Jean-Baptiste Huynh, 2006 © Irving Penn
Jean-Baptiste Huynh débute dans le milieu de la photographie il y a vingt-cinq ans, après des études classiques. En véritable autodidacte, il se plonge dans l'univers de la prise de vue et du laboratoire, et apprend seul à éclairer et développer ses photographies. Adepte des sujets uniques et des fonds neutres, il répond ici à une commande exceptionnelle du directeur du Louvre, Henri Loyrette. Après avoir méticuleusement choisi certains objets du Louvre, Jean-Baptiste Huynh nous en présente sa réappropriation et adopte un point de vue contemporain. Un livre intitulé Lumière, paraît également à cette occasion aux Editions Du Regard, et est complété par cinq séries qui se focalisent essentiellement sur la lumière.
L'exposition est brève mais intense. Chaque photographie bénéficie d'un tirage grand format et invite ainsi l'oeil à s'y arrêter longuement. Si les sujets sont uniques, les jeux de lumière sont multiples. Jean-Baptiste Huynh nous invite à découvrir ou redécouvrir des objets qui perdent parfois leur fonction première pour devenir plus personnels. Si les explications annoncent le sujet dont est inspiré la photo, la mise en scène n'oublie pas de garder une part de mystère. Ainsi, aucun objet original n'est présent, les photos ont leur identité propre. Au visiteur de se perdre dans les nombreux couloirs du musée afin de retrouver les fameuses pièces dont s'est inspiré Jean-Baptiste Huynh.
Bol vert, 2012 © Jean-Baptiste Huynh
Pouvez-vous me parler de votre démarche photographique lorsque vous choisissez un projet ?
En général, je choisis un sujet et un cadre. Il s'agit soit d'un pays, soit d'une thématique. Pour l'exposition « Rémanence », j'ai été invité par Henri Loyrette à réaliser un projet, le cadre étant le Louvre et les collections du musée dont il fallait s'inspirer. Une fois mon projet établi, mon mode de prise de vue est assez simple : il s'agit toujours d'un sujet unique, traité dans un format carré. La plupart du temps, j 'éclaire ce sujet, sauf dans la série des crépuscules et celle du feu. Mais il y a toujours un travail sur la lumière que je m'attache à réaliser de la manière la plus précise possible, et qui est partie intégrante de mon écriture photographique. Mon sujet est centré, il n'y a pas d'effet de cadre particulier, et mes photographies sont dans une esthétique assez épurée et dénuée d'artifice.
Vos œuvres se concentrent toujours sur un sujet unique, pourquoi ?
Je dirais que c'est à peine un choix, c'est quelque chose qui me paraît assez évident. J'aime bien porter mon regard sur le sujet dans son ensemble, dans son unicité, et pas du tout sur l'interaction qu'il peut avoir avec ou sur un autre sujet. Je suis d'avantage intéressé par un visage et le rapport qu'il y a entre la personne que je photographie, que ce soit un enfant ou un adulte, et son unicité, que ce soit extérieur ou intérieur, plutôt que par un rapport entre plusieurs personnes, comme sur un portrait de groupe. De la même façon, concernant des natures mortes ou des prises de vue extérieures, je me concentre plutôt sur un sujet et sur son essence ou sa spécificité.
Comment faîtes-vous le choix de vos sujets, notamment entre un sujet vivant et un objet ?
Je fonctionne vraiment au coup de cœur. C'est totalement instinctif, je choisis ce qui m'inspire.
Comment s'est mis en place le projet au musée du Louvre ?
Ca a été simple. J'ai rencontré le président du Louvre qui connaissait mon travail et qui m'a invité à concevoir une exposition avec des images inédites, réalisées spécifiquement pour le Louvre, inspirées des collections du musée. J'ai donc ensuite fait mes recherches dans tout le Louvre. J'ai choisi de ne pas travailler autour d'une thématique spécifique, ou au sein d'un département en particulier, mais plutôt de considérer le Louvre dans son intégralité. Ainsi, j'ai observé, visité, tous les départements et choisi des objets ou peintures qui m'inspiraient. Une fois ce choix établi, j'ai pu commencer à produire mes images.
Crane en cristal, 2012 © Jean-Baptiste Huynh
Quel était, pour vous, l'intérêt principal de ce projet ?
Une invitation à exposer au Louvre n'arrive qu'une fois dans une vie. C'était extrêmement séduisant et intéressant, même s'il y avait un challenge qui allait avec. Mais celui-ci était extrêmement stimulant et passionnant.
Comment avez-vous choisi les objets que vous alliez photographier ?
En abordant les collections de manière visuelle, sans penser tout de suite aux fonctions des objets. Le Bol vert par exemple, a réellement été choisi pour son aspect visuel, plus que pour sa fonction. Idem pour les peintures et autres objets.
Quelle a été votre démarche au moment de faire des photos à partir d'oeuvres de quelqu'un d'autre, telles qu'une peinture ?
Je n'ai pas photographié les peintures, je m'en suis inspiré pour en faire des versions photographiques personnelles. De plus, comme l'avait dit le Président du Louvre, c'est réellement dans la tradition artistiques de s'inspirer des maîtres anciens. C'est donc un exercice courant chez les artistes depuis toujours. Ils s'inspirent des techniques anciennes, et je trouve cela très intéressant. J'ai donc réalisé des nouvelles versions de sujets qui ont déjà été traités en peinture ou en photographie.
Pourquoi avoir préféré des objets plutôt inconnus aux mythes du Louvre ?
Il n'y a pas eu un choix volontaire, délibéré, de photographier des objets inconnus. Peut-être que les objets très connus m'ont moins inspiré, mais surtout, le fait de réaliser ce parcours minutieux, en regardant l'intégralité des collections visibles, et avec mon idée de ce que je pouvais faire de certains objets en les éclairant, m'a orienté vers des pièces moins connues, moins photographiées, afin de les réinterpréter de manière plus personnelle et plus intime. Certains objets du Louvre ont une charge et une image, auprès du grand public, qui sont déjà tellement fortes, que me les réapproprier pour en faire une version plus personnelle, nouvelle, aurait été plus difficile.
Passoire, 2012 © Jean-Baptiste Huynh
Quels sont vos futurs projets ?
L'exposition « Rémanence » dure jusqu'en janvier 2013. Je reste donc à Paris jusqu'à cette période qui est plutôt transitoire. Mais j'ai également commencé un projet sur la nature, avec des végétaux. Ce sera toujours avec des sujets uniques que j'éclaire. Et puis je réalise toujours des portraits de manière régulière car c'est une chose que j'aime profondément, et ce depuis le début.
Propos recueillis par Adèle Latour
Plaque, 2012 © Jean-Baptiste Huynh