Galerie VU' 58, rue Saint-Lazare 75009 Paris France
Cité de l'Architecture et du Patrimoine 1 place du Trocadéro 75116 Paris France
Nous vivons un moment d’ouverture, d’élargissement de nos horizons. Des milliers d’Européens ont su s’arracher à leur monde familier, quitter leur ville pour aller vivre, travailler, étudier ailleurs. Poussés par la nécessité, mais aussi mus par la curiosité, ils se familiarisent avec d’autres manières de vivre et de penser. Ils renégocient leurs identités premières. Ils se forment et se transforment.
Près de vingt ans après la chute du Mur de Berlin, quatre ans après l’élargissement de mai 2004, ces transformations ont acquis une ampleur dont nous sommes loin d’avoir pris toute la mesure.
C’est en parcourant six villes européennes emblématiques - Timişoara, Turin, Łódź, Dublin, Malmö et Belgrade - que les chercheurs de Notre Europe (groupe de recherche fondé par Jacques Delors en 1996) et six photographes de l’Agence VU’ ont cherché à comprendre la portée de ces bouleversements. Les témoignages et les images qu’ils en ont ramenés nous font apercevoir comment l’Europe se fabrique jour après jour, “à hauteur d’homme”.
Cette initiative est un prolongement des recherches sur l’identité européenne coordonnées par Aziliz Gouez, chercheuse à Notre Europe.
Elle s’inscrit dans le cadre des objectifs définis pour accompagner la Présidence Française du Conseil de l’Union Européenne, l’Année Européenne du dialogue interculturel et dans la thématique du prochain Mois de la Photographie consacré aux mutations et transformations de l’Europe contemporaine.
Une exposition et un livre
Présentée à la Cité de l’architecture & du patrimoine du 16 octobre au 20 novembre 2008, l’exposition sera ensuite montrée à Bruxelles (de 24 au 30 novembre) puis elle voyagera dans les six villes du projet tout au long de l’année 2009. Elle accompagne la publication d’un livre éponyme chez Filigranes Editions. Ecrit en anglais et en français, l’ouvrage rassemble les images des photographes, les analyses des chercheurs et de nombreux témoignages recueillis par ces derniers dans les villes concernées. Il est disponible en librairie au prix de 25 euros.
« L’Europe est en construction. Il reste beaucoup à bâtir et nous nous y employons. Pour que l’Europe soit le lieu de l’échange, des partages, de l’avenir, des convictions et des fidélités – critiques – au passé qui la fonde.
L’Europe est moins un espace physique qu’une capacité à réinventer nos relations – celles entre les Européens et celles avec le reste du monde. L’Europe n’existe vraiment que parce qu’elle répond aux défis de l’Histoire.
L’Europe est faite de strates successives, en constante évolution, qui cohabitent et s’entrecroisent, se heurtent et se nourrissent les unes des autres. Cela remonte à la nuit des temps, aux interactions entre la violence et les apports des Romains, des Barbares, des Turcs, et des autres qui, envahisseurs puis constructeurs, ont laissé leur marque, dans l’architecture, dans la culture, ont su modeler les espaces en apprivoisant des lumières et en les confrontant à leurs propres modèles.
Européens, nous n’avons pas seulement des intérêts communs ; nous sommes dépositaires d’une mémoire, des enjeux de la mémoire face à l’Histoire. Savoir d’où l’on vient peut nous permettre de fonder une vision commune. C’est dans cette dialectique entre idéal et nécessité, entre mémoire et discernement, entre reconnaissance de ce qui fut et invention de demain que se fabrique l’Europe.
Dans ce processus, les villes sont évidemment essentielles. Lieu de la mémoire, la ville est en même temps le lieu des enjeux communs et donc de l’avancée vers le futur. La ville européenne a été et reste le lieu de l’échange et de l’innovation. Dans un monde en mouvement permanent, elle est le point de rencontre obligé, naturel, le lieu de croisement des flux et le lieu de leur inscription. Elle est le carrefour qui permet les évolutions. Ainsi, chaque ville, dans son architecture, dans les signes qu’elle conserve ou efface, dans les circulations qu’elle établit, renouvelle le cours de son histoire. La ville sollicite sans cesse notre imagination, nous propose d’inventer. Elle exige de nous un constant renouvellement.
