© Klaus Thymann/Getty Images
Linka Odom et Klaus Thymann sont les deux vainqueurs du Creative Grant de Getty Images. Les bourses du concours offrent aux photographes et agences créatives l’opportunité de soutenir des organismes à but non lucratif par une communication visuelle singulière.
Pathways est le fruit d’une collaboration entre la photographe Linka Anne Odom et l’agence Good Pilot avec D-Foundation dans le cadre d’un projet qui vise à recruter des bénévoles pour améliorer l’efficacité des soins médicaux procurés aux populations vulnérables en Inde. A travers leur communication visuelle, ils veulent inciter les médecins à se rendre en Inde et faire don de leurs compétences au projet, ainsi que sensibiliser le public sur la D-Foundation en créant des expositions pop-up pour mettre en avant le travail caritatif mené dans les hôpitaux en Allemagne.
Project Pressure, par le photographe Klaus Thymann et l’agence Mother London, racontera en images l’histoire glaciaire dans le monde, avant la disparition de cette merveille de la nature. La bourse permettra à Klaus de se rendre au Népal, où il documentera le travail de terrain de l’équipe Project Pressure et l’impact du retrait glaciaire sur la population locale. En plus des photos et de la vidéo, Mother London utilisera les plateformes des médias sociaux et des diaporamas commentés pour présenter son travail.
Nous les avons rencontré à cette occasion afin qu'ils nous racontent tous deux leur démarche.
Linka Odom, Klaus Thymann, pourriez-vous nous parler de votre parcours, en nous expliquant les raisons qui vous ont amené à la photographie ?
Linka Odom : Je me suis dans un premier temps retrouvée dans la photographie comme par accident et j'ai finalement adoré la prise de vue. J'aime la simplicité de cette expression, l'instant de capture. C'est en plus une technologie qui m'impressionne vraiment. Personnellement, j'ai toujours considéré la photographie comme une aventure, et j'aime beaucoup l'aventure.
Klaus Thymann : Tout d'abord, moi j'ai autant recours à la photographie qu'à la vidéo. Les raisons pour lesquelles j'ai choisi ces supports sont nombreuses. La première vient sans doute de ma fascination pour la découverte. Je me sens à l'aise avec les images. Elles fournissent en permanence de nouvelles perceptions sur des sujets graves. Au début de ma carrière je photographiais tout ce que la caméra permettait de montrer. Puis ça s'est transformé en projet de cartes géographiques, mon champ d'application s'est donc étendu. J'ai créé un projet en 2007, baptisé Hybrids, où apparaissait une carte maculée de points blancs qui correspondaient aux territoires inexplorés. En ce qui concerne Project Pressure, je fais un travail similaire. Ce sont avant tout des projets qui visent à construire des liens et promouvoir la tolérance. L'idée était de faire découvrir plusieurs cultures.
J'avoue être de plus en plus fasciné par la diversité des possibilités qu'offre la technologie numérique. Je ne parle pas de la photographie numérique uniquement mais de toutes les plateformes.
Pourquoi avez-vous respectivement choisi de travailler pour Dfoundation et Project Pressure ?
L.O : J'ai pris connaissance de l'existence de Dfoundation par un ami qui était parti en Inde avec eux comme bénévole. J'ai dès lors voulu satisfaire leur besoin de médias. Cette fondation aide les plus pauvres, sans son aide, des gens meurent dans la rue. J'ai voulu collaborer avec eux parce que je crois en ce qu'ils font. Je pense aussi que mon projet pourra aider la fondation en élargissant les rangs de leurs membres.
K.T : C'est un projet très important pour moi et je pense d'une certaine façon que ma singularité peut leur apporter quelque chose.
Linka, vous avez choisi d'exposer des portraits et histoires de patients indiens pour faire connaître l'action de Dfoundation. Pouvez-vous expliquer ce choix ?
