Surman, Mars 2016 © Narciso Contreras for the Fondation Carmignac
Surman, June 2016
Migrante présentant des troubles mentaux en cellule d'isolation dans l'un des centres de détention du Surman, sur la côte ouest de la Libye.
© Narciso Contreras for the Fondation Carmignac
2016, cinq ans après la chute de Kadhafi, la Libye « laissée aux mains de milices rivales, est en proie à une crise politique, militaire et humanitaire sans précédent », résume Emeric Glayse, le directeur du Prix Carmignac. Pour son enquête, Narciso Contreras a choisi l'angle des flux migratoires qui profitent aux trafics humains en Libye. En luttant contre une bureaucratie opaque, le photographe est parvenu à la conclusion que le gouvernement libyen ne fait rien pour empêcher ce trafic, et pire encore, le dirige. C'est grâce au centre de presse du Congrès général national (CGN) et quelques contacts personnels que Narciso Contreras a eu accès aux centres de migrants, notamment Garabulli, le plus grand centre du pays.
« Une température de quarante degrés, il règne une puanteur mêlée de transpiration, d'urine et d'excréments qui vous soulève le cœur », nous raconte le texte du photographe et d'Ela Stapley, la journaliste co-auteur du livre. D'autant que ces prisons s'avèrent être les places fortes d'un commerce humain florissant.
Garabuli, Mars 2016 © Narciso Contreras for the Fondation Carmignac
Quatre mains surgissent de la petite fenêtre d'une cellule. Dès la première de couverture du livre Libya : A Human Marketplace, ces doigts suppliants nous appellent à plonger dans la dure réalité des centres de détentions de migrants : surpopulation, problèmes d'hygiène, violences. La légende explique : « Migrants quémandant de l'eau, des cigarettes ou de la nourriture ainsi que leur libération du centre de détention de Garabulli ». Ce centre regroupe nombre de migrants de nationalités et de statuts différents, clandestins, demandeurs d'asile ou réfugiés. Mais tous seront « redistribués » vers d'autres centres, pour être vendus via les réseaux de traite illégale.
Surnam, Juin 2016
Jeune migrante infectée par la gale dans la section féminine du centre de détention de Surman, sur la côte ouest de la Libye.
© Narciso Contreras for the Fondation Carmignac
Narciso Contreras rend compte de la vie de ces humains réduits à l'état de marchandise. Un homme traîné au sol qui crie déchiré par un cancer à l'estomac au stade terminal, les mains craquelées d'une femme infectée par la gale, des corps inanimés sur la plage. Le livre suit le trajet du photographe à travers ses différents voyages. On commence par quelques paysages du pays pour s'engouffrer dans d'oppressants centres de détention. On sort ensuite, mais pour longer les plages, et y croiser quelques cadavres repoussés par la marée. Enfin, le photographe s'intéresse aux sections féminines des centres, pour s'enfermer à nouveau et photographier quelques femmes présentant des troubles mentaux.
Depuis 2010, le photojournaliste s'est intéressé à de nombreux sujets en Asie du Sud et au Moyen Orient, en focalisant son travail sur « la question du coût humain ». Récompensé en 2013 par le Prix Pulitzer, ainsi que par le Pictures of the Year International, il poursuit dans Libya : A Human Marketplace son but, encore et toujours : « Contribuer à construire notre mémoire visuelle du monde dont il est témoin lors de ces reportages ». Et c'est réussi : découvrir ces photos est une prise de conscience tant l'impact visuel est fort. L'enjeu des migrations est aujourd'hui international. Néanmoins seules les arrivées aux frontières occidentales sont traitées par nos médias occidentaux. Narciso Contreras nous offre, ici, un regard plus en amont sur la Libye, véritable plaque tournante du trafic humain.
Zawara, Juin 2016
Le cadavre d'une migrante enceinte après avoir été rejetée par la marée. Il fait partie des deux cent vingt-six cadavres de migrants retrouvés du 10 au 17 juin 2016.
© Narciso Contreras for the Fondation Carmignac
Lybia : A Human Marketplace
Narciso Contreras
Skira Editore
45 euros