© Claire Mayer
Vincent Perez, né en 1964 à Lausanne, est avant tout un acteur. Impossible en effet d'oublier son rôle dans La Reine Margot de Patrick Chéreau, dans The Crow, la cité des anges de Tim Pope, ou encore dans Fanfan la Tulipe de Gérard Krawczyk. Sa filmographie est longue, Vincent Perez étant véritablement un acteur talentueux.
Mais la cinquantaine approchant, il a cherché à poser une nouvelle corde à son arc : la photographie. Certes, il s'était, avant la comédie, orienté vers ce secteur puisqu'il a fait une école de photographie au Centre Doret, à Vevey (Suisse). Mais il avait choisi sa route, et il a aujourd'hui décidé de montrer au grand public ses œuvres photographiques. « La réalisation m'a ramené à l'image. Cette passion pour la photographie m'a toujours poursuivie, et comme toutes les passions elles nous suivent toujours. La photographie est en moi, elle me brûle et a besoin de s'exprimer »
Dans le cadre de son exposition à l'Observatoire du BHV jusqu'au 25 août prochain, Actuphoto l'a rencontré, afin d'y voir plus clair dans ce virage périlleux que l'acteur a amorcé.
Que représente la photographie pour vous ?
Le témoignage, l'infini et en même temps le temps figé donc une totale contradiction. Elle me permet de faire vivre le petit bonhomme artiste qui est en moi et qui est très triste s'il ne peut pas ouvrir ses yeux pour voir des choses. J'ai besoin de m'exprimer d'une autre manière. La photographie fait que le peintre frustré en moi peut s'exprimer aussi. Elle me fait battre le cœur, je suis amoureux de la photographie depuis toujours. J'aime beaucoup les photographies d'une autre époque, qui témoignent d'un temps, je suis fasciné par les vieilles photos.
Y-a-t-il un photographe en particulier qui vous a inspiré ?
Beaucoup ! Irving Penn est pour moi le maître absolu, car il a réussi à aller dans la mode, et en même temps dans la photographie d'art. J'adore Richard Avedon, Henri Cartier-Bresson, témoins de leur temps.
J'aime la photographie, il y a tellement de grands photographes... J'aime beaucoup les portraitistes.
J'ai eu la chance de rencontrer Newton, et par mon travail j'ai pu aborder certains photographes comme Patrick Zachmann, photographe de chez Magnum, qui était venu sur le tournage d'un film russe, ou encore Bruce Weber.
Pourquoi la photographie à 50 ans ? Est-ce la crise de la cinquantaine ou un signe de maturité ?
C'est peut-être la crise de la cinquantaine ! (Rires)
Non, je pense que c'est la maturité, la décision dans ma vie de consacrer du temps à ce petit bonhomme qui est en moi. Mais aussi parce que j'ai mis de l'ordre dans mes négatifs. Je fais de la photo depuis longtemps, et chaque fois que je voyais ces négatifs, ça me faisait mal au cœur d'avoir tout ça et de rien en faire. J'ai mis pratiquement un an à mettre de l'ordre dedans.
D'habitude je fais des portraits. Mon chemin, ce n'est pas du tout de faire des photos pour les magazines, j'ai besoin d'être libre et donc ce qui m'intéresse c'est de faire des propositions.
Ma première expo était en Russie l'année dernière, le plus loin possible, parce que j'avais un peu peur de montrer mes photos à Paris … C'était très bien, parce que les gens qui n'aimaient pas, je ne les connaissais pas (rires) ! C'était dans un musée, j'ai exposé une soixantaine de portraits d'artistes en noir et blanc.
Puis on m'a proposé cet endroit, l'Observatoire du BHV, pour faire une nouvelle exposition. Ma première idée c'était de faire un « Paris vu par », mais ce thème fait tout de même un peu peur, Doisneau par exemple s'est démarqué sur ce thème à plusieurs reprises ! (rires).
Je voulais aller sur les traces de ces grands maîtres de la photographie. Puis j'ai discuté avec Auguste Chantrel, étudiant en architecture, je lui ai demandé de me donner un coup de main, pour cerner un peu mieux le thème que je voulais traiter sur Paris.
Il m'a donc parlé de la « tératologie urbaine », éléments d'architecture qui, au fil du temps, se transforment et deviennent, par leur sens, original. Certains éléments d'architecture que j'ai photographié, on se demande à quoi ils servent aujourd'hui, mais ils dégagent quelque chose, une émotion qui me touche beaucoup.
De la tératologie, je suis arrivé aux « œuvres d'art accidentelles », un petit monde dans les rues de Paris, qui m'a beaucoup ému. «L'oeuvre d'art accidentelle », c'est un élément qui dégage une émotion. Certaines de mes images se rapprochent de la peinture. J'ai grandi en voulant devenir peintre, c'est peut-être le peintre en moi qui rêvait de s'exprimer ! Je joue aussi avec les textures, l'idée du relief. J'aimerai expérimenter cela dans d'autres villes, à New York par exemple.
Je trouvais cela amusant d'aller vers l'abstrait en faisant une démarche totalement figurative.
J'aime jouer avec les perspectives, avec la lumière, les couleurs.
A travers ça, j'ai découvert le monde du numérique, je me suis donc immiscé dans la photographie d'aujourd'hui, qui m'a donné envie d'aller dans cette direction, autant que de revenir aussi vers l'argentique.
Ma prochaine exposition, je vais la faire à la chambre.
Garde rien © Vincent Perez
Pour cette exposition, vous avez utilisé du numérique ou de l'argentique ?
Du numérique, du 6x6. J'adore les lomos, les pola, j'aime beaucoup l'argentique. La plupart de mes appareils sont des argentiques, pour ces images j'ai dû louer du matériel.
Le nom de votre exposition est « Matières et sentiments » : cela pourrait-il être le titre d'un film ?
Un film d'auteur alors !
Si vous deviez choisir entre le métier d'acteur et de photographe, que choisiriez-vous ?
A l'heure actuelle, je n'ai pas à choisir. C'est comme si vous me demandiez si je suis plus allemand ou espagnol (sa mère est allemande, son père est espagnol ndrl). Les deux métiers se complètent, comme le métier de réalisateur m'aide à faire cette mise en scène dans mes images. Je ne pourrai pas non plus être acteur sans être réalisateur.
Aujourd'hui, la photographie pour moi entre dans la réalisation, c'est de l'image figée mais il y a quand même un regard, une mise en scène dans le regard. Mon œil de réalisateur joue sur mon œil de photographe, et vice versa.
J'ai un projet de grande expo, et c'est vraiment de la mise en scène.
Mon 1er film, je l'ai cadré pratiquement du début à la fin, ce que les réalisateurs ne font pas forcément. Moi je tenais la caméra, et je filmais. J'aime bien être dans l'image.
Quel est votre cliché préféré ? (voir ci-dessous) et pourquoi ?
Il y a vraiment une idée de relief, et comment la cohabitation entre la pierre et le végétal est faite, comment ces deux éléments se soutiennent et vivent ensemble, c'est très intéressant. Il y a quelque chose qui me parle beaucoup. Aussi dans la texture de cette image, par moment on est dans de la peinture, et par d'autres c'est presque vivant.
© Vincent Perez
Propos recueillis par Claire Mayer