©Première de couverture Jean Dieuzaide JM Le Scouarnec
Jean-Marc Le Scouarnec, journaliste à la Dépêche du Midi et responsable des pages Culture du quotidien régional propose la première biographie consacrée à Jean Dieuzaide, le célèbre photographe toulousain des années d'après-guerre. Principalement alimenté par le récit de la femme de l'artiste décédé en 2003 et par les divers témoignages de son entourage, il propose une belle illustration de celui qui préférait la dénomination d'artisan à celle d'artiste.
Jean Dieuzaide ou «Yan», héritier souvent malgré lui d'une éducation chrétienne d'un genre hautement rigoriste, est révélé dans son art comme le photographe de la célèbre «petite fille au lapin» ou du fameux «Dali dans l'eau». L'homme dont on découvre un caractère ombrageux au fil des pages recèle également une autodidaxie de génie. Enfant endurci par une condition précaire, il doit certainement à ces débuts difficiles une véritable passion pour le «bidouillage» et incidemment, le sens de l'effort dans le labeur et du travail abouti.
©Jean Dieuzaide, «Dali dans l'eau» Port Lligat, Espagne, 1953
Une importante partie est consacrée à ses voyages en Espagne puis au Portugal desquels il a rapporté sans doute ses plus belles photographies. De là on découvre surtout l'Espagne d'après-guerre, blessée mais fière, de la façon dont la voit Jean Dieuzaide dans les yeux de ses sujets.
L'aventure du brai est également rapportée. C'est du côté d'une mine du Tarn que le photographe se surprend à prendre les clichés des formes ultra-suggestives du goudron tiédi. Travail remarquable mais mal assumé par son créateur, il suit de deux ans les captures du mariage des funambules. Mariage duquel il tire une réputation de véritable casse-coup, prêt à toutes les acrobaties pour le bon cliché.
©Jean Dieuzaide, «La Gitane», Sacromonte, Espagne, 1951
D'anecdotes en anecdotes, se forge presque sous nos yeux le caractère acharné et sacrificiel du photographe. On découvre tout au long du parcours des 250 pages, un travail d'une densité presque vertigineuse. C'est lorsque l'on apprend que Jean Dieuzaide a laissé plus d'un million de clichés que l'on s'étonne presque du peu d'écrits produits à son sujet. Pour cela « Jean Dieuzaide, la photographie d'abord» apporte un complément de taille à la mémoire de l'ami de Robert Doisneau.
Si on peut saluer l'immense travail de recherche de l'auteur, on regrette néanmoins les quelques digressions et rétropédalages dont peut souffrir la lecture. Son parcours demeure cependant agréable et rappelle au lecteur que le travail de ces hommes et femmes à leur succès était dû à un talent et un style dont nous devenons presque nostalgiques à la fermeture du livre.
©Jean Dieuzaide, «La petite fille au lapin», Nazaré, Portugal, 1954
Axelle Deconinck