Condemned © Robin Hammond
Robin Hammond a consacré sa carrière entière de photographe à traiter de sujets sur les droits de l'homme. C'est donc sans surprise que son travail a été maintes fois récompensé. Il a en effet également reçu à quatre reprises le prix d'Amnesty international pour les droits de l'homme.
Membre de Panos Picture depuis 2007, il a cette année marqué les esprits lors de la 24e édition de Visa pour l'image à Perpignan. En effet, il y a exposé son reportage intitulé « condemned », sur lequel il travaille depuis de nombreuses années. Il traite dans ce documentaire photographique poignant, de la situation alarmante des personnes souffrants de troubles mentaux dans les pays africains en conflit.
Des images en noir et blanc, qui ne peuvent qu'interpeller quant à la situation désastreuse et inacceptable de ces victimes d'une société terrassée par la misère, la famine, les guerre et les catastrophes naturelles.
Condemned © Robin Hammond
Robin Hammond explique clairement son projet : « Les guerres, les famines, les catastrophes naturelles laissent dans leur sillage des morts qu’il faut enterrer, mais aussi des survivants qui continuent à vivre tant bien que mal. Si beaucoup d’entre eux traversent ces épreuves le corps intact, il n’en va pas toujours de même pour leur raison.
Au cours des cinquante dernières années, l’Afrique subsaharienne a connu plus de crises que toute autre région du monde. Le prix à payer est lourd : une recrudescence des maladies mentales et un manque de moyens pour les traiter.
Les conflits et les catastrophes accaparent les financements aux dépens de la santé et de l’éducation. Pour les malades mentaux, les hôpitaux deviennent parfois des prisons, et l’ignorance sur leur état conduit au rejet et à l’abandon. Trop souvent, les soins impliquent l’enfermement, que ce soit dans des institutions ou dans les foyers.
On accuse les malades mentaux d’être possédés, on les considère comme des sorciers. On fait volontiers appel aux guérisseurs pour les « délivrer », on les enchaîne, on les affame pour éviter qu’ils « nourrissent le démon qui est en eux ». Ce sont véritablement des damnés, non par la volonté de Dieu, mais par celle de leurs proches, de la société.
Il n’est pas de pire détresse, pas de plus grande vulnérabilité que celle de ces malades et handicapés mentaux dans les pays africains en proie au désastre, ou qui en sortent à peine. »
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Sur les clichés troublants de Robin Hammond, des hommes, des femmes, des enfants atteints de troubles mentaux, dont on essaie de se débarrasser, ou que l'on met de côté, que l'on traite comme des animaux. A défaut de les soigner et de les prendre en charge, ils sont en marge d'une société qui n'a pas les moyens financiers et médicaux nécessaires pour les sortir de la maladie qui les ronge.
Ce sujet fort et difficile, Robin Hammond a choisi de la traiter le plus humainement et simplement qu'il soit : « Je suis parti dans les jungles de la République démocratique du Congo, enquêter sur les blessures mentales de tous ceux qui portent le deuil de millions de morts, et sur l’impact psychologique de la violence sexuelle sur des centaines de milliers de survivants. Je raconte dans mes images les ravages de la guerre civile au Soudan en photographiant les malades et les handicapés mentaux enfermés dans la prison centrale de Juba.
Pour témoigner des effets psychologiques du déplacement et de la malnutrition, j'ai séjourné dans le plus grand camp de réfugiés du monde, à Dadaab, où les Somaliens fuyant le conflit et la famine viennent chercher un abri. J'ai photographié les rues et les camps bombardés de Somalie : là, selon l’Organisation mondiale de la Santé, un citoyen sur trois est atteint de troubles mentaux sévères après vingt années de guerre.
Je me suis rendu aussi en Ouganda, où les atroces violences perpétrées par l’Armée de résistance du Seigneur ont provoqué de graves problèmes psychologiques au sein de la population, et où des centaines de milliers d’enfants soldats restent traumatisés parce qu’ils ont dû tuer.
J'ai découvert des hommes et des femmes abandonnés par leur gouvernement, leur communauté, la société en général. Une minorité sans voix, reléguée dans les recoins obscurs des églises, enchaînée sur des vieux lits d’hôpital, vouée à passer sa vie derrière les barreaux de prisons crasseuses : ce sont les condamnés au malheur ».
Condemned © Robin Hammond
Ce projet dur mais essentiel, Robin Hammond tient à le continuer, car malheureusement, d'autres régions africaines sont touchées par ce fléau : « Je vais aller au Nigéria le 5 octobre pour continuer le projet. Je me dirigerai vers le delta du Niger, où la pauvreté, la corruption, la pollution, l'exploitation sont entourés par la maladie mentale.
Puis, j'espère me rendre au Swaziland, pour témoigner de la santé mentale liée aux conséquences du HIV. Le Swaziland a le plus haut taux de gens touchés par le HIV du monde.
En fin de compte, j'espère que ce travail sera un jour utilisé comme un outil de campagne. J'aimerai produire un livre sur ce travail qui puisse donner aux décideurs africains, aux pays donateurs, et aux associations l'espoir de les entraîner dans ce projet.
Evidemment, le financement est toujours un challenge. Je me suis débrouillé pour obtenir de l'argent grâce au crowdfunding que j'avais mis en place sur emphas.is, qui m'a aidé à continuer le travail dans trois pays supplémentaires. Maintenant, j'ai besoin de soutien pour réaliser le livre. "
Condemned © Robin Hammond
Rendez-vous sur le site de Robin Hammond pour le soutenir : www.robinhammond.co.uk et www.condemned-africa.com
Claire Mayer