Sie kommen, French Vogue, Paris 1981 © Helmut Newton Estate
La photographie de mode a prit son virage. L’audace et la créativité des photographes s’amenuisent chaque jour aux dépens d’une commande toujours plus frileuse basée essentiellement sur la vente du produit. Quelle conséquence ce changement a-t-il eut sur les images et leurs la retouche?
Rencontre avec Coralie Samperez et Pauline Bläst, deux retoucheuses de photographies de mode à Paris…
Aujourd’hui la retouche a pris une place essentielle dans la photographie de mode et de beauté, pensez-vous qu’il y ai des abus dans les commandes que vous recevez ?
Oui il y a des abus surtout en ce qui concerne les commandes pour la publicité réalisée par des grandes marques. Elles veulent toujours plus de retouches, elles nous demandent d’affiner le grain de peau au maximum afin de rendre la peau lisse sans aucun défaut. On aimerait garder une part de naturel mais avec certains clients c’est impossible !
Vous êtes en contact avec les photographes et les directeurs artistiques savez-vous quel est leur point de vue concernant la retouche ?
Cela dépend des photographes, certains adorent la retouche et d’autres la déteste, prêts à nous faire revenir en arrière. Mais dés qu’il s’agit d’images pour la publicité le but est de vendre le produit à tout prix donc ils veulent une retouche très poussée, ils sont intransigeants sur l’image, tout doit être parfait. Selon les photographes cela vient du fait que les magazines sont hyper frileux.
Ce que vous nommez « retouche très poussée », c’est une retouche qui affine les corps ?
En fait une retouche très poussée c’est surtout un lissage de la peau qui va être très affinée. On ne peut pas dire qu’on affine beaucoup les corps, les mannequins sont déjà très minces donc il nous arrive tout autant de les regrossir. Il s’agit très souvent de leur refaire de la poitrine et surtout de leur adapter le vêtement parfaitement au corps car celui-ci est souvent trop grand.
La part de naturel dans la photographie de mode existe-t-elle toujours ?
Nous essayons au maximum de garder une part naturelle au modèle, il faut pouvoir reconnaître la fille. Dans nos retouches nous gardons les traits, les volumes et les expressions du visage. En fait la retouche doit rendre plus « propre » l’image, c’est à dire corriger les imperfections de la peau et surtout les défauts qu’il y a eut à la prise de vue, car il arrive souvent qu’il y ai un manque de lumière, ou bien que la fille ne soit pas bien coiffée ou maquillée.
Les problèmes de prises de vues sont récurrents… ?
Oui, nous en voyons beaucoup, certains photographes ne font pas de lumière, ou ils la font post-production sur logiciel, parce qu’ils manquent de temps. Cela arrive avec les prises de vues réalisées en extérieur notamment et c’est alors aux retoucheurs de recréer la lumière sur Photoshop.
Pensez-vous que le passage de l’argentique au numérique y soit pour quelque chose ?
Une choses est sûre, c’est que les prises de vues sont faites beaucoup plus rapidement, sans forcément de construction d’image, ni de lumière. Les photographes comptent énormément sur la retouche pour récupérer les erreurs du shooting. A l’époque de Newton par exemple, la prise de vue devait être impeccable parce que c’était impossible de tout reconstruire, les photographes réfléchissaient davantage à leur image en amont, aujourd’hui, avec Photoshop tout est possible alors ils comptent beaucoup sur la retouche.
En ce moment a lieu, au Grand Palais, l'exposition de l’un des maîtres de la photographie de mode, Helmut Newton, qu’en avez-vous pensé ?
Cela fait du bien de voir des corps de femmes, avec de vraies formes ! Ce n’est pas du tout ce genre d’image que l’on retouche. Nous voyons davantage de photographies « commerciales », dans lesquelles il ne se passe rien de créatif, une fille sur fond blanc ou gris. C’est vraiment le produit qui est mis en avant.
Les images se veulent-elles sexy comme du temps de Newton ?
Non les images sont loin d’être sexy comme dans le travail de Newton, elle sont souvent très classiques avec des filles lambda, banales, ou alors elles sont hyper vulgaires. En fait, il n’y a plus de juste milieu comme dans les années 80, qui restaient subtiles.
Propos recueillis par Julie Garnier