Né en 1962, Hervé Szydlowski se lance comme photographe dans les années 1980. Il s'intéresse à la mode, à la publicité, aux natures mortes, mais c'est dans les portraits de nu qu'il va très vite s'épanouir. Son premier ouvrage, Vêtu de nu, est publié en 2005, puis suit SOI en 2008. Dans ces deux livres, il a déjà pour objectif de montrer l'Homme nu dans toute sa simplicité, car c'est ça qui fait l'esthétisme des photographies selon lui.
La même visée se retrouve dans son nouveau livre, Montalivet 1999/2011, paru aux Editions Husson en septembre dernier.
Le dénuement se retrouve dès le titre : la plupart des personnes ne connaisse pas Montalivet, donc est intriguée par ce titre qui ne donne aucune explication.
La photographie d'un vieil homme, nu, sur le couverture aide pourtant à comprendre quel est cet endroit : il s'agit d'un camp de naturistes, dans lequel s'est rendu Hervé Szydlowski chaque année pendant 12 ans. Pour ceux qui suivent le parcours de ce photographe, ce lieu a une réminiscence toute particulière : il s'agit du lieu qui l'a depuis toujours inspiré. C'est donc pour lui une façon de se mettre à nu en dévoilant, avec émotion, les racines de son parcours photographique.
© Hervé Szydlowski.
Ce n'est évidemment pas le seul à se mettre à nu ! Hommes, femmes, enfants, vieillards, … Tous les âges passent dans leur plus simple appareil sous l'objectif d'Hervé Szydlowski. Certains diront que c'est du voyeurisme, d'autre de l'art. Loin des photographies de nus de la norme de la mode, qui impose une minceur et une retouche presque constante, le photographe ici montre l'homme dans toute sa simplicité, sans triche. Les minces côtoient les gros, qui eux mêmes posent à côté de personnes totalement squelettiques.
© Hervé Szydlowski.
Le but de cet ouvrage est clairement de déranger, comme le clame Hervé Le Goff dans la préface : « A l'esthétique formelle servie par l'art du photographe s'ajoute la puissance d'une émotion qui peut, qui doit déranger nos regards façonnés par plusieurs siècles de pudeur ». L'effet est réussi ! Le spectateur se sent comme un voyeur, même quand deux personnes - uniquement deux au fil des 128 pages – apparaissent habillées. Le spectateur est totalement déboussolé, et trouve étrange cette intrusion de « l'habit », tout comme lui paraît bizarre ce défilement de portraits de personnes nues.
© Hervé Szydlowski.
Tout dans le format et le cadrage œuvre à dérouter le lecteur. Tout d'abord le noir et blanc, qui force à regarder la personne photographiée, sans se laisser perturber par une quelconque couleur annexe. Le format moyen et carré n'arrange rien, obligeant le spectateur à ne pas détourner les yeux et s'imaginer autre chose que ce qui est montré au milieu de l'image.
Certains clichés sont pris en contre-plongée, magnifiant encore plus les modèles. Ces derniers sont d'ailleurs très fiers de poser ainsi : ils assument totalement leur corps et leur nudité, fixant l'objectif pour pénétrer au plus profond du spectateur. Celui-ci n'en est que plus perturbé, surtout quand c'est un enfant qui pose, ou même un vieillard dont les ravages du temps ont altéré le corps.
© Hervé Szydlowski.
Pour Hervé Szydowski, qui a tissé un lien particulier avec l'ensemble des pensionnaires du camp Montalivet qui reviennent pour la plupart d'une année sur l'autre, c'est également une façon de les immortaliser : certaines personnes sont clairement plus proche de la fin de leur vie que du début, mais leur passage sur terre est pérennisé par un cliché. Cette dimension est très importante pour le photographe, créant une sorte d'Eden sur terre, un moment de paix totale avec soi même. Poser pieds nus est d'ailleurs très symbolique de cette visée mystique, mais le public ne reste pas moins estomaqué par ces corps squelettiques, rentrant dans une paranoïa extrême : « est ce que moi aussi je vais être comme ça ? »
© Hervé Szydlowski.
Ce livre cherche à magnifier la nudité en la montrant telle quelle, en harmonie complète avec la nature. Hervé Szydlowski veut déranger : le spectateur ne peut que se sentir mal face à ces corps bruts, parfois cachectiques et décharnés. Il souhaite ainsi imposer la beauté de ces photographies, en marge d'une norme qui impose des canons de beauté sur les images de nu … Mais feuilleter Le Calendrier des Dieux du Stade reste une activité plus distrayante !
Montalivet – 1999/2011 – Photographies d'Hervé Szydlowski – Préface d'Hervé Le Goff – Entretien réalisé par Charlotte Waligora.
128 pages – 25 cm x 29 cm
Editions Husson
36 euros
Claire Barbuti
© Hervé Szydlowski.