
Benoît Briand, né en 1979, a découvert la photographie lors de l'achat d'un reflex Sony Alpha 100 en 2008 : il est immédiatement captivé par la facilité d'utilisation et la marge de progression que la prise de vue lui offre. Un vrai déclic pour cet employé du contrôle interne : il voyage énormément dans le cadre de ses fonctions qui vise à faire appliquer les règles de la société au sein de toutes les filiales, et amène désormais constamment son appareil photo avec lui. Une façon pour lui d'allier le plaisir et les obligations professionnelles.
S'il souhaite rester photographe amateur, la profession reconnaît très vite son travail : en novembre 2011, il obtient la distinction AFIAP (artiste de la fédération internationale de l'art photographique) ; puis la récompense AFPF en février 2012 (artiste de la fédération photographique de France). Le mois dernier, il a reçu le premier prix du reportage amateur pour son travail sur la pose de cloches dans une église dans les Côtes d'Armor, ce qui lui permet d'exposer lors du festival photoreporter de St Brieuc.
Le reportage est ce qui l'intéresse le plus. En 2010, il s'était rendu en Ouganda dans le cadre d'une mission humanitaire. Touché par la population et les écoliers africains qu'il côtoie, il tisse avec eux un lien fort qui se ressent dans les photographies prises sur place. Une vingtaine de ces clichés des « Ecoliers de Kampala » seront exposées au centre d'animation solidarité Angèle Mercier au courant du mois de novembre.

Curious © Benoît Briand.
Comment est née cette exposition sur les écoliers de Kampala ?
En 2010, j'ai souhaité partir en Afrique, en Ouganda plus particulièrement, dans le cadre d'une mission de volontariat dans les écoles. J'étais déjà parti précédemment en Indonésie pendant 3 semaines, et l'ambiance, les sourires de la population et surtout des enfants m'avaient marqué.
Je suis donc parti deux semaines, en support de l'association locale PEDN (Private Education Development Network), qui déploie le programme Aflatoun dans les écoles pour éveiller les enfants à la citoyenneté. Elle leur faire prendre conscience de leur droit, et aussi de leur devoir. Dans le cadre de la charte des nations unies pour les droits de l'enfant, le but de l'association est d'intervenir dans les écoles pour faire participer les enfants de 6 à 14 ans à des activités interactives. Il y a une discipline stricte dans les écoles ougandaises : les écoliers apprennent beaucoup par cœur, mais ils ne réfléchissent pas énormément par eux-mêmes. S'ils ne connaissent pas la situation, ils sont perdus et cherchent à ce raccrocher à quelque chose qu'ils ont appris.
La visée de l’association, c'est de les faire agir par eux-mêmes, mais également de leur apprendre à épargner : leur réflexe, quand on leur donne un shiling, c'est d'aller le dépenser, d'en profiter tant qu'ils sont encore en vie. Leur apprendre à épargner, c'est aussi leur donner une perspective de vie.
Comment s'est passé la rencontre entre les enfants et la photographie ?
Au début, j'avais l'appareil photo avec moi, mais il restait dans le sac. Je n'étais même pas parti pour prendre des photos.
Mais les enfants sont très ouverts, ils viennent très facilement vers nous. Ils se sont rendus compte au bout de trois jours que j'avais un appareil photo dans mon sac. Avant, pendant, après les activités, je les prenais en photo. C'était un peu comme un jeu. Ils posaient d'eux-mêmes, en aucun cas je ne les ai mis en scène : je les laissais faire ce qu'ils voulaient, et je captais ces instants de vie.
Je n'ai jamais fait d'architecture en tant que telle. J'aime bien qu'il y ait de l'animation dans mes clichés, que les personnes puissent partager leurs émotions. Ca peut paraître classique, mais j'aime beaucoup Doisneau car il parvient à dégager de la vie de ses photos, à raconter des choses : il savait comme personne capter un moment, un instant de vie. Il ne m'a pas vraiment inspiré, c'est un peu un grand mot, mais du moins j'aime son esprit photographique.

Special Children © Benoît Briand.
Qu'est-ce qui vous a particulièrement marqué au contact de ses enfants ?
Lorsqu'on arrive, on ne sait pas trop comment s'y prendre. Il y a une phase d'observation, des deux côtés d'ailleurs car les enfants n'ont pas l'habitude de voir des « mouzoungous », c'est-à-dire des blancs. On a été à la rencontre de plusieurs enfants dans différentes écoles : quand on revenait dans un établissement où on était passé précédemment, c'était comme si on se connaissait depuis des mois. Les enfants venaient vraiment vers nous, nous touchaient pour vérifier si un blanc était fait pareil qu'eux !
Ce qui m'a aussi beaucoup marqué, c'est surtout leur sourire. A la fin du séjour, tous les enfants nous avaient écrit une lettre pour nous remercier d'être venus, de s'être occupés d'eux, de leur avoir appris des choses.
A titre personnel, ce qui m'a encore plus touché, c'est qu'ils nous ont raconté ce que nous on n'avait pas vu, à savoir leur vie quotidienne dans les bidonvilles de Kompala. On s'est rendu compte que plus de la moitié était orphelin. En Ouganda, plus de 50 % de la population est séropositive ou a le SIDA. C'est l'une des principales causes de mortalité. Tous ces enfants qu'on a côtoyés, qui avaient tout le temps le sourire, ont pourtant des vies difficiles, avec un avenir pas forcément très rose. Quelques-uns arrivent toujours à s'en sortir, notamment grâce à cette association.
Quand on revient en France, on relativise.
Par exemple, ici, c'est la croix et la bannière pour accueillir dans les écoles les enfants handicapés. Là-bas, la question ne se pose même pas alors que l'on est en plein bidonvilles, avec très peu de moyens financiers : il n'y a pas de rampes, mais il y a toujours quelqu'un pour porter l'enfant et l'amener dans la salle de cours. Pour des raisons que l'on peut aisément imaginer, beaucoup d'enfants ont des problèmes mentaux ou des handicaps physiques. Pourtant, ces enfants sont acceptés dans les écoles, au même titre que les enfants valides. Il n'y a pas du tout ce regard d'indifférence ou de méfiance que l'on peut avoir en France.
Sur l'une de mes photos, on voit un enfant handicapé. J'ai beaucoup hésité avant de la mettre. Ca peut être à double tranchant car elle pourrait s'apparenter à du voyeurisme, alors que ça n'en ai pas du tout : c'est un enfant comme un autre, qui a tout autant le droit d'aller à l'école.

