En France, on a découvert le photographe Mat Hennek grâce à ses portraits originaux de musiciens classiques. Ces derniers sont exposés à la villa Wahnfried à Bayreuth jusqu’au 31 août 2009, et le catalogue en vente sur son site internet. Anciennement connu sous le pseudonyme de « Kasskara », ce photographe a renouvelé ces dernières années l’esthétique de la musique classique par ses portraits qui cherchent l’âme de ses interprètes et celle de la musique, passante entre leurs mains.
Je ne pourrais pas aborder son travail en termes techniques, mais seulement porter un regard de littéraire sur l’émotion qu’ils provoquent. Tour à tour, Mat Hennek incorpore l’être humain à son instrument ou bien il incorpore le musicien à la Nature comme dans cette photographie du pianiste Lang Lang, réalisant ainsi une union visuelle du tangible et du subtil. (© Mat Hennek/Courtesy Galerie Bernheimer/ Lang Lang, Hamburg 2005). D’autres photographies sont disponibles sur le site de Mat Hennek, comme celles des interprètes français Renaud Capuçon, dont l’ombre grave du violon se suspend sur le visage, et Hélène Grimaud, paupières baissées dont la courbe suit celle de la roche derrière elle, nous rappelant ce qu’écrivit le journaliste Jonas Pulver dans Le Temps sur le jeu et la présence "minérale" de la pianiste.
Mat Hennek présente également pour l’exposition Landscape à Munich et pour Woodlands au Grand Hyatt de Berlin jusqu’au 31 décembre 2009 une série de paysages naturels dont les êtres humains sont absents. Comme le photographe le déclare au journal allemand Crescendo : "l’homme disparaît de mes images cette fois, il fait place à la nature. L’âme et la musique, je peux aussi les rendre plus visibles sans l’homme".
Grâce à son talent, nous découvrons de véritables portraits d’arbres. Je dis “portrait” parce que Mat Hennek sait rencontrer l’âme d’un paysage comme peu d’artistes l’ont fait, la plupart étant tentés de lire leur propre état d’âme dans la Nature au lieu de l’accueillir telle qu’elle est.
Dans la photographie ci-dessous, il annule la notion de repères spatiaux, efface les sols et l’horizon du ciel. Les lignes verticales des troncs nous révèlent la sonorité de leur écorce et leurs couleurs habitées, tout ce jeu de "correspondances" cher à Baudelaire écrivant "La Nature est un temple où de vivants piliers/ Laissent parfois sortir de confuses paroles". Mat Hennek ne les donne pas seulement à voir, il les donne à éprouver par son graphisme mystique qui transforme un paysage en une pure abstraction.
C’est impossible de ne pas se sentir alors absorbé dans la membrane de cette forêt, comme par une fusion d’âmes. Il y a dans ce qui est beau un puissant chemin spirituel. Nul besoin de l’homme en effet car, cette fois-ci, c’est le spectateur qui se trouve tout entier incorporé dans la Nature. Et sans doute, enfin, il retrouve sa juste place.
Ci-dessous : © Mat Hennek / Sissikon I, 2008
Archival Pigment Print on German Etching Paper
mounted and framed
63 x 63 cm : Edition of 6 and 110 x 110 cm : Edition of 3.
Laureline Amanieux, ©.
Website de Mat Hennek : http://www.mat-hennek.com/