© Kyriakos Kaziras
Kyriakos Kaziras est grec, et photographe animalier. Sébastien Hameline est français, et photoreporter.
Leur point commun ? Ils ont tous deux exposés au Salon de la Photo pour l'édition 2012. Kyriakos est le lauréat du Zooms du public, et Sébastien lauréat du Zoom de la presse photo. Rencontre avec deux photographes talentueux et passionnés, chacun dans leur domaine.
Sebastien Hameline
Kyriakos Kaziras
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Sébastien Hameline : J'ai fait une maîtrise en cinéma, sur Miyazaki avec une approche sur les peuples. Ensuite, j'ai commencé à faire que des photos et des films.
J'ai commencé à m'intéresser aux peuples aborigènes de Taiwan il y a 2-3 ans, et je suis parti l'année dernière pendant 2 mois et demi rencontrer des gens de différentes tribus – il y a 14 tribus différentes là-bas de différentes ethnies -.
Kyriakos Kaziras : Je suis un photographe animalier, et j'ai débuté dans ce milieu un peu par hasard. Lors de mon premier voyage en Afrique, j'ai découvert les odeurs, les couleurs, et la lumière de ce continent, mais aussi le contact avec les animaux sauvages. Je me suis donc tout de suite passionné pour cette terre et sa nature, et ai donc débuté la photographie animalière ainsi. C'était à la fin des années 1990. Je me suis dés lors donné comme objectif de capter la lumière et les secondes de vie qui se déroulaient sous mes yeux. Et puis, je m'intéresse particulièrement aux animaux sauvages. Avec eux, rien n'est artificiel, et c'est au photographe de s'adapter à la lumière, aux couleurs, et aux animaux.
Je suis photographe animalier, mais je ne me considère pas comme un reporter. Je suis né dans un milieu artistique : l'un de mes grands-pères étaient photographe, et l'autre peintre. Ces deux univers m'ont toujours attiré, et j'ai souvent souhaité les lier. Ainsi, les photographies que je produis sont des clichés artistiques, que j'appréhende comme des peintures.
A la sortie des classes, les plus jeunes vont vite rejoindre le reste de la tribu... © Sebastien Hameline
Comment s'est passé votre participation aux Zooms ?
Sébastien Hameline : J'ai un peu travaillé pour connaissance des arts quand j'étais au lycée. J'étais donc en relation avec le rédacteur en chef, et quand je suis rentré l'année dernière je suis passé le voir et je lui ai présenté mon projet, pour avoir des conseils, avoir son avis.
C'est lui qui m'a soumis au concours, car c'est la condition pour y participer, on ne peut pas y soumettre seul. J'ai eu la chance d'avoir été retenu !
Kyriakos Kaziras : Je n'étais pas très connu en France, et le magazine Déclic photo m'a découvert sur mon site internet. Ils se sont alors intéressés à moi, et m'ont consacré un dossier, qui m'a ensuite conduit à faire une exposition. Et puis, ils m'ont contacté lorsque l'opportunité des Zooms s'est présentée. C'est donc grâce à eux que je me suis lancé.
© Kyriakos Kaziras
Que cela signifie-t-il pour vous ?
Sébastien Hameline : Beaucoup, d'un point de vue professionnel, parce que je suis jugé par des professionnels. J'ai fait ce projet car je voulais vraiment le faire, qui n'était pas dans une démarche commerciale. Ce n'est pas du numérique, et je l'ai fait par curiosité personnelle et l'ambition de montrer cela aux gens qui ne sont pas à Taiwan, parce que c'est un sujet qui est assez méconnu. Le fait que des professionnels me récompensent pour cela, ça a une grande signification pour moi, d'un point de vue esthétique comme dans le contenu.
Le fait que des gens qui soient à un haut niveau photographique reconnaissent les valeurs que j'ai donné à ce projet.
Kyriakos Kaziras : Je ne me rends pas bien compte de l'importance que cela peut avoir, mais un prix fait toujours plaisir. Et celui-ci en particulier, car il s'agit du vote du public. Je suis ravi que mon travail plaise aux gens, et je préfère qu'il touche des milliers de personnes dans le monde entier, plutôt que quelques professionnels.
Sébastien Hameline, pourquoi ce sujet ? Comment en avez-vous eu connaissance ?
