Couverture du livre Kapisa, de Jean-Christophe Hanché
Lumineux. Les clichés du livre photographique de Jean-Christophe Hanché éclairent d'un jour nouveau le quotidien de nos soldats français en Afghanistan. Sur 50 jours -et beaucoup plus de photos- de reportage au sein d'un régiment de l'armée française, dans la province de Kapisa, l'artiste informe, s'imprègne et témoigne. Dans une volonté de transparence, il nous projette dans une réalité frontale et dangereuse : celle d'être en uniforme dans une zone de conflit armé.
Un livre de photos, mais aussi de texte écrit par le photographe lui-même. Pour raconter, rendre compte le plus simplement possible de son quotidien qui a croisé celui de soldats français. Un projet et un livre financés par ses propres moyens, mais aussi à l'aide d'une subvention de sa ville (Reims) ou d'une collecte de fonds sur le site Kisskissbankbank.
Ce travail est le fruit d'une longue année de préparation, qu'elle soit administrative ou physique, afin de se rendre dans une des zones les plus dangereuses d'Afghanistan. 50 jours de terrain effectués en deux fois, entre janvier et juin 2011. « J'avais déjà couvert des zones de conflit, mais c'était ma première fois embedded », nous confie Jean-Christophe hanché. Cela signifie qu'il était un membre à part entière du régiment (environ 35 hommes). A la base, mais aussi durant de périlleuses missions de reconnaissance ou de sécurisation de la route qui contourne l'est de Kaboul, la capitale. Une proximité de tous les instants, qui transparait dans ces hommes, ces visages, ces moments d'une vie suspendue où vie et survie se chevauchent.
Ces soldats, Jean-Christophe Hanché les a rencontrés à Bourg Saint Maurice, durant dix jours d'entraînement et de préparation de la mission, de sa mission. Il doit apprendre à porter un gilet par-balles, lourd, et un sac, très lourd. Il fait connaissance avec des « gamins de 18-20 ans », très entrainés pour leur mission, de six mois, sans répit ni congés. Ces jeunes qui postulent dans l'armée pour un travail, rien de plus, avec « la sécurité de l'emploi ». Deux termes qui peuvent paraître antinomique au vue de la destination, mais qui n'empêche pas une pleine conscience de la situation qu'ils vont affronter. Le photographe prendra l'avion militaire avec eux, direction Kaboul, direction la guerre.
A son arrivée, il prend immédiatement un hélicoptère pour rejoindre la base de Tagab. En Afghanistan, le photographe, seul journaliste français accrédité à ce moment précis, prend part à tous les moments de la vie d'un soldat en mission. Débriefing, repos à la base, échanges de tir, repas. Jean-Christophe Hanché vit en soldat. « J'ai eu la chance d'être bien accepté dans le régiment, d'être respecté, dans un groupe bienveillant », confie t-il. La confiance est venue, petit à petit. « Un vrai confort de travail ». La peur ? Jean-Christophe Hanché fait avec. L'éloignement de ses proches aussi. Il savoure la chance de pouvoir exercer son métier, d'être « sur le terrain ».
Pour les soldats qu'il photographie, c'est l'éternel dilemme. Partager ce que l'on vit, au risque d'inquiéter sa famille, ou échanger des banalités et regretter ensuite de « ne rien se dire ». Ils choisissent tous la deuxième solution. Pour être fort, en cohésion avec ce groupe qui est leur seul salut. Avec le manque d'intimité, la promiscuité, ils se connaissent tous par cœur et ne pourraient ne pas s'entendre. « Ils ont leurs codes, leurs blagues, c'est un monde à part ». Mais ces jeunes soldats font preuve « d'une très grande maturité, d'un très grand sang-froid, pas des fous de la gâchette », ajoute le photographe. Dans une zone de guerre, ils frôlent la mort, mais doivent aussi composer avec le manque de matériel, de financements. Des petits "rien" qui ajoute encore un peu au contexte déjà hostile.
Dans le dur. Telle est la situation du photographe. Dès lors, ces clichés au plus près, en grand angle, répondent à sa volonté de « transparence », en retrait, pour ne jamais interférer. Mais permettent également de saisir l'humanité émanant de ces corps, durs et fragiles à la fois. Ces hommes et ces femmes qui n'aspirent, à la fin, qu'à rentrer chez eux entier. Non recadrées, les images saisissent et les textes expliquent. Dans un langage simple et concis, « je voulais qu'il ressemble à ma façon de photographier », explique Jean-Christophe Hanché. « Maintenant j'ai vu » dit Jean-Christophe Hanché au début de son ouvrage. Maintenant, nous aussi.
Kapisa, par Jean-Christophe Hanché, octobre 2011
Environ 250 pages
Livre auto-édité sur presse d'Alliance Partenaires Graphique
Prix :25 euros site de Jean-Christophe Hanché : (www.jeanchristophehanche.com)
Texte et propos recueillis par Mathieu Brancourt, le 23 février 2012.