Au cours des trente dernières années, les villes européennes se sont transformées de façon spectaculaire. Elles ont subi le choc des crises de l’industrie et ont été, souvent, capables de l’assumer. Les villes sont des lieux de frictions, de questionnement – des révélateurs. Elles sont le recueil des souffrances et des évolutions, où affleurent les beautés et les rides de la société contemporaine. Mélange, conflit, accord, apport mutuel – les migrations sont un facteur omniprésent dans l’évolution des villes et des populations. Tout va de plus en plus vite. Arrivent d’autres continents des hommes et des femmes qui considèrent que notre espace européen est un lieu de dignité retrouvée et de bonheur possible. Au même moment des usines sont délocalisées, des commerces ferment, de nouvelles activités voient le jour. Tout cela redessine les villes, crée des tensions, des envies, du futur, des drames et des bonheurs possibles. Tout cela trace les contours des nouvelles figures de notre vie collective.
Vivre ensemble, c’est le défi des villes, comme c’est celui de l’Europe. Et celles-là qui, à une époque, se sont enfermées derrière des murailles, ont été obligées de s’ouvrir, pour s’agrandir, pour respirer, pour aller vers les autres. Les questions fondamentales posées aux villes sont les mêmes qui se posent à l’Europe. Et c’est dans les villes qu’il s’agit de les résoudre. Choisir de partir des villes pour parler de l’Europe, c’est donc une forme de réalisme, une façon d’éviter les nostalgies sans perspective et de dire que l’enjeu se situe ici, tout près de nous.
Les photographies des six villes présentées dans ce livre, les mots des Européens croisés sur le sentier de ces villes sont autant de manières singulières de questionner la fabrique de l’Europe contemporaine.
Toutes interrogent plus qu’elles ne démontrent l’Europe en ce début de xxi e siècle.
Alors que nous sommes plus que jamais invités à circuler dans un espace commun, nous avons le devoir, dans nos cités, de chercher à vivre ensemble et de partager des visions qui redonnent l’espoir. » Jacques Delors
Christian Caujolle
TimiŞoara
« La Roumanie vit probablement le troisième grand moment de son histoire : après la Petite et la Grande Union, l’union avec l’Europe.
Imaginé par des intellectuels du xixe siècle qui firent leurs études à Paris, s’inspirèrent de la Constitution belge et choisirent comme roi un prince prussien, ce pays est imprégné d’une fascination pour le modèle occidental dont l’envers est souvent une certaine déconsidération de soi. Sommesnous vraiment dans les Balkans ? Plus on avance vers l’ouest du pays, plus l’influence centre-européenne se fait sentir. Si l’on en croit les Banatais, la culture locale serait plus “civilisée”, plus policée, qu’à l’est de la Roumanie.
À Timişoara, certains vieux quartiers portent encore des noms impériaux, Iosefin et Elisabetin. Mais sur la place de l’Union, le Palais baroque est désormais encadré par des restaurants italiens. Les Roumains s’y mêlent aux entrepreneurs de Trévise et de Cuneo. Les Italiens sont venus par milliers, à la recherche d’opportunités économiques. Achetant les terres agricoles, spéculant sur la hausse des prix de l’immobilier, reprenant des vieilles fabriques pour y installer de petites unités de production, ils participent à l’essor économique de Timişoara. La région connaît depuis quinze ans un cycle d’expansion rapide : projet d’autoroute, liaisons aériennes quotidiennes vers Vienne, Vérone et Turin – les relations avec le reste de l’Europe s’affirment jour après jour. Mais pour la ville de Timişoara, dont l’identité s’est forgée dans la rencontre entre les vagues successives de colonisation serbe, hongroise et allemande, ce brassage européen a un goût de déjà-vu… »
Aziliz Gouez et CRISTINA STĂNCULESCU
« À la frontière du documentaire et de la fiction, mon approche photographique allie préoccupation documentaire et recherche esthétique.
