© Germaine Chaumel - La rentrée des classes, 1938
Personnage précurseur dans le domaine de la photo, Germaine Chaumel associe à son travail à la fois le photo-reportage, la photographie de studio et la photographie d'artiste. Cet ouvrage est construit de façon chronologique et présente l'oeuvre d'une vie de la photographe, ses passions, sa mobilité à suivre les évènements et son engagement à relater au mieux sa vision d'une époque.
Germaine Chaumel, commence la photographie avec un rolleiflex où elle couvre les événements culturels de sa ville, Toulouse, pour en faire en quelque sorte la promotion culturelle. Elle arpente les différentes manifestations, à la recherche d'images symboliques et représentatives. Cet ouvrage retrace un parcours de photographe, de femme photo-reporter de la ville rose jusqu'à Paris, de ses débuts en 1930 jusqu'à la fin de sa vie, en 1982, en passant par les clichés d'évènements sportifs, culturels, de guerre, d’après-guerre, de portrait, de mode... Elle est l'une des premières femmes à avoir fait de sa passion sa source de revenus. A partir de 1935 elle travaille pour l'Express, et La dépêche et commence à connaître un fort succès, de par son talent, mais aussi grâce à sa place dans la société, ce qui lui permet de couvrir des évènements culturels de taille.
En 1935, elle fonde le « Cercle photographique des XII » avec onze de ses amis photographes : ce « cercle » est un club dont le but est la pratique de la photographie artistique. Malgré ses activités de photoreporter, elle n'en n'oublie pas pour autant son intérêt principal : la photo d'artiste.
© Germaine Chaumel
© Germaine Chaumel - Le secours national à la campagne (vers 1942)
La photographie, pour Germaine Chaumel, c'est un moyen d'expression. Elle sait capter des évènements de la vie courante. Ses clichés en noir et blanc sont précis et retracent avec justesse des scènes de la vie ordinaire. Elle photographie le quotidien des familles, leurs loisirs grâce à l'apparition des congés payés, le quotidien des travailleurs, les enfants sur les bancs de l'école, les visites ecclésiastiques... En 1935 elle se tourne vers le photo-journalisme, et pendant 10 ans, jusqu'en 1945, elle collabore avec plusieurs journaux : Paris-Soir, la Dépêche, L'Express du midi, La Garonne, le Bulletin municipal de la ville de Toulouse, La Petite Gironde, mais aussi le New-York Times. Elle fait état de ce qu'elle voit, durant l'avant-guerre et l'après-guerre.
© Germaine Chaumel - Au vent (vers 1945)
La photographie, pour Germaine Chaumel, c'est aussi un soucis de rapporter avec vérité, jamais dans la violence ou la douleur malgré la guerre qui sévit. Au contraire, elle montre comment chacun s'organise durant cette période, comment les populations se mobilisent pour apporter leur aide dans cette situation terrible. Elle photographie avec neutralité la situation de l’époque, le conflit, cette « drôle de guerre ». Elle est la seule à avoir immortalisé Toulouse sous l'occupation Allemande. Pendant la guerre, elle couvre les manifestations officielles, les visites du maréchal Pétain à Toulouse, mais n'est pas totalement « libre » de prendre des photos de ce qui se passe autour d'elle, nécessitant des autorisations... Elle fait principalement des photos d'identités des réfugiés venant d'un peu partout en France et d'Espagne, et héberge pendant quelques mois une famille de juifs belges, qui commence à subir les persécutions nazies. La salle de bain de son appartement devient son studio photo. Elle expose le paradoxe de cette période : entre rationnement, dureté de la guerre, elle montre malgré tout et la richesse culturelle de la ville qui est encore en « zone libre », où il est encore possible d'aller au cinéma, de se produire dans des théâtres.
La photo, enfin, c'est une manière d'exprimer son côté artistique, avec son intérêt pour le portrait et la mode, en passant par la nature morte et la publicité. Une de ses principales figures de portrait était Paqui, sa fille. Elle fut son principal modèle.
© Germaine Chaumel - Le couple (vers 1945)
© Germaine Chaumel - Photographie de mode en studio
Les photos de Germaine Chaumel sont touchantes car elles retracent une époque, une longue phase de sa vie, mais également et surtout de celle qui s'organisait autour d'elle, à Toulouse ou Paris, dans la période d'avant et après guerre. Elle rapporte avec une grande assiduité l'effervescence de la vie à cette époque, et des gens qui l'entourent. Elle fait notamment connaître Jean Dieuzaide au public.
Toujours au plus près de l'évènement, on le voit par la proximité des clichés avec les sujets, et par des prises de vue aussi bien instantanées que mises en scènes, Germaine Chaumel est au cœur d'une vie en ébullition, en constante évolution, et en fait le témoignage à travers ses clichés.
© Germaine Chaumel
Dans cet ouvrage, c'est un portrait influent d'une femme photographe qui est présenté, moderne et en avance sur son époque, qui s'est largement construit une place et une réputation dans un univers considérablement masculin. Ses clichés notables la font remporter des prix. Son inspiration vient de Man Ray, Brassaï, mais elle crée surtout son propre style (plongée ou contre plongée qui donne de la valeur à l'objet photographié). « Il y a cinquante, Germaine Chaumel était une femme d'aujourd'hui ».
© Germaine Chaumel - Résistants FFI place Saint-Etienne, au lendemain de la libération de Toulouse (21 Août 1944)
Ce livre accompagne l'exposition qui se tient au Bazacle de Toulouse du 20 novembre 2012 au 24 Février 2013
Germaine Chaumel : Femme photographe
Par François Bordes, Pierre Gastou, Philippe Guionie, Elérika Leroy, Dominique Roux.
Editions Privat - 2012
184 pages
26€
Eloïse Rey