Dés l'âge de 14 ans, Nicolas Descottes réalise de nombreuses photos, et produit des tirages en noir et blanc. A 20 ans, il quitte sa Bretagne natale pour tenter sa chance à Paris. Il entre rapidement au service d'une agence de pub spécialisée dans le luxe, en tant qu'assistant. Il y apprend à faire des natures mortes de bijoux et de montres. Vers 25 ans, il décide de se mettre à son compte, et travaille progressivement pour des agences de communication. Néanmoins, depuis quelques années, Nicolas Descottes se concentre sur des recherches et des projets plus personnels. En effet, au fur et à mesure de ses voyages et des paysages qu'il découvre, naît en lui une nouvelle passion qu'il a dans un premier temps du mal à canaliser. Le déclic se produit lorsqu'il décide de se rendre au Kazakhstan, après avoir lu dans un journal que la mer d'Aral était en train de disparaître. Il part en 1999, et réalise alors son premier vrai sujet. Il trouve son bonheur dans des lieux improbables, des matières, des objets qui sont en train de disparaître, de se transformer. A son retour, il a l'opportunité d'exposer, d'éditer, et le travail ne s'arrête plus. A l'occasion du Mois de la Photo 2012, Nicolas Descottes présente sa série « Collisions » à la Galerie Pierre Brullé. Celle-ci s'intéresse aux centres de simulation de catastrophes, et nous offre ainsi des images étonnantes et spectaculaires.
© Nicolas Descottes
Comment vous est venue l'idée d'aller photographier des centres de simulation de catastrophes tels que celui de Maasvlakte aux Pays-Bas ?
Un peu comme pour la mer d'Aral, c'est grâce à un article que j'ai lu. Ici, il s'agissait d'un texte d'un architecte néerlandais (Bart Lootsma dans Mutations de Rem Koolhaas) qui parlait de la transformation du port de Rotterdam, dans lequel il y a justement un centre qui travaille sur des simulations. C'est d'ailleurs l'un des plus connus au monde, et la manière dont cet architecte écrivait m'a interpellé. J'ai démarché sans succès, puis finalement c'est grâce à un ami néerlandais que j'ai eu un contact intéressant. En tout cas, au départ, c'est par l'écriture, que j'ai été accroché.
Est-ce le jeu entre la réalité et la fiction qui vous a plus dans ce lieu ?
Oui, car comme on peut le voir sur les photos, ça ne m'intéresse pas de montrer des humains en action, en train de faire une opération de sauvetage, de s'entraîner. Ce qui est pertinent pour moi, c'est de faire des photos dans lesquelles la situation s'inverse ou se transforme. Nous ne sommes plus vraiment dans la réalité, pas vraiment non plus dans un rêve. Quelque part, nous nous trouvons dans un jeu, et l'on peut y jouer sur du burlesque ou sur du drame. Mais, ce qui m'intéressait, c'était de faire ce travail, sachant qu'on ne sait plus dans quel endroit nous nous trouvons.
Qu'est ce qui vous attire dans les notions de catastrophe et de destruction ?
Certains objets ne sont pas conçus que pour le lieu, donc ils peuvent vaguement ressembler soit à un avion, soit à un hélicoptère, et c'est donc cela qui m'intéresse. C'est proche du cinéma, et en même temps, ce n'est pas un film, ce n'est pas un décor dans lequel une scène va être tournée. Dans le même temps, nous sommes dans quelque chose de très dramatique, car il peut y avoir une explosion, le feu, il faut donc se confronter au réel de la situation.
Pourquoi n'y a t-il pas de présence humaine ou vivante sur cette série de photos ?
Si l'on y met un personnage, on transforme notre regard. Sachant que moi je ne suis pas là pour dénoncer, expliquer, ou justifier, je préfère que chacun imagine. Je pense que le fait qu'il n'y ait pas de présence humaine facilite l'interprétation personnelle.
© Nicolas Descottes
Pourquoi avoir choisi ce titre de « Collisions » ?
Je l'ai montré dans différents endroits, et à chaque fois, les titres n'étaient que les lieux des photos. Je me suis demandé comment tout réunir. J'ai pris la décision en réfléchissant. Ca aurait pu s'appeler « accident », mais avec ce titre, nous aurions plus été dans la réalité. Je trouvais aussi que « Collisions », c'était plus la matière dans l'espace. Toutes les images ne représentent pas forcément une collision, mais c'est ce qui regroupait le mieux le thème.
