Vous préparez actuellement l'exposition " Aller-retour" sur le métro parisien qui a été sélectionnée par la Mairie de Paris pour la Nuit Blanche 2010. Quel a été votre parcours pour décrocher cette exposition?
« Aller-retour » est une exposition qui s'est déroulée en deux temps à Paris : la première partie « Aller » s'est tenue en novembre 2009 au Bataclan Café et a été suivie par le « Retour » en mars 2010 au Café Rouge. Ce n'est qu'en mars que mon travail photographique s'est fait remarqué. L'expo a connu un vrai succès auprès du public parisien et a bénéficié d'une bonne presse. J'ai donc déposé mon dossier de candidature pour la Nuit Blanche 2010 le matin du dernier jour de mon exposition qui, par le plus grand des hasards, s'est avéré être aussi le jour de clôture de la réception des dossiers. Dès l'après-midi, une délégation composée de trois personnes de la Direction des Affaires Culturelles de la Ville de Paris venait visiter l'expo; elless allaient défendre mon projet. Et manifestement, elles l'ont bien défendu...
Vous avez choisi de faire des photographies argentiques en noir et blanc. Pourquoi un tel choix ?
Je ne sais pas faire autre chose. J'ai bien tenté de m'essayer à la couleur tout au début mais ça n'a rien donné. Je me suis laissé une pellicule puis je me suis tout de suite mis au noir et blanc qui me parlait davantage. Je n'attache pas une grande importance aux appareils. J'utilise ce
que j'ai sous la main. Ce qui compte pour moi c'est l'argentique. J'aime le grain, ce côté ancien, intemporel et poétique propre au noir et blanc argentique. Je me suis lancé seul avec des bouquins et avec du temps. J'ai reçu mon premier appareil photo pour 13 ans mais ce n'est seulement qu'à mes 19 ans que j'ai appris à jouer avec. J'utilise aujourd'hui plusieurs appareils photos plutôt anciens, achetés d'occasion le plus souvent, toutes marques confondues mais toujours argentiques et manuels. Pour la série sur le métro, j'ai essentielement utilisé un Minolta et un Tokura en 50 mm et en 28-70 quand j'avais besoin de plus de confort d'utilisation. Mais je me plais à dire qu'un appareil photo n'est qu'un outil, Le côté technique n'est pas ce qui m'intéresse le plus en photo. Je prends ce qui m'interpelle; peu importe avec quoi et comment.
Vous avez un sens du cadrage particulier. En tant que spectateur, on se sent un peu caché. Quelles sont vos influences ? Comment se manifestent vos inspirations ?
Mes premières photos ont souvent été prises de loin probablement par peur et manque de confiance. A cette époque, je me cachais encore avec mon appareil et je me plaisais à prendre des silhouettes en arrière plan avec un cadrage bien réfléchi. Et puis peu à peu, j'ai compris que la photo pouvait être autre chose; je me suis petit à petit rappoché de mes sujets. J'ai appris à assumer mon appareil photo jusqu'à prendre les gens de face dans le métro. L'exercice a été terrible. Je tend maintenant davantage à me rapprocher des gens, à voler des instants de vie et à capturer les moments comme ils me viennent sans reflexion préalable.
Comment avez vous pris la photographie de la fille qui crie ?
C'est une très bonne amie. C'était la nuit, on revenait de soirée. Je l'avais raccompagnée sur le quai. La sonnerie a retenti, elle est montée dans le wagon, les portent se sont fermées. Le métro a démarré puis a pris de la vitesse. Je l'ai suivie du regard en courant à côté sur le quai, doucement d'abord puis de plus en plus vite. J'ai alors dégainé mon appareil puis sans faire aucun réglage, j'ai pris la photo. J'ai déclenché juste pour le plaisir de capter le moment en étant persuadé d'avoir encore une fois gâché une photo. Cette est pour moi aujourd'hui l'une de mes plus belles. Il y a pour moi dans ce cliché, toute la magie de la photographie.
Comment vous est venu votre intérêt ou votre passion pour la photographie ?