Nous avons voulu connecter deux mondes très lointains l'un de l'autre : rendre les campus allemands plus proches des régions indiennes les plus pauvres. L'idée des négatoscopes (plages lumineuses pour lire les radiographies) est parfaite pour ancrer une réalité dans ces milieux-là, raconter l'histoire de Roter Lotus et the Dfoundation et pour recruter des médecins bénévoles au secours des femmes et enfants indiens les plus vulnérables.
L'exposition veut aller au-delà de ce que les images peuvent raconter : elle permet d'élargir leur puissance narrative en développant leurs contextes.
© Linka Odom / Getty Images
Klaus Thymann, qu'avez-vous choisi de faire pour rendre compte au public de la fonte et disparition des glaciers ? Pouvez-vous expliquer ?
Les paysages ont toujours inspiré les artistes et demeurent cette source d'inspiration. C'est important pour une société qu'elle trouve une interprétation artistique de l'impact du changement climatique, une vue inspirée sur les bouleversements qui s'opèrent dans le paysage polaire par exemple. L'art visuel est sans doute le plus simple pour traiter ce type de sujet.
Les glaciers sont des masses d'une telle ampleur qu'ils semblent constants quoi qu'il se passe. Mes photographies exposent la fragilité de ces colosses de glace. Je leur donne pour cela un point de vue artistique.
Mon rôle est de faire une sélection des photographies les plus artistiques, celles qui racontent quelque chose puis de les présenter. Bien plus que d'exposer seulement quelques fragments du monde, j'essaye d'éviter les clichés et de fournir une perspective neuve. En espérant donc que cela permettra au public d'avoir un regard nouveau sur le monde.
Linka, comment vous est venue l'idée des installations de pop up spaces autour des hôpitaux ?
Recourir à des négatoscopes apportait aux portraits des patients indiens qui ont bénéficié des soins de l'équipe allemande quelque chose de pertinent.
Nous disposons ces installations autour des entrées des universités de médecines en Allemagne car nous voulons raconter leurs histoires à des personnes avec qui nous voudrions collaborer et qui accepteraient de contribuer au travail de Roter Lotus/Dfoundation. Ce que nous faisons, c'est que nous leur suggérons un chemin différent pour leur carrière, chemin qui serait très bénéfique aux habitants des campagnes indiennes.
Ce que propose Getty est très intéressant, beaucoup moins conventionnel que les autres concours. Celui-ci demande aux photographes de travailler avec une agence créative et permet de faire une meilleure utilisation des images pour sensibiliser davantage le public et ce au profit d'une ONG.
Klaus Thymann, avez-vous déjà trouvé des personnes dont votre travail a modifié le comportement ?
Mon exposition n'a pas encore commencé. Mais beaucoup de personnes ont déjà répondu et c'est très encourageant.
Considérez-vous l'art, Linka Odom et Klaus Thymann, comme un engagement, pour dénoncer l'injustice par exemple ou pour exprimer son point de vue ?
L.O : Je crois que l'art peut avoir de nombreux objectifs : inspirer, commenter, divertir pour n'en nommer que quelques uns. L'art peut changer le monde, j'en ai fait l'expérience. L'art a changé ma propre vie et celle de ceux que j'ai personnellement touché grâce à mes expositions. Je pense que l'art a la capacité de rendre ce monde plus agréable.
K.T : A ce sujet, je pourrais avoir des réponses plutôt contradictoires. Je pense que l'art visuel peut développer des capacités incroyables en commentant l'injustice par exemple. C'est un outil très puissant. Par contre, il me semble que le problème du changement climatique est beaucoup plus délicat à traiter dont le souffle artistique peut être une clé.
Mais nous sommes en quelque sorte tous responsables du changement climatique et nous devrions tous agir. Le rôle de l'artiste n'est cependant pas strictement de dénoncer.
Ce sujet-là n'est pas simple : il n'y a pas de dictateur à mettre dehors... C'est pour cela que l'action de Project Pressure est importante. Il y a urgence.
Propos recueillis par Axelle Deconinck