© Instagram Doe Deere
Un (Richard) Prince des voleurs.
Un escroc qui déroberait les photos des autres pour les revendre beaucoup plus cher.
A des gens très riches. Ah oui, parce qu'il ne serait jamais question de pauvres dans notre histoire. On est quand même dans le milieu de l'art...
Avant de dévoiler le dernier scandale de notre Richard made in Panama, quelques brèves mais nécessaires présentations s'imposent. Parce que le fourbe n'en est pas à son coup d'essai. Le copier-coller de photographies qui ne seraient pas les siennes n'a rien de nouveau. C'est son fonds de commerce. Très lucratif le fonds de commerce.
New York, années 1970. Le jeune Prince débarque pour la peinture. Il est alors employé par les publications Time-Life, où il rephotographie des images imprimées. Très vite, il dérobe et détourne les images qui lui plaisent, ou sur lesquelles il a des choses à dire. Du cow-boy de Sam Abell en 1977 aux clichés de Patric Cariou en 2008, rien ne l'arrête et tout l'inspire. Surtout si l'on considère que les photos détournées de Cariou se sont http://petapixel.com/2015/05/26/richard-prince-is-a-jerk/. Ou encore qu'avec la vente en 2005 de Untitles (Cowboy), il devient http://petapixel.com/2015/05/26/richard-prince-is-a-jerk/.
© Richard Prince
Ça proteste, ça se révolte, ça poursuit. Mais rien n'y fait, l'auteur Prince l'emporte toujours. Car s'inspirer de ce qui a été fait, n'est-ce pas là aussi l'un des fondements de l'entreprise artistique ? En ce qui le concerne, personne ne s'accorde. Et les termes pour désigner cette inspiration/emprunt du travail d'autres artistes se mutiplient : « réappropriation », « rephotographie »,« plagiat », « grosse chourave »... ah non, ce dernier, on vient de l'inventer. Dédicace à Prince.
La dernière « escroquée » en date ? Doe Deere, créative dans les cosmétiques, et se définissant elle-même sur son Instagram comme « Reine des licornes ». (Y en a qui cherchent un peu. C'est quand même pas tous les jours qu'on peut la faire à l'envers à une licorne, à la place de Prince on n'aurait pas hésité). Les « oeuvres » coupables ? Trente-huit photographies piochées sur Instagram sans autorisation préalable et commentées par le maître. Exposés à la galerie Gagosian de New York en 2014, ces chatoyants clichés avaient été vendus jusqu'à 100 000 dollars. Ils sont ressortis récemment à la Frieze Art Fair de New York. C'est là que notre licorne a appris que son image avait été utilisée. Surprise, mais lucide, elle a gardé la tête froide et affirmé sur son compte Instagram qu'elle n'allait pas poursuivre. Plus quelques hashtags bien sentis : #lifeisstrange ou #modernart. C'est pourtant vrai qu'elle semble sacrément bizarre cette vie au sein du petit monde de l'art contemporain.
Alors, idée de génie ? Scandaleuse escroquerie ? Non-respect du droit à l'image ? Inspiration légitime de l’artiste ?
Mais surtout, question qui nous taraude plus que toutes les autres : qui est donc cette personne capable de débourser 80 SMIC pour un Instagram de licorne ? Qui ???
Emilie Lemoine