en disant que « c'est la raison pour laquelle la photographie de Lars Tunbjörk, si elle est efficace, est tout sauf confortable, y compris pour lui-même. »
Il s'attache à montrer l'univers cauchemardesque des bureaux, ce dégout d'une administration carrée, fade et stricte, où l'homme se déshumanise lui-même, en détruisant la nature, en allant toujours plus loin.
© Lars Tunbjörk
Everyday – Lars Tunbjörk
Diaphane Editions
20 euros
Eloïse Rey
Photos et vignette © Lars Tunbjörk