Vous avez également réalisé des vidéos, comment faîtes-vous le choix entre les deux supports ?
Je ne sais pas si l'on choisit, je crois que ça se complète. Après il y a des objets et des situations qui sont plus intéressants représentés en vidéos. J'aime bien compléter mon travail en m'intéressant à la matière. Instinctivement, je me tourne plus vers la photo et ça fait longtemps que je n'ai pas fait de vidéo, mais je trouve que c'est un support intéressant car il complète la photo. Il permet aussi de se diversifier.
Comment en êtes-vous arrivés à exposer pour le Mois de la Photo ?
Je fais pas mal de projets. La première série du port de Rotterdam a été shootée en septembre. Puis, il y a eu la FIAC mi-octobre, et les gens ont été très intéressés par ce travail. Beaucoup de photos ont été vendues, et je me suis donc dit que cela serait intéressant de continuer. Je me suis alors renseigné sur des lieux, je me suis déplacé sur certains sites en France. J'y ai été plusieurs fois, je n'ai sélectionné aucune photo. C'est un peu énervant, mais c'est le but du jeu, ça ne m'intéresse pas d'avoir plein d'images. Pour moi, chaque photo a sa personnalité, et ça ne sert à rien d'avoir un groupe d'images. Après réflexion, j'ai continué mon travail jusqu'à finir en Espagne. Puis, le Mois de la Photo a été une opportunité avec un galeriste qui s'appelle Pierre Brullé, et pour lequel j'ai déjà exposé. Il y a 8 ans, j'avais présenté deux séries dans sa galerie.
Quels sont vos futurs projets ?
Je viens d'en finir un. J'ai douté pour le montrer au Mois de la Photo. Il date de cet été, c'est donc un travail récent, et je l'ai mis sur le site à la rentrée. C'est un concours de circonstances qui m'a permis d'avoir l'autorisation de travailler sur des hôpitaux en fin de construction, qui ne sont donc pas encore en état de fonctionnement. C'est un travail que j'avais commencé un peu dans le même esprit. J'ai d'abord travaillé dans l'hôpital Saint-Louis qui crée une annexe pour les grands brûlés. J'ai eu l'occasion d'y aller plusieurs fois, et ça m'a tout de suite fasciné, car il y a toujours ce côté un peu drame. L'hôpital, ce n'est pas forcément joyeux, et comme dans la série des accidents, il y a un côté jeu de théâtre. Ce qui m'intéressait, c'est qu'il y ait toujours une trace d'enquête, d'investigation et aussi d'être dans des lieux qui ne sont pas forcément accessibles, et qui par la suite, vont exister différemment : il y aura plein de monde, le matériel, les instruments.
J'ai exposé le travail une fois, ça a eu pas mal de succès. J'ai alors ensuite décidé de continuer. Mais c'est toujours un peu compliqué, il faut des autorisations. Et puis, il n'est pas évident de faire comprendre aux hôpitaux ce que l'on veut y faire. Il faut donc passer par les architectes qui sont généralement plus ouverts. certains ne comprennent néanmoins rien à la photographie.
Ensuite, j'ai travaillé sur d'autres hôpitaux, comme l'hôpital Rothschild, puis l'hôpital Cochin, un endroit énorme qui a ouvert il y a six mois. Dans ces lieux, je me suis parfois aussi intéressé davantage à des objets. J'ai réalisé des gros plans. On retrouve donc un peu mon travail sur les natures mortes.
En ce moment, je me demande ce que je vais montrer. Dois-je en montrer beaucoup ou peu, pour ne pas non plus tomber dans le documentaire ? Je pense d'ailleurs que plus que d'avoir beaucoup d'images, la scénographie est importante. Parfois, lorsque je vois des expos photos, je trouve que les encadrements ou la scénographie ne sont pas réfléchis, et je me dis que c'est dommage. C'est important de faire des images, mais il faut aussi bien les montrer. D'ailleurs montrer plus d'images est aussi parfois un signe de manque de confiance en soi.
Je voudrais trouver aussi quelqu'un qui écrive sur ce travail, quelqu'un de connu qui se penche dessus. Je souhaiterais également trouver un lieu à Paris pour le montrer. Il y a donc encore du boulot, mais c'est stimulant. Toutes les séries sont un peu comme un puzzle qui se constitue autour des thématiques. Et j'aime bien travailler sur des lieux, l'environnement, ou la scénographie.
Propos recueillis par Adèle Latour
© Nicolas Descottes