Up and Down Peachtree Photographs of Atlanta, Martin Parr, éditions Contrasto 34 €
Ce printemps, Martin Parr était à l'honneur au High Museum of Art d'Atlanta. Ce livre est le résultat d'une commande passée par ce musée. Parr ne s'est pas privé de documenter à sa façon les loisirs des gens du Sud américain. Le livre s'ouvre sur des éléments détourés, un hot dog, un homme noir brandissant un panneau « big sale salvation army », une enseigne « best meat », un autre panneau « I love my gay sons », ensuite des silhouettes de femmes, chaque élément sur un fond de couleur criard. Après cette introduction, chacun de ces éléments isolés prend sa place dans son contexte, un restaurant fast food, une manifestation, une fête foraine, un office religieux, un cocktail de la haute société, un concours canin. En somme, tout l'univers de Parr est représenté dans ce livre sans texte. L'originalité ici consiste à partir d'un objet en gros plan pour ensuite le montrer dans un plan plus large. Parr joue dans sa mise en page sur les contrastes entre communautés : mondains, gays, noirs, et bien sûr les classes moyennes par de constants va-et-vient entre le particulier et le général . Le livre se termine par d'autres éléments détourés aperçus dans les pages précédentes. Une des dernières images : une pleine poubelle avec la tête de l'aigle américain, on y lit « Keep America Beautiful. Tout un programme ! Prix correct, belle qualité d'impression.
Failles Ordinaires, Géraldine Lay, Actes Sud 25€
Rien ne remplacera un livre et surtout pas une tablette numérique même si le livre en question a la même taille que la tablette ! Rien ne remplacera ce plaisir d'ouvrir le livre, de toucher le papier d'abord un peu fin pour la jolie préface de Jacques Damez, ensuite plus épais pour les photographies et finalement de nouveau plus fin pour le texte en anglais. Une tablette ne rendra jamais les odeurs, la sensation du toucher et la qualité d'impression des photographies.
J'avais découvert Géraldine Lay, il y a déjà quelques années à Paris-Photo sur le stand de la galerie lyonnaise le Réverbère, et revu son travail cet été à Arles. Je suis donc très heureux qu'un livre soit consacré à ses pérégrinations européennes. Une fois le livre refermé que reste-t-il ? Des couleurs franches, des scènes de rues, l'impression du temps suspendu, que certaines photos font penser à des tableaux de Hopper. On pourrait citer encore Fred Herzog, pourquoi pas Jeff Wall ? Mais il n'y a pas de recherche du pittoresque, pas de photos posées et composées, le hasard nous invite à un entre-deux, ce moment unique qui ne se renouvelle pas. Un bébé posé sur des vêtements dans un chemin, des fruits sur la neige, deux jeunes filles dans un cinéma, le genou en sang d'une fille au bord de la mer.....et tant d'autres choses fugaces.
A Natural Order, Lucas Foglia Nazraeli 55 €
Ce jeune photographe américain, remarqué cet été à Arles, où il concourait pour le prix de la Découverte est allé entre 2006 et 2010 dans quelques communautés américaines du Sud-Est des USA fondées sur un besoin de retour à la terre, un refus de nos modes de consommation manufacturés, un désir d'autarcie. Tout n'est pas « pur et dur », il y a des cigarettes industrielles dans le cendrier, on utilise la tronçonneuse pour couper les branchages, des magazines traînent dans la hutte, le pick-up Toyota tire la charrue. Mais le désir de pureté se révèle dans ces scènes de tir à l'arc ou de cueillettes, dans cette magnifique photo de baignade de Patrick et Anakeesta sa petite fille ou de Andrew et sa fille Taurin en train de boire du lait de chèvre, cet austère portrait de famille Amish où la mère tient une photo d'elle en mariée froufroutante. Puis cette photo qui vient casser le rêve : un corps d'ours en état de décomposition gisant sur le sol car il a été empoisonné par les voisins. Tout n'est pas qu'ordre et beauté dans ces communautés utopiques …
On salue la qualité légendaire de l'excellent Nazraeli pour l'impression.