Photographier relève alors, au sens artistique et humain, d’une rencontre.
À Timişoara je me suis intéressé aux deux groupes qui coexistent aujourd’hui dans cette ville : ceux d’avant et ceux d’après la révolution de 1989. Pour montrer les deux faces de cette société, j’ai photographié la “machine de vie” de Timişoara : l’industrie, le commerce, l’autorité, les loisirs, la famille. »
RIP HOPKINS
« Turin, porte de l’Europe en Italie, première capitale du pays, grande dame et farouche contestatrice, est devenue une cité post-industrielle.Que reste-t-il de la ville de Fiat après les manifestations de l’automne 1969, le redéploiement de ses usines en Pologne et en Serbie, et après la mort de son Avvocato, Gianni Agnelli ? L’empire automobile est désormais dépassé par sa légende, comme l’illustre l’envahissement des rues par les nouvelles Fiat 500. Ce n’est plus vraiment la voiture du prolétariat… Pourtant, la ville qui se pique d’avoir enseigné aux Italiens la discipline reste la cité la plus méridionale du Nord ; ici, les partisans de la sécession viennent des Pouilles ou de Sicile, car vague après vague d’immigration, on trouve toujours un plus basané que soi pour porter le poids de ses infamies.
Turin est aujourd’hui une ville qui se cherche. Le Lingotto, siège historique du groupe Fiat, abrite désormais la Pinacothèque, l’École polytechnique, mais surtout un immense centre commercial. Le site de Mirafiori, une fois sa requalification achevée, deviendra le lieu de la création et du design.
Turin essaie de se réinventer en valorisant ce qu’elle fut : la culture et le tourisme, la recherche et l’innovation technique. Les Piémontais semblent avoir saisi avant les autres que la vraie richesse réside dans ce qu’ils ont été et pas dans ce qu’ils ont accumulé. C’est alors qu’avec les doigts pleins de chocolat, on sourit en pensant que l’homme le plus riche d’Italie n’est pas le Cavaliere d’Arcore, mais un certain monsieur Ferrero de Cuneo ! »
LYNDA DEMATTEO
« J’ai essayé de voir Turin comme un étranger qui visite cette ville pour la première fois, de cacher mes origines, d’oublier que je suis turinois.
Sans succès, car Turin fait partie de moi : c’est dans cette ville que j’ai construit mon alphabet visuel. J’ai retrouvé les traces de cet alphabet en réfléchissant aux “fabriques de l’Europe”. Qu’il ait connu le temps où tout le monde avait un parent ou un ami travaillant dans les imposantes fabriques de la Fiat, ou que – arrivé de Roumanie, du Maroc ou d’Albanie – il participe aujourd’hui à la fabrique de l’identité européenne de la ville, chaque Turinois porte en lui la notion de fabrique, dans son sens le plus large. »
PAOLO VERZONE
ŁÓdŹ
« Le coeur de la Pologne abrite une Terre promise. Au carrefour de l’Europe, aux confins de l’Empire russe, la petite ville de Łódź a poussé comme un champignon au xixe siècle jusqu’à devenir l’une des capitales industrielles d’Europe centrale. Les innombrables cheminées des usines et les somptueux palais des fabricants Poznański, Scheibler ou Geyer sont les témoins de cet âge d’or. L’identité de Łódź est une tapisserie bariolée, tissée par des mains polonaises, juives, allemandes et russes qui changèrent continuellement de fils. Chaque matin, le hurlement des sirènes appelait les ouvriers au travail. Le déclin de l’industrie textile, dans les années 1990, a fait taire le bruit des machines. Łódź trouve aujourd’hui un nouveau souffle. Gravée dans la pierre de la rue Narutowicza, l’inscription Tempora mutantur et nos mutamur in illis [Les temps changent et nous changeons avec eux] nous dit que ce n’est pas la première transition que traverse la ville. L’immense fabrique d’Izrael Poznański a été transformée en centre commercial et culturel dont seuls les briques rouges et le nom – Manufaktura – rappellent encore l’ère industrielle.
