Charlotte Dumas dessine et peint dés son plus jeune âge, et commence également très tôt, à s'intéresser à la photographie. Au fur et à mesure que sa passion grandit, elle devient photographe professionnelle, et développe des sujets qui lui tiennent à cœur. Charlotte Dumas à reçu en 2008 le prix De Scheffer du Musée Dordrecht pour son projet Palermo 7. A l'occasion du Mois de la Photo 2012, la photographe présente deux séries : Anima, et Retrieved. L'une est consacrée aux chevaux d'Arlington National Cemetery, et l'autre aux chiens de recherche des attentats du 11 septembre 2001. Les expositions sont présentées à l'Institut néerlandais de Paris.
© Charlotte Dumas
Qu'est ce qui vous a conduit à exposer pour le Mois de la Photo ?
Les deux séries présentées sont les plus récentes que j'ai réalisées. J'ai d'abord photographié les chiens du 11 septembre, et l'année suivante, j'ai produit la série Anima. Avec Marieke Wiegel (chargée de le programmation des expositions à l'Institut néerlandais), nous avons décidé que nous souhaitions montrer ces deux séries dans la mesure où elles sont très liées. Les chiens ont fait des recherches au début de la décennie qui a changé le monde, tandis que les chevaux d'Arlington National Cementary portent les soldats blessés. Or, ces hommes sont là suite à l'attaque du 11 septembre, puis aux guerres en Irak, et en Afghanistan. Il est donc tout à fait logique de présenter ces séries ensemble.
En plus de ces deux travaux, nous avons décidé de montrer une série de polaroids, car j'en réalise depuis dix ans, mais je ne les ai jamais montrés. Ils donnent une sorte de contexte à mon travail. Ces deux thèmes ont une charge émotionnelle importante, et ce sont des sujets lourds. Les polaroids donnent un éclaircissement sur mon travail, et quelques références.
De plus, la vidéo qui est présentée a été réalisée spécialement pour l'Institut néerlandais, c'est une première.
© Charlotte Dumas
Qu'est ce qui vous fascine autant dans la relation homme/animal ?
Je me concentre sur la relation entre homme et animal car la plupart du temps, ils dépendent l'un de l'autre, travaillent ensemble, et je crois que cela devient de plus en plus instinctif. J'essaie donc de me focaliser là-dessus et de souligner ce rapport. Je souhaite aussi enquêter sur cette question et comprendre quelle genre de relation on peut avoir avec un animal qui travaille, comme ceux des cirques, ou ceux qui travaillent avec la police, ou avec l'armée : les chevaux de l'armée, les chiens de recherche.
La relation homme/animal a beaucoup de différentes interactions. Les animaux sont adoptés, utilisés, ou victimes d'abus. Lorsque j'ai commencé à photographier les chiens de la police, sans savoir vraiment pourquoi j'étais fascinée par le sujet au départ, quelque chose m'est apparue. En effet, j'ai continué à photographier dans ce contexte, et je suis maintenant capable de définir ce qui m'intéresse vraiment dans ce thème. Je pense que les animaux sont très importants dans le processus quotidien et dans ce qu'il se passe autour de nous, dans le monde. Les chiens de Retrieved, et les chevaux de Anima, sont de bons exemples car ils ont une tâche concrète, ils servent une cause, ils ont un réel travail. Ils nous donnent une référence, mais aussi un nouveau point de vue sur la manière de gérer la douleur par exemple.
© Charlotte Dumas
Comment avez-vous retrouvé les chiens qui ont fait des recherches au moment du 11 septembre ?
J'ai retrouvé les chiens grâce à FEMA (Federal Emergency Task Force of the United States). Ce sont eux qui ont déployé tous les chiens au moment du 11 septembre. Je leur ai donc écrit en 2011, et ils ont envoyé des emails afin de trouver des personnes qui auraient des chiens ayant participé à ces actions, et qui seraient toujours vivant. J'ai écrit à toutes ces personnes, et ils ont tous accepté le projet. J'ai donc commencé prés de New York, où je vis, puis je me suis rendue dans 9 états différents afin de trouver ces chiens et de les photographier.
© Charlotte Dumas
Pouvez-vous me parler du travail préparatoire que vous effectuez avec les polaroids ?
Il ne s'agit pas vraiment d'un travail préparatoire, je ne réalise pas nécessairement les polaroids avant les autres photos. Je les effectue plus ou moins dans le même temps. Ils ne ressemblent donc pas vraiment à des croquis de mon travail.
Le polaroid requiert une approche différente, car vous devez vous placer bien plus en arrière, et il y a bien plus de restrictions lorsque vous travaillez avec des polaroids. Vous dépendez également bien plus des coïncidences, et êtes moins dans le contrôle.
J'aime vraiment les polaroids car ils sont davantage objectifs, et j'ai vraiment osé avec ces clichés. Ils sont comme un vrai reste, une pièce de résistance. Pour moi, ils correspondent plus ou moins au témoignage de mon temps passé avec ces animaux, et avec ces gens. Je voulais vraiment les montrer.
© Charlotte Dumas
Comment créez-vous cette intimité, visible sur les photos, avec l'animal ?
Vous pouvez voir que tous les animaux ont conscience de ma présence et c'est ce que j'apprécie. J'aime travailler avec des animaux. Vous ne pouvez pas vraiment leur parler et leur dire de s 'assoir à tel ou tel endroit. Ce n'est pas évident pour moi. Mais avec les animaux, tout se fait à l'instinct. Ils doivent donc être habitués à moi, et ce sont eux qui décident à quelle distance je peux me placer. L'intimité est toujours établie par la distance à laquelle je peux approcher l'animal. Si je reste trop loin, il n'y a pas d'intimité, et cela ressemble à une banale photo d'animal. Mais si je viens trop prés, le lien avec l'animal peut être brisé, car celui-ci peut être effrayé, ou inconfortable. Il s'agit donc toujours d'essayer d'être le plus prés possible. Pour cela, je dois passer beaucoup de temps avec les animaux, ils deviennent habitués, et je peux donc me rapprocher encore. J'adore tout ce processus, et le fait de réaliser des portraits ainsi.
© Charlotte Dumas
Quels sont vos futurs projets ?
Je travaille actuellement sur différentes choses. Dans cette exposition, il y a certains polaroids qui ont été réalisés à Casablanca, au printemps dernier. Je voudrais y retourner et photographier les chevaux qui travaillent dans l'industrie du recyclage. Ils vivent dans des circonstances bien différentes de celles des chevaux du cimetière. Ces derniers sont traités en héros, et sont très bien pris en charge. Les chevaux de Casablanca ne sont pas bien entretenus, mais certains d'entre eux sont très résistants, et c'est une autre chose très importante pour moi. J'étudie la façon qu'ont les animaux de beaucoup mieux s'adapter à nos situations. Ils le font mieux que nous ne le pensons. C'est donc l'une des choses sur lesquelles je me concentre. Je serai de retour là-bas très prochainement afin de les photographier.
Je vais également réaliser un autre projet l'année prochaine, aux Etats-Unis, mais je n'ai pas encore vraiment décidé du sujet. J'ai besoin d'éclaircir mes idées.
© Charlotte Dumas
L'exposition est visible jusqu'au 15 janvier 2013
Propos recueillis par Adèle Latour