Prisons Édition Neus Support Livre relié Nb de pages 432 p. ISBN-13 979-10-92388-05-3 GTIN13 (EAN13) 9791092388053
Au-delà des barreaux, des cellules exiguës et sombres, des couloirs interminables, des cours de promenade austères, la réalité de la prison relève de la sensation : odeurs, bruit permanent, monotonie, ennui, violence... La prison nourrit le fantasme.
Parfois la réalité est plus banale qu'on ne l'imagine. L'horreur de l'incarcération se joue sur d'infimes petites choses, transformant le quotidien en cauchemar : les portes fermées des cellules en permanence, la solitude, la peur de la promenade où tout peut arriver, le temps passé à ne rien faire, des journées, des semaines, des mois vides. C'est cette réalité de l'enfermement que je veux photographier, loin des clichés, des images chocs. Je veux saisir l'indicible, le temps qui s'arrête, la vie qui rétrécit, qui s'efface » G.K.
Prisons nous emmène découvrir la réalité quotidienne d'une vingtaine d'établissements carcéraux français. Ses photos cassent nombre de fantasmes qui continuent à alimenter les discussions sur le sujet. En effet, le photographe Grégoire Korganow propose dans cet ouvrage des photos frontales, sans aucune mise en scène ou artifice. Pour lui, le pire aurait été de montrer du pathos, nourrissant déjà en majorité les représentations de ces lieux de privation de liberté au cinéma ou dans la littérature.
Dans les 420 pages qui constituent cet ouvrage, nous ne découvrons aucun visage, aucune histoire n'est racontée. Les photographies sont brièvement décrites en fin d'ouvrage, de quelques mots succincts. Ils dévoilent uniquement la partie de l'établissement dans laquelle l'image a été prise et seul un épilogue casse le silence narratif de l'ouvrage, rédigé de la plume du photographe lui-même.
Ce livre est divisé en 14 parties, non nommées et uniquement séparées par une double page noire, comme une pause avant d’entrouvrir une prochaine porte vers l'enfer. Ces dernières sont intelligemment classées, comme si le lecteur était lui-même un visiteur impuissant de ces lieux et vivait en parallèle ce quotidien interminable et anxiogène de solitude, d'enfermement et de menaces. Des cours de promenades aux cellules de haute sécurité – le mitard - en passant par les activités proposées, la distribution des repas ou encore les douches.
C'est la misère qui ressort majoritairement de tous ces clichés. Des murs qui tombent en ruine, des détritus qui jonchent le sol jusqu'aux moindres recoins, des cellules surpeuplées dans lesquelles certains détenus dorment sur un matelas à même le sol, des hommes et des femmes qui se meuvent tels des fantômes dans ces couloirs gris et froids.
De nombreuses photos présentent des prisonniers de dos, prostrés devant leurs fenêtres, s'autorisant d'imaginer des jours meilleurs. Des âmes en peine qui rôdent dans des cours de promenades, tentant de garder une forme physique approximative grâce à des barres de traction.
Mais à travers ces photos presque monotones d'un quotidien sans fin, des moments d'émotion s'invitent durant les passages au parloir. On aperçoit un père qui retrouve son enfant en bas âge et qui le prend dans ses bras. Un couple encore soudé malgré les épreuves qui s'enlace amoureusement sous l'oeil attentif des gardiens. Le regard inquiet et étonnamment adulte d'une petite fille qui entrevoit l'appareil photo derrière une porte.
Un livre qui remet en question la situation judiciaire en France et notamment sur sa politique du tout carcéral. L'ouvrage « Prisons » est à découvrir sans plus attendre.
Anaïs Schacher