Jeudi 18 Juin 2015 17:15:42 par Louis Royer dans Expositions Chroniques

L'abbaye de Jumièges a été construite il y a près de 1400 ans, alors que les Mérovingiens gouvernaient en France. le lieu a survécu à tous les régimes depuis et abrite aujourd'hui une exposition dédiée à l'un des plus grands maîtres de la photographie, Henri Cartier-Bresson. « Paysages » est la dernière exposition réalisée par l'artiste. Lancée en 1999, elle n'a été présentée qu'une seule fois en France, en 2002 à Orléans. Elle revient à présent dans l'Hexagone après 13 ans d'errance à travers le monde (elle était encore à Séoul au début de l'année), grâce aux efforts de la fondation Cartier-Bresson et de l'agence Magnum.

© Louis Royer

L'abbaye de Jumièges est un monument de l'histoire de France où se combinent plusieurs styles architecturaux qui donnent à l'édifice toute sa profondeur, malgré le fait qu'il ne subsiste que des ruines. Non, pas des ruines, des vestiges, tant le site est remarquablement conservé et impressionne toujours.  Évidemment, les photographies ne sont pas exposées sur les pierres de l'église, mais à l'abris dans le logis abbatial, bâtiment de style classique à trois niveaux dont la haute toiture à la Mansart, le ferait presque ressembler à un petit château. 

© Louis Royer

C'est à l'intérieur de ces murs, datant quand même du XVIIème siècle que sont accrochés les 95 clichés qui composent l'exposition. "Au départ, Cartier-Bresson avait sélectionné 105 photos pour ' Paysages ', mais la disposition des lieux nous a obligé à en retirer 10, et le choix fut difficile " explique Emmanuelle Hascoët, responsable des expositions pour l'agence Magnum.

© Louis Royer

Les clichés sont répartis sur deux étages et cinq salles. Si les plus vieux remontent aux années 30, ils paraissent bien jeunes aux côtés des sculptures ou des gisants installés dans le logis. Ainsi, au fil de l'exposition sur des murs de pierre, on alterne entre la photographie et des pièces ayant plusieurs siècles, voire un bon millénaire. Mais le mariage est idéal. À l'histoire ancienne, Cartier-Bresson oppose l'histoire du XXème siècle. Photographies s'étendant sur 70 ans, cinq continents (ou presque), en noir et blanc, qui offrent au visiteur un panorama unique sur l'évolution des paysages durant cette période. Clichés urbains ou champêtres, avec ou sans personnage.

© Henri Cartier-Bresson/Magnum

Une dizaine de thématiques sont traitées, comme les arbres, la neige ou encore les trains. Le style de Henri Cartier-Bresson est reconnaissable facilement, surtout que nombre de ses clichés sont mondialement connus et s'affichent un peu partout depuis plus d'un demi-siècle. Néanmoins, la magie opère toujours et l'on reste subjugué devant ces photos. On se passionne pour ces images où Cartier-Bresson recherchait le bon moment, le bon mouvement. Parce que lui ne photographiait pas, il peignait l'instant, il rendait le monde comme il est, brut mais merveilleux, sale mais clair, froid mais beau.

© Louis Royer

Voici comment un lieu chargé d'histoire, d'aucuns diront d'émotions, se magnifie d'avantage avec l'œuvre de Cartier-Bresson. On en vient à se demander si un bijou et son écrin ne viennent pas de se trouver.