Parmi les gaz qui remontent au cours de la fracturation hydraulique on peut trouver du sulfure de dihydrogène (H2S). Ce gaz, libéré par des bactéries se nourrissant de sulfures métalliques dans le
C'est le savant mélange du travail d'une photographe et d'un journaliste, qui ont eu envie d'exposer au grand jour leur mécontentement. Envie de dénoncer les transformations inévitables de l'activité agricole française, liée aux dérives d'un système agro-alimentaire en perdition. Alors, pour ce faire, ils ont monté ensemble « dystopia », une fiction-documentaire atypique qui met en lumière ces problématiques qui nous concernent tous, mais sur lesquelles chacun veut fermer les yeux.
Ils ont donc décidé de faire appel au soutien des internautes, grâce à la plateforme de crowdfunding kisskissbankbank. Rappelez-vous, ce concept permet à certains projets artistiques d'être soutenus grâce à la générosité des internautes. Dans le cas d'Alexa et Patrick, cette participation permettra de mener à bien « dystopia ».
Le concept de cette réalisation originale photo-journalistique est simple à comprendre, mais difficile à avaler, comme l'explique avec force la photographe Alexa Brunet : « Dystopia est un état des lieux de l'activité agricole française et de ses dérives, combinant une enquête de fond du journaliste Patrick Herman et une série de photographies d'anticipation décalées. Nous avons déjà travaillé ensemble pour "Nouvelles du Gazhistan" (à voir sur mon site http://www.alexabrunet.com/). Pour dénoncer les conséquences du système agro-alimentaire actuel, nous mettons en scène les transformations de l'activité paysanne liées à son industrialisation, à l'extension des zones urbaines et aux évolutions de notre mode de consommation.
« Visitez notre territoire en grandeur nature : son environnement exceptionnel, son patrimoine préservé, ses gîtes, ses chemins de randonnée.. ». © légende Patrick Herman, photo Alexa Brunet
Les thématiques abordées sont nombreuses et bien qu'elles soient toujours en lien avec l'agriculture, elles touchent à des sujets de société qui nous concernent tous tels que les OGM, la pollution des sols, de l'eau et de l'air, la transformation de la faune et des paysages notamment la disparition des zones humides, des abeilles, le contrôle du climat, l'alimentation et les conséquences de l'élevage intensif, la surproduction et la course à la rentabilité, la mécanisation et les bouleversements du métier d'agriculteur qui se transforme trop souvent en agri-manager du fait de la politique productiviste actuelle.
Nous souhaitons réaliser ce projet à partir du printemps 2013 en sillonnant la France pendant deux mois pour profiter de la diversité des paysages agricoles intensifs de notre beau pays, en sollicitant des volontaires engagés pour participer aux prises de vue.
Notre projet n'a pas été financé par les aides publiques car considéré comme trop décalé et surtout politiquement incorrect... »
« [ Aux Etats-Unis ] la plupart des problèmes qu’on nous signale sont associés à des hydrocarbures volatils respirés. L’eau destinée à la fracturation est entreposée dans des bassins à l’air libre. Elle est chargée de métaux lourds, de composés organiques et radioactifs, etc. On cherche à comprendre comment ces composés organiques peuvent aussi polluer l’air ». (Dan Volz du Center for Healthy Environment and Communities de l’Université de Pittsburg, 10 septembre 2010).© légende Patrick Herman, photo Alexa Brunet
Afin de mieux comprendre « dystopia », nous avons deux questions essentielles pour Alexa.
Comment est née l'idée du projet ?
Je vis avec un agriculteur dont l'exploitation se situe dans une région isolée et préservée, loin des grandes cultures, cela implique un mode de production à petite échelle respectueux de l'environnement et proche des méthodes traditionnelles. Sa façon d'appréhender son métier en pensant à la terre et à ceux qui l'habitent, m'a incitée à réfléchir à la façon dont on exploite les ressources pour se nourrir et quels sont les enjeux qui se cachent derrière un mode de production de plus en plus standardisé dans la course à la rentabilité. Je me suis demandée ce qui se cachait derrière le cliché du paysan que chacun porte en lui, connaissant les dérives liées à l'agro-industrie, à l'élevage et l'agriculture intensive.
"tous les sept ans, l'équivalent d'un département français disparait au profit des zones urbaines et commerciales." © légende Patrick Herman, photo Alexa Brunet
En 2011 les populations du Gard, de l'Ardèche, de l'Aveyron et d'autres départements ruraux se mobilisent massivement contre l'exploitation du gaz de schiste par fracturation hydraulique. La rencontre avec le journaliste-paysan Patrick Herman me pousse à réfléchir à la façon de faire connaître cette menace. Je réalise la pénurie d'images sur le sujet et la difficulté de parler du gaz de schiste qui reste tabou et peu médiatisé. Pour illustrer les conséquence probables de cette exploitation, très nocives pour l'environnement, nous décidons d'inventer un monde imaginaire mais plausible nommé Gazhistan dans lequel les hommes, la faune et la flore survivraient avec peine à cause de la pollution des eaux, des sols, de l’air, des problèmes respiratoires, de la désertification et de la spéculation. Ce travail a probablement alimenté la polémique et servi à son échelle à faire connaître la gravité de ces conséquences.
Dystopia est la suite logique de ce travail. C'est pour moi une façon détournée de parler des sujets qui me touchent, de mettre le doigt là où ça fait mal mais toujours avec humour et dérision.
"Exode fictif lié aux conséquences désastreuses d'une possible exploitation des gaz de schiste dans le sud de la France." © légende Patrick Herman, photo Alexa Brunet
Quel est le but de ce projet ?
Nous souhaitons nous concentrer sur les changements du monde agricole et non d'étendre l'exploration au réchauffement climatique, aux bouleversements environnementaux, au nucléaire, etc. Aborder cette thématique simple, dont les clichés peuvent facilement être revisités par la mise en scène "pauvre", c'est à dire avec les moyens du bord et des personnes impliquées et volontaires in situ, c'est pour nous la meilleure façon de sensibiliser, alerter, voire poser de vraies questions sur notre mode de vie et à ses dérives, que nous pouvons toujours modifier par des actes.
L’EPA* américaine a répertorié les composés organiques présents dans les fluides de fracturation de sortie de forage. Parmi ceux-ci : le benzène, neurotoxique et cancérogène. Dans un rapport publié en 2010, l’agence américaine signale qu’en Pennsylvanie certains résidus aqueux issus des sites d’extraction renfermaient du benzène à une concentration vingt fois supérieure à la norme en vigueur. Ils étaient déversés dans les rivières. *EPA : Environmental Protection Agency © légende Patrick Herman, photo Alexa Brunet
Si vous voulez soutenir ce projet, rien de plus simple, rendez-vous sur http://www.kisskissbankbank.com/dystopia
A vous de jouer !
Claire Mayer