Complètement par hasard ! Un ami m'a donné un bracelet en me disant qu'il avait été fait par des aborigènes de Taiwan. J'avais aucune idée qu'il y avait des aborigènes à Taiwan ! J'ai donc commencé à faire des recherches, je suis allé à Taiwan. Avant d'y aller j'ai fait beaucoup de recherches, historiques mais aussi par rapport aux aborigènes, je ne voulais pas être témoin de quelque chose de touristique, car c'est aussi une activité touristique et le gouvernement s'en sert aussi comme ça. Ce n'est pas ce que je voulais, je voulais savoir comment les jeunes d'aujourd'hui vivent, qu'est-ce que c'est être un aborigène aujourd'hui, et quelles sont les difficultés auxquelles ils sont confrontés.
Les enfants marchent maintenant vers un autre genre de classe, le village, pour devenir les apprentis de la vie quotidienne Bunun © Sebastien Hameline
Sébastien Hameline, comment votre projet s'est-il organisé ?
Ca a été compliqué ! Premièrement car personne ne parle vraiment français, ou même anglais, donc j'ai du trouver quelqu'un qui traduise mes lettres d'intention. Par exemple pour l'école, j'ai appris sa connaissance par quelqu'un qui était enseignante là-bas, donc j'ai écrit une lettre d'intention au principal en anglais, et quelqu'un a traduit en chinois, on a transmis la lettre au principal qui n'a pas internet, bref ça a pris un mois avant de pouvoir avoir un retour quelque peu positif.
Sébastien Hameline, comment avez-vous été reçu sur place ?
Très bien. Ils m'ont fourni un logement, quand je suis arrivé j'ai essayé de me connecter avec les enfants, car je ne voulais pas qu'ils se sentent gênés. Je leur ai amené des cadeaux, j'ai réfléchi à ce qu'on avait nous étant enfant, et j'ai pensé aux kinders. Je leur ai donc amené 30 kinders, et quand je suis arrivé, je me suis présenté, et leur ai expliqué que quand j'étais enfant c'était ce que j'aimais et que je leur avais apporté pour leur faire partager un peu ma culture, et que j'espérais qu'ils partageraient un peu de la leur avec moi. C'est comme ça que les choses se sont enchaînées. Dès le début ils m'ont appelé « frère chocolat » (rires)
Kyriakos Kaziras, quelle est votre démarche lorsque vous préparez un safari ? Choisissez-vous un thème, un animal, et comment vous préparez-vous au voyage ?
Ce sont davantage des expéditions que des voyages car elle se déroulent dans des conditions extrêmes. Ensuite, la première chose très importante, est d'avoir des contacts sur place : des guides et des pisteurs qui connaissant très bien la région. C'est vraiment primordial. De plus, c'est au fur et à mesure des voyages que l'on acquiert l'expérience de la préparation. La première fois que je suis parti en Alaska, je n'avais pas l'équipement nécessaire, j'ai eu très froid. Mais c'est aussi avec les erreurs que l'on apprend. Et puis, je lis beaucoup à propos de l'endroit où je vais me rendre.
Je décide du lieu où je pars en fonction de ce que j'ai envie de photographier. Je n'improvise pas sur place, je sais déjà quel animal je veux photographier.
En ce moment, je m'intéresse beaucoup aux ours, et je suis allé en Alaska, dans les endroits où il est le plus facile de les trouver. Là-bas, au mois d’octobre, les ours polaires attendent que la banquise se forme pour aller chasser les phoques. J'y suis donc allé à cette période, et dans un lieu où l'on savait qu'il y avait un passage d'ours. Après, il faut être là au bon moment, et attendre.
© Kyriakos Kaziras
Kyriakos Kaziras, quelle relation entretenez-vous avec les animaux lorsque vous les photographiez ? Comment savez-vous saisir le moment idéal pour les photographier ?
Il faut qu'il y ait un contact visuel. Je ne fais pas de photo tout de suite. Il faut qu'il se passe quelque chose. Ca ne m'intéresse pas de faire une photo dans le vide, avec un animal inattentif. Il faut qu'il y ait une émotion, un contact. Et lorsque c'est le cas, c'est là que je déclenche mon appareil photo. J'attends que l'animal s'intéresse à moi, qu'il me regarde, qu'il ait conscience de ma présence.
Est-ce que quelque chose a été plus difficile à réaliser ?
Sébastien Hameline : Ce qui a été difficile, ça a été la communication, parce que je ne peux pas communiquer directement. Si j'avais par exemple une question un peu spécifique à leur poser, il fallait que je passe par l'interprète, je ne peux donc pas vraiment réagir sur les points clés quand on fait une interview. C'était un peu pénible parce que je suis sûr que parfois je suis passé à côté de certaines choses.
