© Mary Ellen Mark, Tiny, 1983
Un regard de défi sous une voilette de mauvaise qualité, une robe noir pendue à des épaules maigrelettes et sur lesquelles tombent des cheveux fourchus, et à la bouche une bulle de chewing-gum prête à éclater, c'est une des premières image que l'on retient de Tiny. L'image d'une enfant effrontée, volontaire, autonome, dont la vie a pris un tournant bien différent de celle des autres enfants. Le dernier livre de Mary Ellen Mark, Tiny : Streetwise Revisited, retrace ce parcours à la fois ordinaire et singulier.
© Mary Ellen Mark, Tiny with her friends on Pike Street, 1983
Lorsque Mary Ellen Mark, alors photographe indépendante en reportage pour Life, fait la rencontre de Tiny en 1983 à Seattle, cette dernière a 13 ans, une mère alcoolique et se prostitue dans la rue pour acheter de la drogue et des vêtements à la mode. Commence alors une longue et intense histoire, non seulement une histoire de photographie et d'amitié, de courage et de persévérance, mais surtout l'histoire de la relation entre la photographe et cette fillette de la rue. Pendant plus de trente ans, Mary Ellen Mark retourne la voir sur Pike Street, dans la caravane de sa mère, chez elle. Elle fait la connaissance de ses amis, Laurie, Patti, Rat et tous les autres enfants qui vivent dans la rue. Elle rencontre ses amours éphémères. Elle voit naître et grandir ses dix enfants.
© Mary Ellen Mark,Tiny pregnant with Daylon, 1985
Au gré des photographies, Tiny laisse progressivement la photographe s'immiscer dans son intimité. Alors que les premières images montrent une Tiny arborant un sourire satisfait, insolent, petit à petit ses faiblesses se dévoilent face à l'objectif : pleurs, déceptions – au sujet de sa mère notamment, addictions. Mary Ellen Mark montre avec subtilité les humeurs de celle que l'on pourrait qualifier d'« héroïne » tant sa présence est envoûtante. Ne cherchant ni le larmoyant, ni le tragique, la photographe sait s'effacer pour laisser parler le visage expressif de Tiny, elle sait mettre en valeur le détail facétieux ou pertinent qui rendra le cliché unique, capturer les coups durs comme les moments de douceur, notamment cette touchante photographie de Tiny, perdue entre l'enfance et l'âge adulte, serrant sa peluche contre elle.
© Mary Ellen Mark,Tiny and Pat, along the road, 1993
Si la vie de Tiny est remplie de changements, accentués par les sauts dans le temps que nous impose le livre – on la quitte en adolescente coquette, on la retrouve en maman droguée, le regard de la photographe fait aussi office de fil rouge, une touche de cohérence dans la vie débridée de Tiny. Ses photographies prises dans un noir et blanc savamment nuancé jouent sur les contrastes sans en abuser. Mary Ellen Mark respecte les règles de composition autant qu'elle se plait à déconstruire les lignes, offrant ainsi une nouvelle perspective au regard du lecteur. Ses clichés transmettent l'intensité de cette histoire et nous ramène brutalement à une réalité qu'il est souvent plus facile d'oublier.
© Mary Ellen Mark, Rayshon and Tiny on the couch, Seattle, 1999
Avec ce livre, c'est un témoignage d'une rare humanité et d'une grande humilité que nous livre Mary Ellen Mark. Comme le dit Isabel Allende, dans sa très belle préface, en parlant de Tiny : « Elle pourrait être moi et je pourrais être elle ».
Tiny : Streetwise Revisited
Photographies : Mary Ellen Mark
Textes : Isabel Allende, John Irving et Mary Ellen Mark
Editions Aperture, 2015
Langue : Anglais
176 pages, 25,4 x 30,5
50 euros
ISBN : 978-1-59711-262-8
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