TONY, de la série PEPE & TONY, SPANISH FISHERMEN, 1956. © Louis Stettner
Considéré par ses pairs comme le «Doisneau américain», le photographe de 93 ans a droit à une rétrospective au Centre Pompidou, « Ici ailleurs », du 15 juin au 12 septembre 2016. Celle-ci présente aussi bien ses œuvres connues, à Paris et New-York, que des nouveautés jusqu'alors jamais révélées en collection. Pêcheurs, ouvriers, objets, arbres, villes... Dans toutes ses réalisations, Louis Stettner rend l'air palpable et poétique.
« Stettner aime New York comme une mère, Paris comme une maîtresse », écrit Cavanna dans sa préface à Sous le ciel de Paris, album consacré à la série de Louis Stettner sur le Paris des années 1950. Le photographe américain a accordé le fruit de ses voyages en donation au Centre Pompidou, permettant à celui-ci d'exposer 211 tirages dans sa galerie. Le commissaire responsable de l'exposition, Clément Chéroux, a sélectionné les œuvres qui lui semblaient explorer le plus possible les différents univers de Louis Stettner. Ainsi, le parcours de la galerie déroule la vie de l'artiste à travers ses réalisations photographiques, de ses premiers clichés en 1950 jusqu'à ses récentes réalisations dans les Alpilles, en 2014.
UN FRANC-TIREUR ISOLÉ, BOULEVARD RASPAIL, 1950. © Louis Stettner
Né à Brooklyn en 1922, il commence à photographier son entourage dès 1930. Venu à Paris en 1946, il photographie un Paris d'après-guerre d'où, pour citer Clément Chéroux, une « qualité atmosphérique » se dégage déjà : les jeux de lumière impressionnants mais humbles, les rues dont la respiration silencieuse se fait sentir... Stettner capte une ambiance propre au Paris des années 1950 de façon magnifique et simple. Comme lorsqu'il parle : il est capable « de ces trouvailles d'une poésie involontaire qui vous laissent pantois », écrit Cavanna. Que ce soit dans les rues de Paris ou dans le métro new-yorkais, Stettner capte le souffle d'un espace, la délicatesse d'un geste imprécis, l'essence de la beauté furtive des hommes.
FEMME AU GANT BLANC (DÉTAIL) , DE LA SÉRIE "PENN STATION", 1958. © Louis Stettner
Mais les commissaires d'exposition Clément Chéroux et Julie Jones insistent également sur des facettes plus surprenantes de l'œuvre de Stettner. Comme par exemple cette série destinée à un album qui n'a jamais vu le jour, Pepe & Tony, spanish fishermen ( Pepe & Tony, pêcheurs espagnols, 1956 ). L'attention portée aux gestes et aux corps est toujours aussi délicate du fait de la proximité du photographe avec ses sujets : Louis Stettner est dans la barque, avec les deux pêcheurs. L'attention portée aux postures humaines pendant le travail, la suspension aérienne des bras et des mains construisent une « poétique du geste », pour reprendre les termes de Chéroux.
N°15 DE LA SÉRIE DES ALPILLES, 2014. © Louis Stettner
On peut seulement regretter que l'exposition soit trop courte et, finalement, sélective sur l'œuvre de Stettner, qui est très prolifique puisqu'il n'est pas uniquement photographe. Mais elle dresse un panorama qui aborde beaucoup de facettes de l'œuvre de l'artiste : photos des villes, des gestes, des ouvriers, maquette du livre des pêcheurs espagnols, des arbres... Et de tout cela se dégage une attention portée à la matérialisation de l'air, au fait que la photographie tient un discours silencieux mais puissant. Mais laissons le mot de la fin à Louis Stettner lui-même : « Je n'ai jamais d'idée préconçue, la réalité me guide, mon œil me gouverne. Je ne suis pas à la recherche de certitudes. Un don anonyme : voilà mon idée de la photographie. »
BROOKLYN PROMENADE, NEW YORK, 1954. © Louis Stettner
http://www.parigramme.com/livre-sous-le-ciel-de-paris-438.htm"http://www.parigramme.com/livre-sous-le-ciel-de-paris-438.htm"
Préface de Cavanna.
Prix : 14 €