© Musée de la chasse
Chroniques du 24/02/2015 au 15/06/2015 Terminé
Musée de la Chasse et de la Nature 62, rue des Archives 75003 Paris France
Yury Toroptsov expose du 24 février au 15 juin au Musée de la chasse. C'est un photographe russe né en 1974 près de Vladivostok. Avec « Deleted Scene », il s'intéresse aux liens entre la chasse et la photographie. Un tigre taxidermisé en cage, rugissant devant une photographie noir & blanc d'un de ses congénères en est une manifestation concrète. Deux sièges vides se font face autour d'une table sur laquelle est posée une lampe de chevet aux pieds de chamois : une impression d'absence, de manque se fait ressentir face à ces photographies où la présence humaine se fait rare.Musée de la Chasse et de la Nature 62, rue des Archives 75003 Paris France
« Deleted Scene » se veut être à la fois une sorte d'introspection et de quête initiatique d'un père trop tôt disparu. Yury Toroptsov n'ayant pas eu de souvenir de son père, il décide de repartir sur ses traces dans la Taïga sibérienne. Il l'avait en fait déjà arpentée nouveau-né avec ses parents, alors que le célèbre réalisateur japonais Akira Kurosowa tournait son film Derzou Ouzala, le chasseur héros du récit autobiographique éponyme. L'artiste ajoute : « Ce fait divers prend son importance parce qu'il a impliqué mes deux parents et moi, bébé. Mon père est mort peu après ça, et ma mémoire de lui se limite à des histoires comme ça, qui m'ont été racontées par des gens qui l'ont connu. »
Tentant de reconstruire ses souvenirs, l'exposition présente des archives de documents que Yury Toroptsov a répertoriés ainsi que de vieilles images prises par un couple de photographes amateurs. Celles-ci montrent la Taïga (la plus vaste continuité boisée de la planète) et retracent les mois de tournage de Dersou Ouzala en Russie, où il a pu reconnaître ses parents. Les photographies en noir & blanc de Yury Toroptsov montrent une Taïga figée, intemporelle, alors que celles en couleur dévoilent une Sibérie contemporaine, faite de fragments de villes et de paysages où l'homme y a laissé des traces. Si le communiqué de presse de l'exposition déclare que Yury Toroptsov s'est donné pour mission de photographier l'invisible, l'on pourrait ajouter que cette invisibilité résulte aussi d'une certaine incompréhension du propos. La seule chose pouvant nous éclairer est une vidéo où les propos récités rébarbativement ne poussent pas vraiment à l'écoute.
Yury Toroptsov nous présente donc différentes narrations agencées autour d'un thème introspectif, mais cherchant également à questionner le médium de la photographie : « Je me suis intéressé à des choses qui vont au-delà des considérations personnelles, comme la question du rôle de la photographie dans la création, la transmission et la substitution de la mémoire. » Certaines photographies sont regroupées en îlot sur le mur. D'autres manquent au puzzle d'une mémoire qui ne serait pas totalement reconstituée.
© Musée de la chasse
« Je voulais savoir comment le paysage géographique devient un territoire de la mémoire. Dans « Deleted Scene » il y a trois lignes de narration distinctes, toutes les trois sont basée sur des événements réels, qui se sont produits à des époques différentes, entre les années 1900 et les années 1970. Les faits se sont produits dans la même région de la Russie orientale. » Cela dit, l'exposition aurait probablement gagnée à être moins décousue. Mais elle aura peut-être permis à l'artiste de réussir sa quête introspective !
Estelle Magnin