Joël-Peter Witkin a répondu aux questions d'Actuphoto, dans le cadre des "discussions autour de Joël-Peter Witkin".
Cet entretien est le premier d'une série de quatre interviews, puisque suivront celles d'Anne Biroleau, commissaire d'exposition et conservateur en chef au département des Estampes, chargée de la photographie contemporaine, à la BNF et de Marjolaine Caron et Louis Bachelot, couple de photographes spécialistes du meurtre et du fait divers, afin de mieux comprendre le travail de Witkin.
Nègre’s Fetishist, Paris, 1991 © Joel-Peter Witkin Frac Lorraine, Metz. Photo Frac Lorraine © Courtesy baudoin lebon
Votre exposition "le Ciel ou l'Enfer" a grand succès en ce moment à la BNF à Paris. Ce n'est pas la première fois que vous exposez à Paris, (en 1989 vous étiez au Palais de Tokyo, en 1991 et 2000 à la Galerie Baudoin-Lebon) … Mais vous êtes aujourd'hui au BNF, qui est un endroit très prestigieux. Comment êtes-vous arrivés là ? Quelqu'un vous a proposé ? Comment s'est passé l'organisation de l'exposition ?
J'ai exposé à Paris pendant plus de vingt-cinq ans. Je suis Commandant des Arts et des Lettres. Je suis très fier de ces accomplissements et en Europe, particulièrement en France, mon travail a été compris grâce à la profondeur de culture d'histoire et d'esthétique. Anne Biroleau et Sylvie Aubenas, les responsables de copies et des photographies à BNF ont cru que mon travail était digne d'une exposition majeure à BNF. On m'a donné le choix d'un des deux sites du BNF. J'ai choisi rue de Richelieu parce que je le crois pour être le plus élégant et historique de ces deux choix.
Anne Biroleau dit qu'elle est venue dans votre studio l'année dernière pour voir de quelle façon vous travaillez. Est-ce normal pour vous de montrer votre processus de création ? En général, les artistes n'aiment pas montrer ce secret de préparation. Qu'avez-vous senti quand Mme. Biroleau est venue ? Est-ce que c'était la première fois ?
J'ai invité Anne Biroleau dans mon studio pour lui montrer de quelle façon je crée. Quand je photographie, il y a une dynamique qui s'installe entre le social et les éléments instinctifs. Les modèles ont confiance dans ma capacité de créer une belle et unique image d'eux. C'est l'élément social. Je crois que la force de mon esprit, mon désir et mon besoin esthétique ne produira une photographie "comme aucun autre". C'est l'élément instinctif : Les deux circonstances signifient que je ne sais pas encore. J'espère que par ma volonté et mon courage je produirai quelque chose d'unique à la vie.
Pouvez-vous expliquer où vous puisez vos inspirations ? Dans son interview, Anne Biroleau a expliqué qu'avant de faire une image, vous aviez un immense processus de création. Que pensez-vous de cela ?
Je crois que tous les artistes sérieux sont des connaisseurs de la vie et de l'esprit. Ils passent leurs vies à préparer et purifier pour créer quelque chose d'éternel et ils manquent de temps. C'est ce qui dirige leurs vies. Quand ils voient ou sentent une inspiration créatrice, c'est quand ils convertissent métaphysiquement l'émotion dans la réalité esthétique qui défie et élève la vie.
Woman once a bird, Los Angeles, 1990
© Joel-Peter Witkin © Courtesy Baudoin Lebon
A votre avis, que pensent les gens de vos clichés ?
Je ne connais pas leurs réactions et leurs raisons d'aimer ou non le travail s'ils peuvent écrire sur le sujet. Mais ce n'est pas pourquoi je fais ce travail. Simplement , je fais ceci pour le bien de l'homme et pour la gloire de Dieu. Cela a été et continuera à être la base de création du peintre de caverne au dernier artiste à la fin des temps indépendamment des convictions conscientes de l'artiste.
Que pensez-vous du travail de Tim Burton (réalisateur et dessinateur). Aimez-vous son travail ?
J'ai eu un dîner très agréable avec lui un jour à Los Angeles. Je crois que c'est un très bon réalisateur. A travers ses films, il a élevé l'imaginatif mais aussi le degré de morale de ses spectateurs.
Comme vous, Tim Burton traite de l'idée de la mort. Si vous pouviez comparer votre propre travail à celui de Burton, comment le feriez-vous ?
Je ne sais pas ce que Tim Burton pense de la mort. Je ne crois non plus que ce soit toujours fructueux pour un artiste vivant d'être comparé à un autre. Je peux vous dire ce que je pense de la mort. C'est la fin de vie sur la terre et pour l'humanité le début de vie éternelle. La plupart de gens sur terre croient en cette possibilité - qu'il doit y avoir une force déjà existante qui finit nos vies humaines et que la même force doit créer la vie. L'âge moderne a nié cette croyance.
Nous pouvons observer une évolution dans votre travail. Il semble plus lyrique maintenant : vous utilisez de la couleur, des textes ect … Comment pouvez-vous expliquer cette évolution ?
L'évolution de mon travail est parallèle à ma vie. C'est aller de l'obscurité à la lumière. C'est ce qui arrive dans chaque vie humaine.
The Paris Triad: the Reader, 2011
© Joel-Peter Witkin © Courtesy Baudoin Lebon Photo Malala Andrialavidrazana
Quel est votre photographe de prédilection ?
J'admire beaucoup de grands photographes de l'histoire de la photographie. J'ai rencontré Steichen, Weegee, Evans, Arbus et Cartier-Bresson. J'admire le travail de photographes vivants comme Jayne Hinds Bidot and Roger Ballen.
Dans tout votre travail, quel est votre cliché préféré ?
Je n'ai pas d'image favorite. C'est comme demander à une mère quel est son enfant préféré.
Harvest, Philadelphia, 1984
© Joel-Peter Witkin © Courtesy baudoin lebon
Propos recueillis par Claire Mayer
Photos et vignette © Joel-Peter Witkin