Ce site contient en germe la réunion du passé et de l’avenir, de l’ancien et du neuf. La réhabilitation des anciennes cités ouvrières a commencé. Qui aurait imaginé qu’il y eût un jour des lofts chez Scheibler ? Łódź continue de tisser son destin en ajoutant de nouveaux fils à la trame de ses traditions. Ses jours sont rythmés par le ballet des départs et des arrivées des jeunes émigrants et des investisseurs étrangers. Les illustres metteurs en scène sortis de son École de cinéma et son festival Camerimage ont exporté le rêve fabriqué dans les coulisses d’Hollyłódź (prononcez “Hollywoutch”). David Lynch a ainsi trouvé à Łódź sa Terre promise, son Inland Empire. »
katar zyna biniaszczyk et Aziliz Gouez
Dublin
« Lorsque Dublin se regarde dans le miroir, tout a l’air si neuf et inédit – ses vieux récits d’échec et d’émigration sont bien trop usés pour lui aller encore. Telle une adolescente remuante, elle s’est délestée de ses inhibitions et s’est mise à grandir à vue d’oeil, stimulée par de rafraichissantes histoires de prospérité, un élargissement de ses horizons, de nouvelles rencontres.
Impatiente de rattraper son retard, quelque peu chamboulée et désorientée, Dublin s’est plongée dans de hâtives opérations immobilières et dans l’insouciance de la consommation. Dans les anciens quartiers stagnants du centre-ville, les immeubles d’appartements se substituent rapidement aux petites maisons ouvrières et les nouveaux médias du Digital Hub se sont fait une place dans l’enceinte de l’illustre brasserie Guinness. Ailleurs, le Centre international des services financiers navigue sur les tumultueux flux globaux tout en pilotant l’ambitieux projet de réaménagement des anciens docks.
Le destin de l’émigrant irlandais est devenu celui des immigrés d’Europe de l’Est, pour la plupart polonais, débarqués en masse pour ranimer le pouls de la nouvelle Dublin. Alors qu’elle dansait jadis humblement aux carrefours du coin, l’Irlande exhibe aujourd’hui Riverdance sur toutes les scènes du globe, aussi libre de ses mouvements que les multinationales qui lui ont prodigué sans compter leurs investissements. IBM, Dell, Microsoft, Intel, Apple, Google – tous ont succombé à ses charmes, trop contents de trouver une porte d’entrée vers le marché communautaire si flexible et accommodante. Mais Dublin n’est-elle pas devenue trop dépendante de cet argent facilement gagné, alors que ses bienfaiteurs commencent à lorgner vers les propositions alléchantes qui leur sont faites ailleurs ? (…) » Pól O’Beaglaóich
« (…) Voyager, travailler ou faire ses études à l’étranger n’est plus une utopie, c’est le quotidien de bon nombre de jeunes Européens. L’Europe, son principe, son existence même, ne peuvent être remis en cause. On peut juste se poser la question : “Oui, mais quelle Europe ?” C’est ce questionnement qui m’a animé pendant mon séjour à Dublin. La République d’Irlande est sortie d’une misère endémique. Devenue Celtic Tiger, elle n’est plus regardée avec commisération. Mais les Irlandais se prennent parfois à regretter que leurs fameux pubs ne deviennent des “cafés” et que la brasserie Guinness ne soit plus qu’un “attrape-touristes”. (…) »
GILLES FAVIER
« Quand on demande à ceux qui la connaissent de décrire Malmö, il faut
impérativement préciser si l’on parle de la période d’avant ou de celle d’après. Avant, Malmö c’était Kockums – le grand chantier naval, où sont venus travailler par milliers les immigrants arrivés de Yougoslavie, de Grèce ou d’Italie du Nord. Contrairement à la ville voisine de Lund, drapée dans sa vénérable université, Malmö était une ville ouvrière et fière de l’être, cheflieu de la social-démocratie. Et puis il y eut le déclin, la fermeture des usines de textile, puis celle des chantiers navals. La dépression collective gagna la ville. Désorientée, à la recherche de nouvelles stratégies, Malmö n’en a pas moins continué de donner l’asile aux déracinés du monde entier – réfugiés somaliens, serbes, croates ou kosovars ; 167 nationalités ; un tiers de la population de la ville. À la fin des années 1990 commence l’après, qui coïncide avec l’ouverture du pont de l’Øresund – un lien physique mais aussi symbolique entre la Suède et le Danemark, porteur de nouvelles relations.