School for all © Benoît Briand.
Quelle technique avez-vous utilisé pour vos prises de vue ?
J'utilise un Nikon D300. Même si l'appareil photo ne fait pas le photographe, je me suis vite rendu compte que c'était plus agréable d'avoir de meilleures possibilités en terme de prise de vue, notamment en ravale.
Après, je retouche légèrement, mais ça reste relativement basique, c'est surtout un peu de recadrage. Par contre, je ne fais jamais de montage.
En terme de traitement, il m'arrive de retoucher la couleur. Sur cette série, j'avais une volonté de faire ressortir la couleur rouge au niveau de la saturation, jouer sur le sépia. Sur les photos originales, il y a beaucoup de contrastes dus à la multitude des couleurs en Afrique : avec un tel traitement, je les évacue pour avoir une série homogène et pour se recentrer vraiment sur le sujet.
Comment en êtes-vous venu à exposer dans ce centre d'animation ?
J'ai été contacté en mai par Clémentine Ruat, qui s'occupe du centre d'animation Mathis, dans le 19e arrondissement de Paris. Elle m'informait qu'une commission de sélection aller se tenir pour la tenue de différentes expositions dans des centres d’animation pour la saison 2012-2013. Elle m'a invité à préparer un dossier, ce que j'ai fais. Et j'ai été choisi.
Je vais exposer 20 photos au centre d'animation des solidarités d'Angèle Mercier, dans le cadre de la semaine internationale des solidarités. La même exposition, à 5 photos près, sera présentée au centre Lumière (Paris 20) du 11 au 30 mars 2013. C'est la première fois que j'expose cette série, et c'est également ma toute première exposition à titre personnelle.
Ce centre d'animation est sur deux étages, j'exposerai une dizaine de photos à chaque palier. Il y aura un panneau sur plexi à l'entrée pour expliquer l'exposition et le contexte dans lequel les photographies ont été prises. Je me suis poser la question pour savoir s'il fallait mettre un légende ensuite pour chaque photographie, mais j'ai finalement abandonné l'idée par peur de perdre l'équilibre : pour certaines photos, j'aurai eu des tonnes de choses à dire, alors que pour d'autres, je n'aurai eu à dire que : « regardez la photo » ! J'ai voulu mettre l'accent sur la qualité du tirage, effectué par le laboratoire Darkroom. Je préfère laisser parler les images, même si parfois cela peut prêter à confusion.
Par exemple, sur la photo que j'ai choisie pour l'affiche, il y a deux enfants qui assemblent leurs mains, comme s'ils faisaient une prière. Elle peut paraître triste alors qu'en fait, je l'ai prise quand on chantait tous ensemble : ils sont simplement en train de taper des mains avec peut être soixante écoliers en train de rire et de chanter derrière eux.
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Like a prayer © Benoît Briand.
Quel est le message que vous souhaitez faire passer à travers cette exposition ?
C'est flatteur, à titre personnel, de présenter cette exposition. Mais c'est tout aussi important pour moi de revenir après auprès de l'association et de pouvoir leur dire : ça s'est bien passé, il y a eu du monde, ça a plu.
Je souhaite faire connaître cette association PEDN et le programme Aflatoun à travers ce travail. Je veux montrer que, par petites touches, on peut arriver à faire évoluer les choses : même si c'est seulement un seul enfant qui récupère un cursus normal, cela prouve que c'est efficace.
Je ne veux pas basculer dans du voyeurisme : ils sont rieurs, et cela doit nous faire relativiser. On peut en prendre plein la figure et avoir un sourire jusqu'aux oreilles.
Quels sont vos futurs projets ? Devenir photographe professionnel, est-ce une de vos envies ?
Non, je préfère rester photographe amateur. Pour le moment, c'est plutôt un plaisir, une passion. Photographier me plait aussi car c'est une évasion, à part de mon métier.
Dans le cadre de mes fonctions de contrôle interne, je suis amené à regarder les choses sous différents angles. C'est la même base de curiosité qui guide mon approche photographique. J'aime me balader dans la rue, me retourner pour voir ce que j'ai pu rater à première vue, ou regarder sous un angle de vue différent.
C'est sur que les récompenses que je reçois me font également très plaisir, elles me prouvent que je ne suis pas sur le mauvais chemin ! Je fais parti du Club Paris Val-de-Bièvre, l'un des clubs les plus reconnus de France, qui me permet de me perfectionner.
Après, retourner en Ouganda est le plus beau projet que je puisse imaginer.
Propos recueillis par Claire Barbuti

Derrière la grille © Benoît Briand.