VHILS, Shanghai, 2012, courtesy MD gallery
Alexandre Farto aka VHILS est né en 1987 et est un street artiste Portugais. Il a d'abord commencé à faire des graffitis quand il avait 10 ans, mais il s'y est mis plus sérieusement vers 13 ans. Au début, c'était juste quelque chose qu'il faisait avec ses amis ou tout seul, plutôt que de rester à la maison toute la journée. Pour lui, il n'y avait pas d'autre but au graffiti à part s'amuser. Cette période où il faisait ses propres grafs, et où il appartenait à un groupe était vraiment importante pour lui. C'était le début de quelque chose ; il n'avait pas besoin de raison particulière pour faire ça. Il peignait les murs dans les principales lignes de train de la banlieue de Lisbonne, et du reste du Portugal. La prochaine étape était de commencer à voyager autour de l'Europe pour peindre des trains. Puis il a commencé à explorer et expérimenter un travail avec des pochoirs et autres objets et médias, en pensant de plus en plus à ce qu'il faisait, ce qu'il voulait faire et où il voulait aller avec cet art.
La première exposition qu'il a réalisé s'est faite au Portugal en 2006 “building 3 steps”. C'était une collaboration avec l'architecte Miguel Mauricio arrangée par l'agent de VHILS à Lisbonne, Vera Cortes.
Vous faites essentiellement des portraits, pourquoi ?
Mon travail traite beaucoup de l'idée de vivre dans des villes – les villes sont des endroits créées par les gens mais aussi des environnements artificiels où elles semblent être de petits espaces pour les êtres humains. Donc en sculptant les gens avec ce même artifice, un environnement non-humain, j'essaye de rendre un degré d'humanité à la ville – et c'est particulièrement vrai lorsque les portraits ont été sculptés dans des endroits abandonnés.
Qui sont les gens que vous choisissez de représenter ?
Certains de ces portraits sont d'une certaine façon connectés avec le lieu ou la ville où ils ont été sculptés, mais la plupart ne sont que des visages – des visages anonymes. J'ai toujours aimé l'idée de représenter des icônes inconnues, et une partie de mon travail a eu pour but de développer ce concept. D'un autre côté, j'aime les visages; j'aime fournir une ville de visages, pour reflèter les gens et la vie en général. Cela renvoie aussi à comment la ville façonne les gens qui vivent dedans, et comment elle est à son tour façonnée par ces mêmes personnes. C'est un cercle intéressant de création. Il y a quelque chose de trés puissant dans le visage humain.
© Alexandre Farto aka VHILS - Entropy - Carved on wood - 2012 - courtesy GalerieMagda Danysz
Comment choisissez-vous les lieux où vous souhaitez travailler ?
Les murs choisis sont dans des endroits trés différents de la ville, afin de reflèter la variété des lieux. J'aime ces murs détériorés avec une surface sombre derrière, et juste sculpter le mur et en exposer ses fragilités à la ville. En soulignant la valeur poétique de la détérioration – les deux étants naturels et apportés par la nature humaine – j'essaye d'explorer la nature éphèmere qui est à la base de toute chose, mais aussi j'interroge la nécessité de catalyser le changement basé sur la pratique du développemet pour le bien de ce dernier, quel que soit l'héritage social, culturel et historique laissé dans son sillage.
Vous travaillez avec beaucoup de matériaux (papier, bois, métal) y en a t-il un que vous préférez pour vous exprimer ?
Je pense que le procédé lui même doit être plus important et plus intéressant que le résultat final. Je suis trés intéressé par la nature éphèmere et par le changement permanent du caractère des choses qui nous entourent depuis que nous sommes nés.
© VHILS (Alexandre Farto), Through the cracks 4, Hand carved collected antic wood, 232x226x26cm, Unique piece, 2012, courtesy Magda Danysz gallery
La représentation de votre travail sur les murs est trés précise, comme en photographie : est-ce fait exprès ?
Cela dépend du travail et de l'endroit où cela a été fait. Je ne considère pas mon travail comme terminé de suite aprés la fin de mon intervention lorsqu'il est vu et photographié, c'est juste une phase où le travail artistique est dans le présent.
Je considère le travail aboutti quand il commence a être intégré dans l'environnement local, la patine, la rouille, la nature prend le dessus sur le graffiti...
Même dans le travail lui-même, tous les éléments sont dans ce processus d'evolution.
Une des parties de mon travail est aussi de représenter l'éphémere de chaque chose, comment finalement rien ne dure et que dès que quelque chose est crée, il y a un processus de décadence. Jusque là, il n'y a pas eu d'exception à cette règle.
Avez vous déja fait des photos sur des murs comme JR ?
Pas comme JR mais j'ai travaillé avec lui. Nous nous connaissons depuis un moment et sommes amis, donc c'est venu naturellement de faire une oeuvre ensemble. On est tous les deux trés attirés par cette collaboration et engagés dans des projets avec d'autres artistes qui nous intéressent.
Pour l'oeuvre que nous avons fait ensemble avec JR à Los Angeles, je pourrai dire que c'est un bon mélange de deux approches vraiment trés différentes. Il y a beaucoup de choses qui font que l'on est proche avec JR, mais techniquement et en terme d'art, on a chacun nos façons particulières de travailler, donc ça rend l'oeuvre encore plus forte. Deux artistes, deux techniques, deux styles, une oeuvre...
© Alexandre Farto aka VHILS - Entropy - Sculpted polystyren - 2012 – courtesy Galerie Magda Danysz
Avez-vous été influencé par certains artistes ?
Beaucoup. J'ai d'abord commencé à admirer le travail des graffeurs et spécialement de ceux qui étaient actifs autour de là où j'ai grandi : le mural de MRPP, UDP, MES … puis, les graffeurs comme Clear, Tape, Oxi, Ram, Time, Hium, Mar, Klit et plus tard les graffeurs Européens comme Honet, Stak, Blu, INXS, Trane, Phare, Vino, Hue, Etc. Je me sens obligé de parler de Banksy car quand j'ai commencé à m'intéresser à son travail, ça a complètement changé ma perception de ce qui pouvait êre fait dehors, dans la rue.
Puis encore beaucoup d'autres artistes, comme Os Gêmeos, Barry MacGee, et plus tard Gordon Matta, Katherina Grosse.
Êtes vous particulièrement engagé dans une cause ?
Méditer sur les strates qui sont construites partout autour de nous et dans nos vies.
Faire de mon mieux pour ne pas me perdre au milieux de toutes ces strates.
© VHILS (Alexandre Farto), Disintegration series 2, Peeled off paint on chinese antic doors, 115x180x7 cm, Unique piece, 2012, courtesy Magda Danysz gallery
Propos recueillis par Eloïse Rey