Chris Killip est né à Douglas, sur l'Ile de Man, en 1946. Il découvrit la photographie un jour, en voyant une image de Cartier-Bresson. Il commença à faire des photos à l'âge de 17 ans, et devint l'assistant d'un grand photographe publicitaire à Londres.
Il fut inspiré, entre autres, par les travaux de Paul Strand et Walker Evans, et commença, en 1969, une série de photos sur l'Ile de Man, qui le rendit célèbre.
Aujourd'hui, il est incontestablement l'un des photographes les plus connus de la scène britannique, et il inspira plusieurs photographes talentueux comme Martin Parr, Paul Graham ou Tom Wood.
© Chris Killip
Comment êtes-vous arrivé à la photographie documentaire ?
Quand j'étais jeune, je travaillait dans un hôtel, j'avais du quitter l'école quand j'avais 16 ans, j'étais un mauvais garçon, donc j'ai pris ce boulot dans un hôtel parce que mon père avait lui-même un hôtel. Mon père voulait m'envoyer dans une école hôtelière en Suisse.
Un jour, je vis une photo qui était publiée dans Paris Match, de Cartier-Bresson. Cette image m'a fasciné. Donc j'ai dit à mon père « je ne vais pas aller à l'école hôtelière en Suisse, je vais devenir photographe ».
Je devins alors photographe de plages, prenant des photos sur la plage, pour me faire assez d'argent pour pouvoir aller à Londres, où j'ai trouvé un travail d'assistant de photographie publicitaire. Je fus un bon assistant.
En 1969, j'étais à New York, je suis allé au Musée d'Art Moderne où je vis ma première exposition, je n'avais jamais vu d'exposition de photographie auparavant. Ce fut un grand moment pour moi, parce que j'ai réalisé qu'il était possible de faire de la photo pour soi-même, selon ses propres aspirations.
Mais je fus paniqué, je me demandais ce que j'allais faire, et j'ai compris que je devais retourner sur l'Ile de Man pour prendre des photos là-bas, parce que je connaissais bien l'endroit.
Donc je suis retourné travailler dans l’hôtel de mon père, j'ai emprunté sa voiture, et dès que j'avais un moment de libre j'allais prendre des photos.
J'ai eu du succès avec ce projet sur l'Ile de Man, surtout aux Etats-Unis. Quand j'ai fait des photos en Angleterre, ils n'ont pas aimé mes photos, ils voulaient la même chose que sur l'Ile de Man, mais je ne pouvais pas.
Puis je suis allé dans le Nord Est de l'Angleterre à New Castle. J'ai vraiment aimé cette vie et je suis resté là bas les 15 années suivantes. Puis, un jour j'ai reçu un appel, on me proposait d'enseigner à l'université d'Harvard, mais je n'avais jamais fait cela avant ! Je me suis dit qu'ils étaient fous ! Donc je suis allé les rencontrer et nous nous sommes appréciés. Maintenant, j'enseigne là bas depuis 21 ans.
Vous avez influencé de nombreux photographes comme Martin Parr, Tom Wood ou Paul Graham, que pensez-vous de leurs travaux ?
Il y a tellement d'oeuvres de Martin Parr !
Tom Wood, je le connais et je l'apprécie, c'est un ami. C'est le plus proche de moi, par ses œuvres.
Avec Paul Graham, nous ne sommes pas aussi proches mais j'ai écrit sur lui, j'aime son travail.
Vous enseignez à Harvard depuis 1991. Qu'est ce que cela vous a apporté ?
La plus grande chose que cela m'a apporté, c'est que les femmes à qui j'enseigne m'ont éduquées. Ca a été formidable ! (Rires). On s'amuse beaucoup avec ma classe, et nous discutons énormément, et pas uniquement de photographie !
Qu'est ce que vous enseignez ? Juste la technique ?
Non, on doit parler de la technique, mais je leur montre beaucoup d'autres choses. Mes étudiants ne deviendront pas photographes, donc l'idée est uniquement de leur faire part d'une certaine idée de la photo. Après 14 semaines, ils doivent faire un livre en ligne, donc ils ont cet objectif. C'est très stimulant, parce qu'ils ont un résultat.
Quand vous enseignez à vos étudiants, utilisez-vous votre expérience de photographe pour parler de sujets économiques ?
Non, c'est plus sur la façon de faire une photo. Nous n'allons pas aussi loin. Mes étudiants deviendront avocats, politiciens, ils seront cultivés. La chose fabuleuse avec Harvard, c'est qu'ils ont beaucoup de moyen pour l'éducation. Cela vous donne accès à beaucoup de choses.
Pouvez-vous nous donner vos sources ? Vos inspirations ?
Ma plus grande influence est le travail de l'Américain Walker Evans. J'aime beaucoup de photographes, mais pour moi il est le plus grand, parce qu'il me fait réfléchir.
Avez-vous un procédé de création ? Ou êtes vous spontané ?
Oui, je bois beaucoup, pour avoir du courage ! (Rires).
Plus sérieusement, je suis trop spontané, c'est pour cela que j'utilise un gros appareil. Je prends beaucoup de photos, je dois être ralenti pour m'arrêter.
Quel appareil avez-vous utilisé pour l'Ile de Man ?
Des gros appareils, MPP … Et d'autres qui ressemblent à des polaroid. Mais différents car avec des pellicules.
Que pensez-vous du court-métrage « The girl chewing-gum » de John Smith ?
Je l'adore. Il vous reste en tête. Il dépeint la réalité. La façon dont il traite le sujet, ce n'est pas ce à quoi vous vous attendiez. C'est intéressant parce qu'il complique le sujet.
Vous avez des projets d'autres documentaires ?
Je prépare une exposition parce que j'ai plusieurs clichés que je n'ai jamais exposé. Pour le moment, j'ai trop de livres sortis dans le monde, donc pour l'instant j'attends un peu avant de faire quelque chose de nouveau.
Parmi toutes vos images, quelle est votre préférée ?
Celle-ci (voir ci-après). Je fus vraiment content de la voir exposé en Allemagne, ce fut très drôle.
En 1985, j'ai reçu un appel du Musée de Hanovre, qui me commandait un portrait. Donc j'ai envoyé cette photo. Deux semaines après, le paquet m'est revenu avec un mot : « Nous vous avons demandé un portrait. Ceci n'est pas un portrait. Pourriez-vous nous envoyer un portrait s'il vous plaît ? »
Je leur ai répondu « C'est un portrait pour moi ! C'est la photo que je voulais ! Il n'y a pas de tête parce que je ne l'ai pas inclus ». Ils m'ont renvoyé à nouveau ma photo, avec la définition d'un portrait.
Donc je n'ai jamais fait partie de cette exposition !
© Chris Killip