Eileen Gittins
Après des études à l'Université de California et de San Francisco où elle a décroché une licence en Arts option photographie/image numérique, Eileen Gittins a travaillé auprès de nombreuses grandes sociétés comme Kodak ou encore Wall Data.
En 2005, elle crée "Blurb", plateforme créative d'édition et de marketing qui permet de designer, publier, promouvoir et vendre son propre livre de photographies. "Blurb" est décrit par sa fondatrice comme une véritable "communauté", qui permet à ses clients de partager ses livres "Blurb" avec ses amis ou encore ses collègues.
En 2010, la société d'Eileen Gittins arrive première au classement Inc des 500 sociétés à la croissance la plus rapide. En 2011, presque 1,7 millions de livres ont été conçus dans plus de 70 pays et territoires. Le chiffre d'affaire de la multinationale d'Eileen Gittins est de ... 45 millions de dollars !
Entretien avec la créatrice de l'Empire "Blurb".
Pouvez-vous nous faire un résumé de « l'avant blurb » ?
Je suis une entrepreneuse. J'ai commencé la photographie – pour un travail personnel, une sorte d'album créatif – quand j'ai photographié les gens à qui je donnais des conseils pour créer leurs entreprises.
Petit à petit, j'ai demandé à ces gens s'ils étaient d'accord pour que je les prenne en photo, et ils ont tous dit oui. J'ai commencé à répertorier 35 personnes pour ce projet. C'est intéressant parce que j'ai commencé cela dans un but uniquement personnel, mais très vite je me suis rendue compte que cela représentait une communauté de gens, qu'ils se connaissaient les uns les autres. Je ne pouvais pas garder cela dans un but uniquement personnel, je devais le partager, pas à un petit groupe mais à tout le monde. Donc j'ai pensé faire un site internet, mais je me suis rendue compte que je ne pouvais pas. Je voulais donner un cadeau à ce cadeau, pour remercier ces gens mais leur donner le lien d'un site internet ne paraissait pas être un cadeau.
J'ai donc pensé faire un livre qui revenait sur ces années 2003-2004-2005, et je me suis dit que ce devait être simple. J'ai vraiment été surprise quand j'ai réalisé que ce ne l'était pas. C'était l'époque où vous pouviez faire un album comme n'importe quel consommateur mais à un prix très élevé. Je voulais de la haute qualité. J'avais besoin de trouver comment les gens comme moi, les autres photographes, qui ont une exigence en matière d'impression, pouvaient faire. Et enfin je veux dire payer cher pour ne pas avoir la qualité que je voulais, c'était hors de question.
C'est la question de savoir comment produire des outils en ligne pour que les gens les utilisent gratuitement, des gens comme moi qui sont des photographes mais pas des designers de livres.
J'avais donc besoin de franchir une étape, je voulais faire quelque chose de beau sans forcément faire quelque chose de très design, mais privilégier des images de haute qualité, une qualité d'impression importante, tout ce dont on a besoin pour faire un livre de qualité.
J'ai passé une année de ma vie en ne faisant aucun argent, dépensant tout l'argent que j'avais, convainquant mon mari que c'était une bonne idée. J'ai trouvé la société pour investir pendant un an avec l'aide de la France dans mon réseau. On a crée un business plan. Je suis le fondateur.
C'est vraiment cela. Combien de fois je suis rentrée chez moi et j'ai dit à mon mari « Je n'arrive pas à croire que j'ai trouvé un moyen de faire ça … »
Comment avez-vous trouvé le nom ?
Cela veut dire « quelque chose » en anglais. Je sais que c'est un mot amusant en français ! Je ne voulais pas dire « publication », je ne voulais pas dire « livre », parce que je sais que les gens veulent créer un objet concret, et c'est le cas, mais aussi une production digitale, les deux.
Comment définiriez-vous Blurb aujourd'hui ? C'est un éditeur ? Un imprimeur ?
Nous sommes une plateforme capable de vous publier. C'est une plateforme créative. Cela veut dire que nous avons les outils pour créer et distribuer. Vous pouvez aussi créer une série de livres chez Blurb, c'est une solution de départ si vous voulez publier vos travaux.
Comment expliquez-vous le succès de Blurb ? Ses raisons ?
Donner aux gens cette possibilité de faire un livre, c'est juste une dépense et cela devient une maladie. La clé de notre succès est vraiment sociale parce que c'est vraiment contagieux. Quand vous voulez faire un livre en utilisant Blurb, vous aurez bon espoir d'avoir une qualité si extraordinaire que vous voudrez le montrer à tout le monde. Et ils vous diront tous « Mais comment tu as fait ça? » et vous direz « Blurb ».
La deuxième raison est que je savais grâce à mon expérience passée que ce serait vraiment important pour cette entreprise d'être totalement honnête, et de véhiculer des livres bon marché dans le monde entier. Si progressivement nous avons obtenu l'endroit où nous pouvions vraiment commencer à localisent notre site Web et à traduire nos outils dans une langue, le français fut la toute première.
N'est-il pas difficile de se faire un nom dans des pays qui ont une véritable tradition du papier photographique ?