Petite pause dans la classe des CP © Sebastien Hameline
Kyriakos Kaziras : Les photos au 14mm, car il faut être à 20-30 centimètres de l'animal sauvage.
Sébastien Hameline, avez-vous un meilleur souvenir ?
Cette exposition. Il n'y a que 20 images, j'ai essayé de la faire un peu simple, pas trop documentaire parce que l'idée était de titiller la curiosité des gens et le jour où je ferais une exposition complète je pourrai aller plus dans le documentaire avec plus d'informations. L'idée ici était donc de re-créer l'atmosphère qu'il y avait un peu là-bas, qui est vraiment l'un de mes meilleurs souvenirs.
Dans les choses les plus marquantes dont j'ai été témoin, il y a par exemple le jour où j'ai entendu les enfants chanter acapella des chants traditionnels. Le son qui sortait à travers la montagne était très suréel, jamais on entend ça comme ça nul part ailleurs, c'était comme si la montagne chantait. C'est l'une des choses les plus belles dont j'ai été témoin là-bas.
Qu'utilisez-vous comme matériel ?
Sébastien Hameline : Pour ce reportage, j'ai utilisé de la pellicule Kodak Tmax 400, que j'ai ensuite développé moi-même, et que j'ai poussé à 800 ASA, d'abord parce que c'était l'hiver, et surtout dans les classes il n''y avait pas tellement de lumière, donc j'étais obligé de pousser un peu le film pour pouvoir faire les photos plus rapidement.
Kyriakos Kaziras : Tout dépend de la région où je me trouve. Entre le Pôle nord, l'Afrique du sud, la Sibérie et l'Alaska, les équipements ne sont pas les mêmes. Je m'adapte au climat de chaque pays.
Comment avez-vous choisi les photos que vous exposez au Salon de la Photo ?
Sébastien Hameline : Quand on m'a annoncé que j'étais lauréat, on m'a indiqué que c'était sous une optique esthétique, donc j'ai essayé de garder l'effet documentaire, mais tout en essayant de sélectionner les images qui étaient un peu plus fortes esthétiquement. Donc j'ai mélangé les deux, car il y a des images qui sont peut-être un petit peu moins fortes mais qui vont donner une information documentaire importante, ce qui était le but.
Kyriakos Kaziras : J'ai exposé les images que l'on avait choisi avec l'équipe photo pour le concours. Et puis, le dernier voyage que j'avais effectué était celui en Alaska. Je voulais donc présenter les photos des ours polaires que j'avais prises au mois d'octobre, juste au moment où l'on m'a contacté pour me dire que j'avais remporté le Zoom du public. Puisqu'ils avaient eu du mal à me contacter car j'étais en train de photographier les ours, je trouvais cela amusant de faire la relation.
L'école élémentaire de Wulu me rappelle la forme d'une équerre. L'on peut apercevoir en arrière plan l'unique rue du village © Sebastien Hameline
Des projets à venir ?
Sébastien Hameline : Plein ! Dans la continuité de cela, je voudrai retourner à Taiwan pour suivre l'évolution de ces étudiants. Le problème, c'est que quand ils entrent en 6e, ils sont obligés de changer d'école et de déménager en ville, donc ils perdent quelque peu leurs culture aborigène, mélangés à des enfants plus proches de la culture chinoise. J'aimerai voir comment se passe leur intégration, comment ils perdent leurs racines ou de quelles façons ils luttent pour les garder.
Kyriakos Kaziras : Je reviens à peine du Kenya, et je vais bientôt y retourner. Il faut se rendre aux mêmes endroits 3-4 fois par an. Et puis, j'ai un ami journaliste sportif, passionné de photo et qui se nomme Pierre Ménès.
Nous éditons un livre ensemble : Animal Emotion, aux Editions Vilo, et qui sera disponible dans quelques semaines. Dans le même temps, Pierre va partir avec moi au Kenya, afin que je lui apprenne la photographie animalière. Une équipe télévisée va nous filmer. Il y aura donc ensuite un documentaire télévisé qui sera disponible sur le site de Canon, puis sur celui de Canal +, ainsi que sur le blog de Pierre. Nous partons le 31 décembre 2012, et nous y resterons jusqu'au 10 janvier 2013. La saison de football débute juste après, et il faut que Pierre soit revenu.
Propos recueillis par Adèle Latour et Claire Mayer