En me promenant le long de la Seine, j'avais vu une femme sous le Pont de la Tournelle. Elle regardait dans un boitier, immobile. La situation m'intriguait et je me demandais ce qu'elle pouvait bien faire, statique, à attendre. Elle prenait simplement une photo. Cette situation m'avait intrigué et je m'étais alors promis de revenir le lendemain pour faire la même chose.
C'était il y a combien de temps ?
J'étais à Jussieu. Juste en face. Je séchais honteusement mes cours
de mathématiques délaissant ainsi lamentablement les intégrales
pour aller pérégriner sur les quais de la Seine. J'avais 19ans.
Pourquoi avoir choisi le métro comme "thème" ?
Le métro est un formidable lieu de vie qui transpire Paris. C'est une scène effervescente et cosmopolite qui déborde de vie. Le métro est une véritable ville sous la ville enfouie, un souterrain urbain clos, caché extrêmement riche où tout se mêle et s'entremêle. J'aime ça. Et puis le métro est un lieu accessible que je connais bien pour l'avoir umprunté plus que de raison, encore aujourd'hui.
Avez-vous rencontré des problèmes d'autorisations ?
J'ai bien tenté de collaborer avec la RATP en leur faisant part de mon travail photographique mais les envois des dossiers de presse et les multiples coups de téléphones sont restés - hélas - sans réponse. Et c'est bien dommage.
Concernant le droit à l'image, la question ne s'est pas encore posée mais si d'aventure un jour elle devait se poser, alors je me ferai un plaisir d'offrir une photo signée à la personne qui se sera reconnue. Cependant, on n'y est pas encore car j'ai souvent pris des silhouettes. Je ne m'inquiète pas trop; Et puis, je n'ai pas franchement l'impression de voler des moments intimes ou interdits. Le
jour où je ferai un reportage à la sortie des Peep Show, peut-être qu'il y aura à ce moment-là des photos compromettantes. Mais là dans un métro, généralement j'ai pas l'impression d'embêter grand monde...
Une grande partie de vos clichés font une large place au 'mouvement' et à la 'vitesse'. D'où provient votre fascination pour le mouvement ?
Dans la rame, je ne suis pas un voyageur immobile. Le métro est une scène vivante où tout va vite, très vite. Il y a du mouvement partout tout le temps. Si on regarde autour de nous, dans la plupart des cas, on s'aperçoit que là où il y a de la vie, il y a du mouvement. Et ce mouvement-là, en photo, j'essaye de l'exprimer avec des flous.
Vous exposez dans des cafés, des galeries, des festivals. Quels ont étés les commentaires et témoignages des visiteurs ?
L'expo a été plutôt bien accueillie et a beaucoup plus au public parisien. Elle a aussi bénéficié d'une bonne presse. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je continue à exposer... Je crois que le succès de cette expo s'explique par le fait que le métro est un sujet qui parle à chacun d'entre nous. C'est comme l'école, on y est tous passés et on a tous son avis dessus; après, on aime ou on n'aime pas mais on connait.
C'est vrai que vos photos ont plutôt tendance à nous faire aimer le métro que le contraire.
Les gens me le disent assez souvent et voient dans mes clichés beaucoup de poésie mais il faut savoir que je prends en photo le métro comme je le vois, sans aucun parti pris. Je ne cherche pas à rendre le métro particulièrement joli ou poétique ni à faire passer un quelconque message dans mes images.
La prochaine étape ?
J'ai plusieurs projets : J'ai eu la chance de pouvoir avoir l'autorisation d'intégrer la communauté juive orthodoxe de Paris au printemps dernier. J'ai exposé une quinzaine d'images au
Festival des Cultures Juives à Paris. Un premier jet. J'aimerais maintenant poursuivre ce travail et aller plus loin ces deux prochaines années. C'est un sujet qui me parle et qui s'est encore rarement vu en noir et blanc à Paris. J'ai également une autre idée pour une nouvelle Nuit Blanche et puis je continue de photographier les Aéroports de Paris et Paris à 18h.
Il se passe quoi à 18h ?
Secret...
Anaelle Le Roy