L’aéroport de Copenhague est devenu celui des gens de Skåne, tandis que des milliers de Danois se sont installés à Malmö, tout en continuant de travailler chaque jour de l’autre côté du chenal. En attendant la Conférence de Copenhague sur le changement climatique, en 2009, Malmö ajoute une extension au prototype de quartier écologique, coloré et hétéroclite, qu’elle a construit en bord de mer sur l’ancien site des chantiers navals. La ville est devenue polyvalente : l’université flambant neuve, les petites entreprises de télécommunication ont attiré une population d’un nouveau genre. Ses habitants commencent tout juste à admettre que Malmö est aujourd’hui dynamique, branchée, cosmopolite. Pour l’instant, lorsqu’ils regardent vers le port, ils continuent de se souvenir de l’immense grue de Kockums, vendue à la Corée pendant le passage de l’avant vers l’après. »
Aziliz Gouez et UTE GUDER
« Malmö a des airs de grand chantier. J’y ai parcouru l’ancien site de Kockums, où la construction de nouveaux logements pousse le port de commerce à se redéployer vers le nord, où le plus haut gratte-ciel de Scandinavie - Turning Torso - a pris la place de l’imposante grue des chantiers navals, et d’où l’on aperçoit le pont qui relie Malmö au “continent”. Dans cette ville d’immigration, je suis ensuite allé à la rencontre des hommes et des femmes qui se réunissent chaque semaine à l’église orthodoxe serbe. Cette présence orthodoxe au coeur de la ville scandinave incarne la complexité et la richesse d’une identité urbaine en pleine transformation. »
Belgrade
« Les images se bousculent et se contredisent lorsque l’on pense à Belgrade : ville insoumise dont le peuple scande en 1941 “Bolje rat nego pakt, bolje grob nego rob” [Plutôt la guerre que le pacte, la tombe que l’esclavage] ; ville meurtrie par le passage successif des armées, de celles de l’Empire ottoman à celles de l’OTAN ; ville à la croisée des chemins, où se rencontrent Save et Danube, Orient et Occident, Balkans et Mitteleuropa – et pourtant ville enclavée où les routes ne passent plus. Quelle place pour la réalité et la rationalité dans une ville qui charrie tant de légendes et ne se livre qu’au terme d’une initiation ? Belgrade et ses habitants ne souffrent pas d’être inconnus mais d’être méconnus. Les guerres yougoslaves, l’indépendance du Monténégro et l’élargissement de l’Union européenne à la Roumanie et à la Bulgarie, en rétrécissant l’espace autour de la Serbie, semblent avoir arrêté le temps. Cela n’empêche pas le turbo-folk de résonner dans les fêtes nocturnes des bateaux sur la Save. De l’autre côté du pont, les nouveaux immeubles de bureaux, Arena (où l’Eurovision 2008 a tenu ses quartiers) et le centre commercial Delta ont transformé Novi Beograd – la corbusienne, la ville-dortoir – en nouveau centre urbain. Les chauffeurs de taxi disent qu’ils ne reconnaissent plus leur ville, que le vrai Beograđanin a disparu, quelque part entre départ des citadins vers des cieux plus cléments et arrivée des réfugiés serbes du Kosovo ou de Krajina. Belgrade, première ville d’un pays aux frontières mouvantes, capitale d’États disparus, garde l’empreinte des mythes dont elle s’est nourrie au siècle dernier : Grande Serbie, État des Slaves du Sud, socialisme à visage humain… L’Union européenne prendrat- elle la relève ? »
LAËTITIA DELAMARE et Aziliz Gouez