Vous devez commencer. J'ai pas dit que c'était simple, ce n'est pas simple. Avec la France, nous avons de bonnes relations : nous allons à Arles, à Perpignan, à Paris Photo, au Salon de la photo, donc Blurb peut se faire connaître, et ils sont ravis de nous voir, comme de vieux amis. Les gens dans une entreprise, une communauté, ont confiance.
Les maisons d'éditions traditionnelles et les éditeurs ne vous ont pas critiqué?
Bien sûr que si (Rire) ! Je pense qu'au départ ils ont tous dû penser que ce n'était pas une bonne chose. La qualité ne pourrait pas être bonne, ni la qualité du contenu du livre. Et c'est difficile de retranscrire la qualité exacte dans un livre de photographies. Dans les premiers jours je pensais que c'était de la méfiance mais deux choses sont arrivées. La première a été l'objectif de notre société. Nous savions que si nous voulions produire un objet de qualité ce serait bien pour les photographes.
La seconde est la technologie elle-même. La technologie d'impression s'est vraiment améliorée depuis les 3, 4 dernières années. Et la combinaison de cet objectif et de la technologie elle-même est vraiment capable de produire un niveau de qualité élevé.
Désormais, beaucoup des plus grandes maisons d'éditions de livre comme en Allemagne, font appel à nous pour les aider sur leurs projets.
Par exemple, le livre avec Nike c'était à propos de quoi ?
Un jour ils ont ouvert de nouveaux magasins dans de nouvelles zones géographiques et ils ont voulu en faire une grande première donc ils ont cherché un moyen, un moyen médiatique pour ce grand évènement ; ils ont créé un livre en interne pour parler de l'évènement.
Disney a réalisé un film Pixar et ils ont fait un livre sur le making of du film qu'ils ont donné à tous ceux qui ont travaillé sur le film. C'était vraiment une exclusivité, une édition limitée que vous ne pouvez pas en obtenir , et, bien sûr, tout le monde a voulu l'avoir.
Je suis sûre qu'un jour on le trouvera sur ebay et il vaudra 5000 dollars ou quelque chose comme ça. C'est impressionnant.
En parlant d'impression, des techniques. Comment faites vous pour baisser autant le prix d'impression et pour obtenir une aussi bonne qualité en même temps ?
C'est difficile. Cela a été la question principale quand j'ai débuté l'entreprise, “pourrons nous faire de l'argent avec une simple copie d'un livre tout en voulant avoir une autre qualité ou ce n'est pas la peine” ?
Cette tendance entre les deux a été le challenge de la création de l'entreprise. Nous avons décidé que ce serait le challenge de départ dans ce business. Nous avons décidé de ne pas être nos propres imprimeurs donc nous avons pris des partenaires, tout cela est commercial.
Nous sommes en relation avec 7 grands partenaires partout dans le monde et en Europe. Nous les voulions vraiment et nous nous sommes dit “ok, nous pensons pouvoir vendre beaucoup d'exemplaires, s'il vous plait croyez nous” (rire). Nous en avons trouvé un qui a dit oui, nous l'avons essayé.
Nous sommes allés dans des librairies et nous avons regardé combien coutait un livre et combien il revenait au libraire. Et nous avons pensé que les gens paieraient un peu plus si c'était leur propre livre.
Travaillez-vous avec des rédacteurs ou des éditeurs pour aider, donner des conseils ou produire les livres Blurb ?
Ce que nous faisons c'est que nous avons un réseau de gens et quand les gens nous contactent pour connaître un designer ou quelqu'un comme cela, nous faisons des connections. C'est une communauté.
N'avez-vous pas des éditeurs ou rédacteurs qui travaillent pour blurb ?
Non, car nous ne voyons pas tous les livres. Quand vous faites un livre il y a un logiciel qui l'envoie partout dans le monde.
Combien de livres publiez-vous?
L'année dernière, nous avons fait plus de 400 000 livres, quatre mille titres. Des exemplaires, nous en avons vendu près d'un million.
Vous avez peut être découvert des artistes ou des photographes?
Tout le temps. Il y a un livre, The yakuza, qui est l'un de mes préférés. C'est un très beau livre. Vous connaissez Joyce Tennesson ? Une photographe commerciale américaine, très connue, je l'ai rencontrée par le biais de Blurb. Elle allait faire une expo aux Etats-Unis, elle a invité 70 photographes du monde entier à lui envoyer une photo et du résultat est né un livre. C'est un exemple parmi tant d'autres.
Un autre livre sur la mafia japonaise. Il a fallu trois ans à l'auteur pour introduire cette mafia.
La chose la plus inattendue de cette société est que j'ai la chance de rencontrer tant de talents, de photographes du monde entier, des gens ou je me disais “mon dieu” j'ai rencontré ces gens fantastiques, nous avons échangé.
Connaissez-vous Duane Michals ? Nous avons parlé ensemble, un photographe nous a pris en photo. Quand j'étudiais la photographie à l'école c'était mon héros. C'est un personnage fantastique.